Texte du rapport d'André Amar.
Préambule
Mi-mai Camille Desmoulin avait écrit un pamphletcontre les brissotins (girondins)
c'est à dire Jacques Pierre Brissot et ses amis.
Peu après, durant les journées des 31 mai et 2 juin 1793, des députés girondins de la Convention nationale seront arrêtés. La lutte
entre Girondins et Montagnards à la Convention avait abouti à une insurrection et l'encerclement de la Convention par la garde nationale.
Sous cette pression les députés girondins avaient été arrêtés. Peu après ces journées les Girondins avaient écrit une lettre de
protestation contre ce qui pouvait s'apparenter à un coup d'état.
Ce sont les signataires de cette lettre qui vont faire l'objet du rapport d'André Amar, qui était du côté des plus virulents,
plus extrémiste que Robespierre dont il contribuera, plus tard en juillet 94, à la chute.
Comme les Montagnards sortent vainqueur du duel avec les Girondins, ceux qui ont signé la lettre de protestation seront
poursuivis. L'Histoire donne raison aux vainqueurs, même provisoires. La guillotine sera mise à contribution.
C'est aussi suite à ces évènements de mai 1793 que seront jugés les 26 administrateurs du Finistère, jugés et condamnés à mort, fin mai 1794.
Nous étions déjà dans la période de la Terreur qui sera suivie de la Grande Terreur à partir de juin 94.
Juste avant le rapport d'André Amar, voici ci-dessous la protestation des députés girondins contre les journées des
31 mai et 2 juin 1793.
Protestation de divers membres de la Convention contre les journées des 31 mai et 2 juin 1793.
Annexe 3 du rapport d'Amar, page 545
Considérant qu'au milieu des événements qui provoquent l'indignation de la République entière, ils ne peuvent garder le silence
sur les attentats commis envers la représention nationale, sans s'accuser eux-mêmes de la plus honteuse faiblesse ou
d'une complicité encore plus criminelle;
Considérant que les mêmes conspirateurs qui, depuis l'époque où la République a été proclamée, n'ont cessé d'attaquer la
représentation nationale, viennent enfin de consommer leurs forfaits, en violant la majesté du peuple dans la personne
de ses représentants, en dispersant ou enchaînant quelques-uns d'entre-eux, et en courbant les autres sous le joug de
la plus audacieuse tyrannie ;
Considérant que les chefs de cette faction, enhardis par une longue impunité, forts de leur audace et du nombre de leurs
complices, se sont emparés de toutes les branches de la puissance exécutive, des trésors, des moyens de défense et
des ressources de la nation, dont ils disposent à leur gré et qu'ils tournent contre elle ;
Qu'ils ont à leurs ordres les chefs de la force armée et les autorités constituées de Paris; que la majorité des habitants de
cette ville intimidée par les excès d'une faction que la loi ne peut atteindre, effrayée par les proscriptions
dont elle est menacée sans cesse, non seulement ne peut pas réprimer les manœuvres des conspirateurs, mais que
souvent même, par respect pour la loi qui commande l'obéissance aux autorités constituées, elle se voit forcée
de concourir en quelque sorte à l'exécution de leurs complots ;
Considérant que telle est l'oppression sous laquelle gémit la Convention nationale, qu'aucun de ses décrets ne peut être exécuté,
s'il n'est approuvé ou dicté par les chefs de cette faction ; que les conspirateurs se sont constitués par
le fait les seuls organes de la volonté générale, et qu'ils ont rendu les restes de la représentation
nationale l'instrument passif de leur volonté;
Considérant que la Convention nationale, après avoir été forcée d'investir d'une autorité illimitée les commissaires
qu'elle a envoyés dans les départements et aux armées, et que cette faction a exclusivement désignés,
n'a pu réprimer les actes arbitraires qu'ils se sont permis, ni même formellement improuver les maximes
incendiaires et désorganisatrices que la plupart d'entre eux ont propagées.
Considérant que non seulement la Convention nationale n'a pu faire poursuivre ni les dilapidateurs de la fortune publique, ni
les scélérats qui ont commandé des assassinats et des pillages, mais encore que les conspirateurs,
après avoir vu leurs projets échouer dans la nuit du 10 au 11 mars, en ont repris l'exécution
avec plus de succès à l'époque des 20, 21, 27 et 31 mai, 1 et 2 juin derniers;
Qu'à cette dernière époque, on a fait battre la générale, sonner le tocsin et tirer le canon d'alarme; que les barrières de
la ville ont été fermées, toutes les communications interceptées, le secret des lettres violé, la salle de la Convention bloquée par
une forcé armée de plus de 60 mille hommes ; qu'une artillerie formidable à été placée à toutes les avenues du palais national; qu'on y a
établi des grils pour le service des canons, chauffer des boulets, et former tous les préparatifs d'un assaut;
Que des bataillons destinés pour la Vendée et retenus à dessein dans les environs de Paris, se trouvèrent au nombre des assiégeants; que des satellites dévoués aux conjurés et préparés à l'exécution de leurs sanguinaires complots, occupèrent les postes les plus importants et les issues de la salle ;
qu'ils furent ouvertement récompensés de leur zèle par des distributions de vivres et d'argent;
Qu'au moment où la Convention nationale se présenta en corps aux avenues du palais pour enjoindre à la force armée de se retirer,
le commandant, investi par les conjurés de la plus insolente dictature, osa demander que les députés
proscrits fussent livrés à la vengeance du peuple et que, sur le refus de la Convention, il eut l'atroce impudence de crier aux armes
et de faire mettre en péril la vie des représentants du peuple français;
Considérant enfin que c'est par des manœuvres de cette nature qu'on est parvenu à arracher à la Convention, ou plutôt à la
sixième partie des membres qui la composent, un décret qui prononce l'arrestation arbitraire qui enlève à leurs fonctions,
sans accusation, sans preuve, sans discussion, au-mépris de toutes les formes, et par la violation la plus criminelle
du droit des gens et de la souveraineté nationale, 32 représentants désignés et proscrits par les conspirateurs eux-mêmes.
Déclarent à leurs commettants, aux citoyens de tous les départements, au peuple français, dont les droits et la souveraineté ont été
aussi audacieusement violés, que depuis l'instant où l'intégrité de la représentation nationale a été rompue par un acte
de violence, dont l'histoire des nations n'avait pas encore offert d'exemple, ils n'ont pu ni dû prendre part aux
délibérations de l'assemblée ;
Que réduits, par les circonstances malheureuses qui les entourent, à l'impossibilité d'opposer, par leurs efforts individuels,
le moindre obstacle aux succès des conspirateurs, ils ne peuvent que dénoncer à la République entière les
scènes odieuses dont ils ont tous été les témoins et les victimes.
A Paris, le 6 juin, l'an II de la République française.
Signé : Lauze-Duperret, député des Bouches-du-Rhône; Ig. Cazeneuve, Laplaigne, député du département du Gers ; Chasselin, Girault,
Dugné-Dassé, Rouault, Dusaulx, Lebreton, Defermon, Couppé, J. P. Saurine, Queinec, Salmon, député de la Sarthe;
Lacaze fils aîné, V. F. Corbel, J. Guiter, Ferroux, député du Jura, ayant déjà protesté le 2 de ce mois dans la Convention ;
Jacques-Antoine Rabaut, Fayolle, Derazey, Ribereau, F. Aubry, Bailleul, Ruault, Obelin, Babey, député du Jura;
C. A. A. Blade, Maisse, député du Finistère [ des Basses-Alpes en fait]; H. Fleury, député des Côtes-du-Nord ; Vernier,
député du Jura; Grenot, député du Jura; Jary, député de la Loire-Inférieure; Amyon, du Jura, ayant déjà protesté le 2 de ce mois
dans la salle de la Convention; Laurenceot, député du Jura ; Laurence, député de la Manche; Serre, député des Hautes-Alpes;
Saladin, député de la Somme; Chassel, Vallée, de l'Eure; Mercier, député de Seine-et Oise; Mazuyer, de Saône-et-Loire;
Royer, Duprat, député du département des Bouches-du-Rhône; Lefebvre, Olivier-Gerente, Garilhe, Varlet, Dubuse, Savary,
Delamarre, . (1)
Dabray-Doublay
C'est une erreur du document imprimé; il ne s'agit pas d'un député nommé Dabray-Doublet, mais de deux députés distincts, savoir : Dabray, deputé des Alpes-Maritimes, et Doublet, député de la Seine-Inférieure.
A Paris, le 19 juin, au dit an, Philippe Delleville, Blangni, Massa, Faure, Hecquel, député de la Seine-Inférieure; B. Descamps, Lefebvre, de la Seine-Inférieure; Daunou, Perrier, député de l'Aude, ayant déjà protesté le 2 de ce mois dans la salle de la Convention; Blaux, député de la Moselle; Estandens, Bresson, député des Vosges ; Marbet, Rouzet, de
Haute-Garonne, ayant déjà protesté le 2 de ce mois; Tournier de l'Aude, ayant déjà protesté
le 2 de ce mois dans la salle de la Convention;
Vincent, Blaviel. ayant déjà protesté le 2 de ce mois; Moysset du Gers; Saint-Prix et Gamon.
Certifié conforme à l'original. A Paris, le premier brumaire, l'an troisième de la République
française une et indivisible [22 octobre 1794].
Les membres composant le comité de sûreté générale de la Convention nationale.
Signé : Claitzel, président: Monmayou, Levasseur(de la Meurthe), secrétaires.
Source du document qui suit
Rapport d'André Amar.
voir aussi : Bibliothèque nationale 35 pages in-8°, Le38, n° 492. — Bibliothèque de la Chambre des députés :
Collection Portiez (de l'Oise), 54 pages in-8°, t. 389, n° 13 et 11, n° 6.
Acte d'accusation contre plusieurs membres de la Convention nationale, présenté au nom du comité de sûreté générale,
par
André Amar
avocat et homme politique français (1755-1816) adversaire acharné des girondins.
, membre de ce comité, le treizième jour du premier mois de l'an II [ 4 octobre 1793] de la République
française, et du vieux style le 3 octobre. (Imprimé par ordre de la Convention nationale.)
Il a existé une conspiration contre l'unité et l'indivisibilité de la République, contre la liberté et la sûreté
du peuple français.
Au nombre des auteurs et complices de cette conspiration sont Brissot, Gensonné, Vergniaud, Guadet, Grangeneuve,
Pétion, Corsas, Biroteau, Louvet, Valazé, Valady, Fauchet, Carra, Isnard, Duchâtel, Barbaroux, Sales, Buzot,
Silllery, Ducos, Fonfrède, Lehardi, Lanjuinais, Fermont, Rouyer, Kersaint, Manuel, Vigier et autres. La
preuve de leurs crimes résulte des faits suivants.
Brissot, agent de police sous les rois, déshonoré, même dans l'ancien régime, par de basses intrigues, commença
à figurer dans la Révolution, comme membre du comité des recherches de la commune de Paris où il fut
introduit par Lafayette, à qui il prostitua longtemps son ministère et sa plume.
Quand Lafayette, après avoir voulu protéger par la force le départ de Louis XVI, contre le vœu du peuple, affecta de donner sa démission pour se faire prier de conserver le commandement de la garde parisienne, et exiger des citoyens armés un serment de fidélité à sa personne, Brissot écrivait dans le Patriote français, que la retraite de Lafayette était une calamité publique.
De tout temps l'ennemi des Sociétés populaires, il se montra aux jacobins seulement à trois époques remarquables.
La première, au mois d'avril 1790, pour commencer l'exécution d'un plan d'intrigue, déguisé sous une apparence de philanthropie, et dont le résultat fut la ruine de nos colonies.
La seconde, au mois de mars 1791, pour préparer la journée du Champ-de-Mars, que Lafayette et ses complices avaient froidement méditée pour assassiner les patriotes. Quand les plus zélés amis de la
liberté étaient plongés dans les cachots, Brissot se promenait paisiblement dans les rues de Paris.
La troisième fut le mois de janvier 1792, où il vint prêcher la guerre que tous les ennemis de la Révolution appelaient sur
la France pour étouffer la liberté naissante.
Nommé à l'Assemblée législative, Brissot se coalisa ouvertement avec Caritat, dit Condorcet, et avec plusieurs députés de la
Gironde, Gensonné, Guadet, Vergniaud, Grangeneuve, Serres, Ducos et autres. Ces hommes cherchèrent d'abord à usurper
une utile popularité, en défendant la cause du peuple dans les occasions de médiocre importance, quoiqu'ils
l'abandonnassent constamment dans les circonstances décisives.
La Cour et tous les ennemis de la France se servirent de leur influence pour faire déclarer la guerre dans le temps où nos
armées, nos places fortes, étaient dans un état de dénuement absolu, et confiées à des traîtres choisis par
un roi parjure. Dans le même temps ils protégeaient de tout leur pouvoir le ministre Narbonne, que toute
la France accusait principalement des mesures prises pour rendre cette guerre fatale à la liberté; ils
persécutaient, ils calomniaient ceux qui avaient le courage de les dénoncer. Caritat, dit Condorcet, dans
la Chronique, Brissot dans le Patriote français, s'honoraient impudemment de leurs honteuses liaisons avec
ce traître qu'ils érigeaient en héros : ils le firent envoyer, contre toutes les lois, à l'armée qu'il trahit, sans
qu'il eût rendu ses comptes comme ministre. Les mêmes députés journalistes se déclarèrent aussi les défenseurs
officieux de Diétrik, convaincu de complicité avec Lafayette, et d'avoir voulu livrer Strasbourg. Tandis que
les chefs de cette faction protégeaient les conspirateurs et les généraux perfides; tandis qu'ils leur faisaient
donner le droit de vie et de mort, et celui de faire des lois pour l'armée, les soldats patriotes étaient
proscrits, les ci-devant gardes-françaises et les volontaires de Paris étaient spécialement persécutés,
et envoyés à la boucherie.
Cependant les satellites des despotes de l'Europe nous cernaient, et la Cour se préparait à leur ouvrir l'entrée
de la France, après avoir fait égorger à Paris les plus intrépides défenseurs de la liberté. Sans l'heureuse
insurrection du 10 août, cette horrible conspiration était exécutée. Brissot, Gensonné, Pétion, Guadet,
Vergniaud et leurs complices mirent alors tout en usage pour contrarier les généreux efforts du peuple,
et pour sauver les tyrans.
Les sections de Paris, et les citoyens de toutes les parties de la France, réunis dans
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cette ville, sous le titre de fédérés, demandaient à grands-cris la déchéance du parjure Louis XVI.
Brissot, Vergniaud, Gensonné s'efforcèrent de l'empêcher par les discours les plus insidieux, où ils abjuraient manifestement les principes qu'ils avaient paru quelquefois défendre. Le peuple leur
en témoigna son indignation au sortir des séances où ils les avaient prononcés.
Les citoyens de Paris et les fédérés s'étaient armés pour renverser le trône du tyran conspirateur.
Brissot, Pétion, Gensonné, Guadet, Vergniaud
Gensonné, Guadet, Vergniaud sont les fondateurs du groupe politique des girondins.
- Guadet fut guillotiné à Bordeaux le 27 prairial an 2 (20 juin 1794).
- Vergniaud fut guillotiné avec 21 autres députés girondins le 31 octobre 1793.
- Gensonné fut exécuté le même jour que Vergniaud.
- Brissot est exécuté ce même 31 octobre 1793
- Pétion, en fuite en Gironde, se suicidera peu avant la chute de Robespierre
et leurs adhérents transigeaient avec lui.
Dans la nuit même du 9 au 10 août, Pétion envoyait des messages dans les sections pour les exhorter au calme et à l'inaction. Au moment où le peuple marchait contre le château des Tuileries, Pétion était chez Louis XVI; il conférait avec ses courtisans il visitait les postes des satellites que le tyran y avait rassemblés depuis longtemps, pour égorger le peuple. Pétion avait donné ordre à Mandat, commandant général de la garde nationale parisienne, de laisser passer le peuple, et de le canonner par derrière. Quelques jours avant cette fatale époque, Gensonné et Vergniaud avaient présenté à Louis XVI, par l'entremise du peintre Boze, et de Thierry, son valet de chambre, une espèce de traité, où ils s'engageaient à le défendre, à condition qu'il rappellerait au ministère Rolland, Clavières et Servan, leurs créatures et leurs complices. Ce fait, constaté par un grand nombre de témoins, a été avoué par Vergniaud lui-même à la Convention, dans un temps où la faction dominante croyait pouvoir insulter impunément à la liberté. Le résultat de ce traité coupable eût été la conservation de la royauté, dont le peuple français voulait secouer le joug odieux, et l'assassinat de tous
les citoyens magnanimes, qui étaient venus de chaque partie de l'empire pour provoquer la chute du tyran.
Ce Pétion, qui montrait tant d'activité pour apaiser, au prix du sang du peuple, l'insurrection nécessaire du 10 août, était le même qui avait souffert paisiblement le mouvement inutile et funeste du 20 juin précédent, parce que la même faction l'avait provoqué uniquement pour forcer Louis XVI à rappeler les mêmes ministres. Elle avait cru aussi que les fédérés du 10 août accourraient à sa voix pour seconder ses desseins ambitieux. Quand elle les vit disposés à ne servir que la patrie, elle voulut les arrêter. Elle n'agitait le peuple que pour effrayer le roi, et après
s'en être servi, elle prétendait le briser comme un instrument inutile.
Avant le 10 août, Pétion, maire, et tous ses adhérents, s'étaient appliqués à donner mille dégoûts aux fédérés pour les forcer à quitter Paris.
Ils les laissaient sans logement, sans secours. Dans le même temps, Lasource et les députés girondins péroraient avec
véhémence dans la Société des Jacobins pour les déterminer à sortir de Paris, à se rendre au camp de Soissons, où les défenseurs de la patrie souffraient la plus horrible disette, où ils virent plusieurs d'entre eux périr victimes de l'un des attentats
les plus exécrables qu'ait commis Narbonne.
Brissot avait donné au roi des conseils pernicieux à la liberté, comme le prouve une lettre de sa main, adressée à Louis XVI, déposée au comité de surveillance, et où sa signature se trouve raturée. Kersaint et Rouyer, deux partisans connus de la même faction, avaient écrit au même tyran deux lettres semblables trouvées dans les papiers des Tuileries. Membres de l'Assemblée législative, ils osaient solliciter, au mépris des lois, la place de ministre ou de conseil du roi, sous la promesse d'étendre sa funeste autorité. Ce crime a été dévoilé au sein de la Convention nationale;
mais alors leur faction dominait, et ils avouèrent leur bassesse avec insolence.
Le projet d'empêcher la fondation de la République et d'égorger les amis de la liberté fut mis en motion à la tribune de
l'Assemblée législative par Brissot lui-même, dans le discours insidieux où il s'opposa à la
déchéance peu de jours avant la révolution du 10 août. Le 26 juillet 1792, après avoir
parlé des partisans des deux Chambres et des émigrés, il s'exprima ainsi : On nous parle d'une
troisième faction qui veut établir la République. Si ces républicains régicides existent, s'il existe
des hommes qui tendent à établir la République sur les débris de la Constitution, le glaive de la loi doit frapper
sur eux comme sur les amis actifs des deux Chambres, et sur les contre-révolutionnaires de Coblentz.
Si les vœux de Brissot et de ses complices avaient été remplis, il n'y aurait aujourd'hui ni républicains, ni République ; les défenseurs de la liberté auraient précédé
à l'échafaud les rebelles de Coblentz et les satellites du tyran.
Ce qui caractérise surtout la perfidie des conjurés, c'est le rapprochement des faits suivants :
Au mois de mars 1791, quand la France admettait une royauté constitutionnelle, quand le nom de républicain était un signal de proscription contre les amis de la liberté, Brissot et le ci-devant marquis de Condorcet imprimaient un journal intitulé le Républicain. Ils affichaient partout, sous le nom du ci-devant marquis Achille Duchâtelet, parent de Lafayette, et alors très assidu chez la marquise de Condorcet, des placards qui présentaient à tous les yeux le mot de République ; Condorcet publiait un livre sur la République qui n'avait rien de républicain que le nom, et que le gouvernement anglais eût avoué. Brissot vint aux Jacobins, auxquels il avait été longtemps étranger, rédiger la pétition qui devait conduire à la boucherie les patriotes ardents que Lafayette attendait au Champ-de-Mars pour les immoler.
La Société des Jacobins ne voulait demander que le jugement du roi fugitif ; Brissot affecta de glisser dans la pétition le vœu prématuré de
proscrire la royauté en elle-même. On fit circuler la fausse pétition : dès ce moment tous les amis de la liberté furent proscrits
sous le titre de républicains et d'ennemis de la Constitution reconnue.
Aux mois de juillet et d'août 1792, quand le peuple français, lassé de tant de trahisons, voulait se délivrer du fléau de la royauté, quand les citoyens de toutes les parties de l'empire, réunis aux Parisiens, pour punir Louis, ne pouvaient
reconnaître ni un roi de sa race, ni aucune autre espèce de roi, Brissot, Caritat, Guadet, Vergniaud, Gensonné et leurs complices conspiraient pour conserver la royauté. Ils érigeaient en crime la seule pensée de la République; ils dévouaient les républicains aux vengeances du tyran et aux fureurs de l'aristocratie; ils étaient républicains sous la monarchie et royalistes sous la République, pour perdre
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la nation française et la livrer à ses éternels ennemis.
Ce projet d'étouffer la République au berceau, ils le manifestèrent par des actes solennels, dans la journée même du 10 août.
Dans le moment où la victoire était encore suspendue entre les satellites de Louis XVI et les défenseurs de la liberté, quand le tyran hypocrite vint au sein de l'Assemblée dénoncer le peuple dont il avait préparé le massacre, quand il osa dire : Je suis venu ici pour éviter un grand crime, Vergniaud, Président, lui fit une réponse digne d'un ennemi du peuple et d'un complice du tyran. « Sire, lui répondit ce mandataire infidèle, l'Assemblée met au rang de ses devoirs les plus chers, le maintien de toutes
les autorités constituées; nous saurons tous mourir à notre poste pour le remplir. »
Le procureur syndic, Rœderer, qui avait accompagné à l'Assemblée législative Louis XVI, sa coupable famille, et plusieurs de ses satellites, couverts du sang des citoyens, rend compte des précautions qu'il a prises avec le maire Pétion, pour assurer la défense du château des Tuileries; de la harangue qu'il a adressée aux canonniers, pour les exhorter à faire feu sur le peuple. Il parle avec le ton de la douleur, de la désobéissance de ces braves citoyens à ses ordres parricides, de la résolution que lui ont annoncée des citoyens insurgés,
de ne point se séparer que l'Assemblée n'ait prononcé la déchéance.
Le public applaudit. Le président Vergniaud impose silence au public; il l'accuse formellement de violer la loi et de gêner la liberté des opinions dans l'Assemblée législative.
Rœderer continue de dénoncer le peuple. « Le roi, dit-il, est un homme; cet homme est un père. Les enfants nous demandent d'assurer l'existence du père, la loi nous demande d'assurer l'existence du roi, la France nous demande l'existence de l'homme ». Il demande que l'Assemblée nationale
communique au département la force qui lui manque, et promet de mourir pour l'exécution de ses ordres.
Le président Vergniaud, applaudit à ces blasphèmes : il déclare formellement à Rœderer, que l'assemblée a entendu son récit
avec le plus vif intérêt, et qu'elle va prendre sur-le-champ sa demande en considération. »
Kersaint appuie la pétition du procureur-syndic; Guadet, au même instant, appelle la sollicitude nationale sur Mandat, cet infâme commandant de la garde nationale, qui venait d'être mis en état d'arrestation à la maison commune, pour avoir donné l'ordre de fusiller le peuple en queue et en flanc, selon le plan concerté avec la cour et ses conseillers;
Guadet demande qu'on nomme une députation de 12 membres, pour lui faire rendre la liberté.
Guadet prévoit le cas où le traître aurait subi la peine due à son crime, et aussitôt il cherche à s'emparer de la force publique, en demandant que,
dans le cas où ce commandant-général n'existerait plus, la députation soit autorisée à lui choisir un successeur.
Dans cette mémorable journée, on vit les chefs de la faction girondine, Vergniaud, Guadet, Gensonné, se relever au fauteuil, à la tribune, et passer continuellement de l'un à l'autre pour
rabattre l'énergie du peuple et sauver la royauté sous l'égide de la prétendue constitution.
Guadet ayant pris le fauteuil après Vergniaud, répondit, avec autant de dédain et de fausseté, aux nouveaux magistrats qui venaient lui présenter le vœu énergique du peuple, pour la proscription de la tyrannie, que Vergniaud avait mis de bienveillance dans sa réponse au discours coupable de Rœderer. Ils ne parlaient aux citoyens qu'amenait à la barre le
sublime enthousiasme de la liberté reconquise, que d'obéissance à la loi constitutionnelle, que du maintien de la tranquillité.
Quand la municipalité offrit de remettre à l'Assemblée le procès-verbal des grandes opérations de cette journée, et l'invitait de l'envoyer à toutes les municipalités pour prévenir les calomnies des ennemis de la liberté, Guadet, président, se permit d'interrompre les membres qui convertirent cette demande en motion, pour recommander de nouveau aux magistrats l'exécution de la loi. Il donna des louanges à Pétion; il reprocha au conseil général de la commune de l'avoir consigné chez lui, précaution qui avait paru indispensable pour mettre ce fourbe dans l'impossibilité de tourner l'insurrection même contre la liberté; il les invita à lever la consigne sous le prétexte que Pétion était nécessaire au peuple, dont il était l'idole. Il était au moins nécessaire à la faction, et
les traîtres mirent tout en usage pour entretenir l'idolâtrie qu'ils avaient tâché d'inspirer aux citoyens abusés par ce vil intrigant.
Une députation du faubourg Saint-Antoine vient peindre les crimes du tyran et demander sa punition : elle fait parler la douleur civique des
veuves et des enfants des généreux citoyens égorgés dans cette journée même par ses satellites.
Le perfide Guadet leur répond froidement : L'Assemblée nationale espère rétablir la tranquillité publique et le règne de la loi.
Vergniaud vient ensuite, au nom de la commission extraordinaire. que la faction dirigeait, proposer la suspension du roi
détrôné par le peuple et condamné par l'insurrection.
Il appelle cet acte conservatoire de la royauté, une mesure rigoureuse. Il gémit sur les événements qui viennent de se passer,
c'est-à-dire, sur le salut de la patrie et sur la défaite du tyran; il motive la suspension sur les méfiances qu'a inspirées
le pouvoir exécutif, dont le peuple venait de punir les trahisons innombrables.
Choudieu fait la motion généreuse, et peut-être nécessaire, d'inviter les assemblées primaires à exclure de la Convention nationale,
dont la convocation était arrachée par le peuple à la faction dominante, les membres de l'Assemblée législative et ceux de
l'Assemblée constituante.
Vergniaud s'y oppose.
Un autre membre demande que les registres de la liste civile soient déposés sur le bureau.
Vergniaud s'y oppose avec la même astuce.
Guadet paraît à la tribune et propose, au nom de la même Commission, de nommer un gouverneur au fils du ci-devant roi, qu'il
appelle encore prince royal.
Brissot et tous les intrigants ses complices affectent d'invoquer sans cesse l'exécution littérale de la constitution.
Des citoyens demandent la déchéance du tyran, au nom des nombreux martyrs de la liberté qui ont péri devant le château des Tuileries.
Le même Vergniaud s'élève contre cette pétition; il rappelle que le peuple de Paris n'est
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qu'une section de l'empire; il le met déjà en opposition avec les citoyens des départements; il insinue que l'Assemblée n'est pas libre; que le peuple est égaré. Il invite les pétitionnaires à le calmer, et le président Gensonné
appuie ce discours perfide.
Les mandataires de la commune viennent ensuite demander que le tyran soit mis en état d'arrestation : Vergniaud s'y oppose; il leur déclare que, tant qu'il y aura du trouble dans Paris,
le roi restera dans le sein de l'Assemblée; qu'ensuite il sera transféré au palais du Luxembourg.
Au Luxembourg, la fuite du tyran eût été facile; c'est du Luxembourg que son frère, le ci-devant Monsieur, venait effectivement de s'échapper : aussi Brissot fit-il encore des démarches multipliées chez le ministre de la justice d'alors, pour obtenir que Louis XVI fût renfermé au Luxembourg. Pétion et Manuel pérorèrent longtemps au conseil général de la commune pour empêcher qu'il ne fût conduit à la tour du Temple. Il n'est point d'artifices qu'ils n'aient employés
dans ce jour pour attendrir le peuple sur le sort du tyran, et pour faire avorter la révolution du 10 août.
Gensonné et Guadet eurent la bassesse d'annoncer plusieurs fois (ce qui était un mensonge) que Louis XVI avait dit aux Suisses de ne pas tirer sur le peuple. On imagina la ruse grossière de lui faire écrire dans la loge du Logotachigraphe, une lettre pour les Suisses de Courbevoie,
portant ordre de ne pas se rendre à Paris; et Gensonné en proposa la lecture à l'Assemblée.
Depuis lors, Gensonné et sa faction furent contraints de parler avec éloge de la journée du 10 août, et travaillèrent sans relâche à la ruine de la République. Dès le lendemain ils affichèrent des diatribes contre tous ceux qui avaient contribué à la chute du trône, contre les jacobins, contre le conseil général de la commune, contre le peuple de Paris. La plume de Louvet, celles de Brissot, de Champagneux, premier commis de Roland, furent mises en activité. On a vu chez Roland
des paquets énormes de ces libelles; on a vu toute sa maison occupée à les distribuer.
Ils cherchèrent à allumer la guerre entre les sections et le conseil de la commune, entre les sections et l'assemblée électorale, entre Paris et les autres portions de l'Etat : ils protégèrent ouvertement tous les conspirateurs,
tous les royalistes consternés, contre les amis de la République.
Cependant, Brunswick et les Prussiens se préparaient à envahir notre territoire; loin de songer à les repousser, les chefs de la faction investis de toute
l'autorité du gouvernement, les favorisaient de tout leur pouvoir.
Le séjour et les intrigues de Brissot en Angleterre, le voyage que Pétion avait fait à Londres, dans l'intervalle qui s'écoula entre la fin de l'Assemblée constituante et sa nomination à la mairie, avec la femme de Brulart, dit Sillery, avec les enfants du ci-devant duc d'Orléans, avec une élève de la femme de Sillery, nommée Paméla ; les liaisons de tous ces hommes avec les Anglais résidant en France, celles de Carra, l'un des suppôts de la même faction, avec certains personnages de la cour de Prusse; toutes ces circonstances et beaucoup d'autres avaient signalé Brissot et ses complices, comme les agents de la faction anglaise qui a exercé
une influence si funeste sur le cours de notre Révolution.
Leurs actions ont pleinement confirmé ces puissantes présomptions. Dès le 25 août 1791, Carra écrivait, dans les Annales
patriotiques, un article qui prouvait son tendre attachement à cette maison souveraine. Le voici : « Le duc d'York vient
d'épouser une princesse de Prusse nièce de la princesse d'Orange. Ce mariage unit a jamais ces trois Cours alliées.
Eh ! pourquoi ces trois Cours alliées ne se prêteraient-elles pas au vœu des Belges, si les Belges demandaient le duc
d'York, pour grand-duc de la Belgique, avec tous les pouvoirs du roi des Français ?»
A une époque très rapprochée de la révolution du mois d'août 1792, le 25 juillet, tandis que Brunswick et ses alliés se préparaient à fixer les destinées du peuple français par la force des armes, Carra écrivait, dans le même journal,
le passage suivant qui contient tous les secrets de la faction :
« Quelques petites observations sur les intentions des Prussiens dans la guerre actuelle. »
« Rien de si bête que ceux qui croient ou voudraient faire croire que les Prussiens veulent détruire les jacobins, et qui n'ont pas vu dans
ces mêmes jacobins les ennemis les plus déclarés et les plus acharnés de la maison d'Autriche, les amis constants de la Prusse, de
l'Angleterre et de la Hollande. Ces mêmes jacobins, depuis la Révolution, n'on cessé de demander à grands cris la rupture du
traité de 1756
Accord diplomatique entre l'Autriche et la France
, et à former des alliances avec la maison de Brandebourg et de Hanovre, tandis que les gazetiers universels dirigés par le comité
autrichien des Tuileries, ne cessaient de louer l'Autriche et d'insulter les cours de Berlin et de La Haye.»
«Non, ces Cours ne sont pas si maladroites de vouloir détruire ces jacobins qui ont des idées si heureuses pour les changements de
dynasties, et qui dans un cas de besoin, peuvent considérablement servir les maisons de Brandebourg et de Hanovre contre celle
d'Autriche. Croyez-vous que le célèbre duc de Brunswick ne sait pas à quoi s'en tenir sur tout cela, et qu'il ne voit pas clairement
les petits tours de passe-passe que le comité autrichien des Tuileries et la Cour de Vienne veulent jouer à son armée en dirigeant
toutes les forces des Français contre lui, et en déplaçant le foyer de la guerre loin des provinces belgiques ? Croyez-vous qu'il
se laissera mystifier par Kaunitz ? Non; il attendra, baguenaudera avec son armée de Coblentz, et avec ces pauvres
freluquets de princes et ci-devant nobles émigrés, jusqu'à ce que nous ayons pris enfin un parti décisif relatif aux traîtres
à qui nous avons confié le pouvoir exécutif, et relatif à une bonne politique. C'est le plus grand guerrier et le plus grand
politique de l'Europe, que le duc de Brunswick; il est très aimable : il ne lui manque peut-être qu'une couronne, je ne dis pas pour
être le plus grand roi de la terre, mais pour être le véritable restaurateur de la liberté de l'Europe. S'il arrive à Paris,
je gage que sa première démarche sera de venir aux Jacobins et d'y mettre le bonnet rouge. MM. de Brunswick, de Brandebourg et
de Hanovre, ont un peu plus d'esprit que MM. de Bourbon et d'Autriche. »
« Signé : Carra. »
Cette faction aurait voulu se servir des Sociétés populaires, et surtout des Jacobins, pour favoriser les projets
des tyrans étrangers. De là les
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combats qu'elle livra, pendant les derniers mois de l'Assemblée législative, à la majorité républicaine de cette
société qui finit par les expulser tous de son sein.
Un jour, le même Carra avait porté l'audace jusqu'à proposer ouvertement à la tribune même des Jacobins, le duc d'York, pour roi des Français : toute la société indignée se leva et ordonna qu'il serait censuré par son président. Cette scène s'est passée en présence de 2.000 témoins. Carra lui-même, dans un libelle qu'on lui a permis d'écrire même dans sa prison,
ne pouvant nier ce délit, a essayé de l'excuser par les circonstances du temps où il fut commis.
Il résulte de ces faits que, lorsque Carra était venu au commencement de la guerre à la barre de l'Assemblée législative, déposer une boîte d'or dont le roi de Prusse lui avait jadis fait présent, et abjurer la protection de cet ennemi de la France, il avait joué une comédie semblable à celle qu'il donna aux Jacobins le jour où il dénonça un assignat de 1.000 livres, qu'il prétendait lui avoir été envoyé pour le corrompre, il résulte que Carra et ses associés étaient des fourbes, profonds soudoyés par l'Angleterre,
la Prusse et la Hollande, pour préparer les voies à un prince de la maison qui règne sur ces contrées.
Ce fut ce même Carra qui, avec le ci-devant marquis de. Sillery, confident déshonoré d'un prince méprisable, fut envoyé par la faction alors dominante, en qualité de commissaire de la Convention nationale, auprès de Dumouriez; la trahison qui devait sauver l'armée aux abois du despote prussien: fut consommée; Dumouriez laissa là les ennemis ravagés par la maladie, après avoir lui-même annoncé plusieurs fois à la Convention leur ruine totale et inévitable ; il revint brusquement à Paris, où il vécut plusieurs jours dans une intime familiarité, avec Brissot, Pétion, Guadet, Gensonné, Carra et leurs pareils ; il concerta avec eux la perfide expédition de la Belgique, où il entra tandis que le roi de Prusse
se retirait paisiblement avec son armée, en dépit des soldats français indignés de l'inaction où on les retenait.
Il n'avait point tenu à la faction que la motion souvent faite par Carra, de recevoir Brunswick à Paris, ne fût réalisée. Tandis qu'au commencement de septembre, Paris et la France se levaient tout armés pour écraser les hordes du despotisme, ils cherchaient à lui livrer Paris sans défense ; ils méditaient de fuir au delà de la Loire, avec l'Assemblée législative, avec le conseil exécutif, avec le roi prisonnier, et sa famille, avec le trésor public : plusieurs membres de l'Assemblée législative ont été sondés à ce sujet. Kersaint, revenu de sa mission à Sedan, où il avait lâchement trahi la cause publique, osa le proposer au conseil exécutif : Roland, Clavière, Lebrun, créatures et instruments de Brissot et de ses complices, l'appuyèrent formellement. L'aveu de ce projet est consigné dans une lettre de Roland à la Convention nationale, en réponse à une dénonciation faite contre lui sur ce point; plusieurs témoins peuvent aussi l'attester : mais la menace qui fut faite aux ministres perfides par un de leurs collègues, de les dénoncer au peuple, le grand mouvement des citoyens de Paris et de la République, le firent échouer; il ne resta plus aux conspirateurs d'autre parti que de tirer le roi de Prusse et Brunswick du mauvais pas où ils s'étaient engagés; tel fut l'objet de la mission
de Carra et Sillery, et des négociations de Dumouriez avec Frédéric-Guillaume.
Quels traits, de lumière ! Carra, dans sa feuille du 26 juillet, plaide la cause de Brunswick, et le présente à la France patriote
comme le restaurateur de la liberté. Brunswick, selon lui, a droit de se plaindre de ceux qui feraient marcher l'armée française contre lui; il convient à ses intérêts que le foyer de la guerre ne soit point déplacé loin de la Belgique ; et, peu de temps après, les ministres amis de Carra, Roland, par exemple, qui venait de le nommer bibliothécaire national, propose d'ouvrir le passage et l'entrée de Paris à Brunswick; et peu de temps après, ce projet ayant échoué, on envoie Carra et Sillery au lieu où les armées de Brunswick et de Dumouriez sont en présence ; Dumouriez laisse partir Brunswick et le roi de Prusse avec leur armée délabrée, et, de concert avec les chefs de la faction, va porter le foyer de la guerre dans la Belgique.
Depuis ce temps, ils n'ont pas cessé un seul instant de conspirer contre la République, qui s'élevait en dépit d'eux.
Déshonorer et assassiner les amis de la liberté, protéger les royalistes, déifier, les agents de la faction, troubler, paralyser, avilir la Convention nationale, décréditer la monnaie nationale et républicaine, accaparer les subsistances,, affamer le peuple, surtout à Paris, au sein de l'abondance, armer les départements contre Paris, en calomniant sans cesse les habitants de cette cité, mère et conservatrice de la liberté ; enfin, allumer la guerre civile, et démembrer la République sous le prétexte de la fédéraliser ; mais en effet pour la ramener sous le joug monarchique, cacher ces coupables projets sous le voile du patriotisme; et, en combattant pour la tyrannie, prendre pour mot de ralliement:
république et anarchie, tels sont les principaux moyens qu'ils ont employés pour parvenir à leur but.
Ils cherchèrent surtout à empoisonner la liberté et le bonheur public dans leur source, en dépravant ou en égarant l'opinion générale. Brissot, Gorsas, Louvet,
Rabaut-Saint-Etienne, Vergniaud, Guadet, Carra, Caritat unirent leurs plumes à celles de cent journalistes mercenaires, pour tromper la nation entière sur le caractère de ses mandataires, et sur les opérations de la Convention nationale. Les sommes immenses que la faction avait fait remettre entre les mains de Roland,
sous le prétexte de former l'esprit public ou d'approvisionner la France, alimentaient cette horde de libellistes contre-révolutionnaires.
Roland avait organisé chez lui des ateliers d'impostures et de calomnies, sous le nom ridicule de bureaux de
formation d'esprit public. Sa femme les dirigeait : elle écrivait elle-même avec une prodigieuse fécondité.
Roland et ses collègues Clavière et Lebrun, épuisaient les moyens du gouvernement pour répandre dans
toute l'Europe les libelles destinés à flétrir la révolution du 10 août.
Roland interceptait, par le moyen des administrateurs infidèles des postes qu'il avait choisis, les correspondances patriotiques et le petit nombre d'écrits utiles que le civisme pauvre et persécuté pouvait publier pour la défense des principes et de la vérité. Il se permettait souvent de supprimer les discours des députés républicains dont l'envoi avait été ordonné par la Convention; quelquefois même il poussa l'audace au point de les envoyer sous le couvert du
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ministre de l'intérieur, tronqués et falsifiés; de manière que dans l'affaire de Capet, par exemple, tel député,
qui demandait la mort du tyran, paraissait, aux yeux du lecteur, voter énergiquement pour son absolution.
Rabaut, dit Saint-Etienne, se signalait par un genre de talent remarquable. Il s'était fait directeur d'un papier très répandu, intitulé le Moniteur, qui était censé rendre avec une exactitude littérale les opinions des orateurs de la Convention. En cette qualité, il donnait aux discours, des patriotes le caractère et les modifications analogues au genre de calomnie que la faction avait mis à l'ordre du jour : souvent par l'addition, par la soustraction ou par le déplacement d'un mot,
il faisait délirer, aux yeux de l'Europe entière, tous les défenseurs de la République française.
Rabaut suffisait à trois ou quatre directions de la même espèce ; il avait un émule dans la personne de son collègue Louvet, qui recevait 10.000 livres par an, pour mentir à l'univers, dans le Journal des Débats de la Convention, et
qui remplissait en même temps trois ou quatre tâches pareilles.
A ces indignes moyens se joignait la correspondance mensongère des agents de la faction, avec leurs commettants, les déclamations, dont ils faisaient chaque jour retentir le sanctuaire de la législation, souvent même des pétitions qu'ils avaient la lâcheté de mendier ou de dicter, et jusqu'aux réponses du président;
la tribune, le fauteuil, la barre, tout alors semblait prostitué à la calomnie.
Ces machinations avaient commencé avec la Convention nationale. Même avant qu'elle fut assemblée, les conspirateurs avaient inspiré
aux nouveaux députés les plus sinistres préventions contre une partie de leurs collègues, et contre le lieu où ils devaient tenir
leurs séances : ils s'appliquèrent à les entretenir chaque jour par des accusations aussi atroces que ridicules. Louvet, Barbaroux,
Salles, Buzot, se signalèrent les premiers dans ce genre d'escrime. Les chefs de la faction girondine les dirigeaient ; les harangues
des calomniateurs étaient préparées, revues, ou sanctionnées chez Roland, ou dans des conciliabules ténébreux, qui se tenaient
ordinairement chez Dufriche-Valazé et chez Pétion. Roland venait de temps à autre les appuyer à la barre de l'autorité de
sa fausse vertu, tant prônée par ses complices. Tous les jours, ils jetaient au milieu des représentants du peuple,
de nouveaux brandons de discorde qui embrasèrent bientôt toute la République.
L'une des conséquences les plus importantes qu'ils tiraient de leurs déclamations, calomnieuses, était la nécessité d'entourer la Convention d'une espèce de garde prétorienne, sous le nom de force départementale; ils ne cessaient point de lui présenter cet étrange projet, qui était la première base de leur système de fédéralisme et de tyrannie. La majorité de la Convention le rejeta constamment, en dépit de tous les incidents qu'ils imaginaient sans cesse pour jeter la terreur dans les esprits faibles ou crédules;
mais au mépris de son vœu et de son autorité, ils firent plus que ce qu'ils avaient osé proposer.
Bientôt un grand nombre d'administrations excitées par leurs dangereuses insinuations et encouragées par leurs réquisitions particulières, rompirent les liens de la subordination qui les attachaient à la représentation nationale; elles insultèrent par des arrêtés menaçants à une partie de ses membres; elles osèrent lever des bataillons contre Paris et contre les députés proscrits par la faction; elles osèrent, établir des impôts pour les stipendier.
Non contents d'avoir provoqué cette sacrilège violation de toutes les lois, les conjurés y applaudissaient hautement au sein de l'Assemblée nationale.
Un bataillon de Marseillais qu'ils avaient appelé à Paris, vint à la barre outrager impudemment les députés républicains. Il fut couvert
d'acclamations et loué par le Président. Ces prétendus Marseillais coururent les rues de Paris en criant : Vive Roland, vive le roi ! et en demandant la tête de plusieurs représentants du peuple. Les conspirateurs, loin de les punir, insultèrent à ceux qui dénonçaient ces crimes. Barbaroux, Duprat, Delahaye, Buzot, Rebecquy, Valazé, Salles, Rabaut-Saint- Etienne et les Girondins conspirateurs les visitaient souvent, et par leurs
prédications séditieuses, les préparaient aux attentats qu'on attendait d'eux.
Cependant les Girondins hypocrites et leurs adhérents tonnaient sans cesse contre l'anarchie; ils désignaient
les représentants fidèles, et tous les amis de la liberté à la vengeance publique, sous les noms d'anarchistes et d'agitateurs. Selon
les circonstances, ils les travestissaient en dictateurs, en tribuns, et même en royalistes. La grande cité qui venait d'enfanter la
République, n'était, suivant eux, que le repaire du crime, le théâtre du pillage et du carnage, le tombeau de la représentation nationale,
le fléau de la République, l'ennemi commun contre lequel tous les départements devaient se liguer.
C'est ainsi qu'ils flétrissaient aux yeux de toutes les nations, la naissance de la République française, qu'ils secondaient
la politique des despotes; coalisés contre nous, en arrêtant les progrès de nos principes dans les pays étrangers.
Tous les écrivains soudoyé, par les cours, ennemies de la France, en Allemagne, en Angleterre, s'armaient de leur autorité» copiaient à l'envi leurs mensonges pour calomnier le peuple français; et les ennemis intérieurs de notre liberté s'apprêtaient à
réaliser par des proscriptions et des révoltes la criminelle doctrine que
ces mandataires infidèles prêchaient dans leurs écrits et du haut de la tribune nationale.
Ce fut surtout, pendant la discussion de l'affaire de Louis XVI, qu'ils déployèrent ces affreuses ressources. Les patriotes calomniés
ne se lassaient point de demander la punition du tyran : les conjurés vinrent à bout de reculer la délibération de plusieurs mois.
Avant de l'entamer, ils avaient pris toutes les précautions possibles pour se rendre maîtres des pièces relatives à la conspiration.
Roland, de son autorité privée, avait osé disposer des papiers trouvés dans, l'armoire de fer des Tuileries ; il les avait, enlevés seul, sans témoin, sans inventaire, en fuyant les regards des députés, qui étaient occupés dans le même lieu, par les ordres de la Convention, à des recherches semblables. Roland en a soustrait à loisir tous ceux qui pouvaient révéler les attentats de la faction : il a lui-même fourni la preuve de son crime par une contradiction évidente. Il a dit un jour à la Convention nationale qu'il avait apporté ces pièces sans les visiter; il a dit un autre jour qu'il les avait visitées. Quelques-unes de celles qui ont été conservées indiquent celles qui ont disparu;
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elles annoncent qu'il a existé, dans le dépôt dont Roland s'est emparé, des écrits relatifs aux transactions
de la Cour avec les chefs de la faction girondine, et ce sont ces papiers qui manquent.
Pour mieux assurer leur mainmise sur toutes les preuves de la conspiration, ils eurent l'imprudence de faire nommer une Commission extraordinaire de 24 membres, pour les recueillir et les analyser; ils la composèrent de leurs principaux complices : un Barbaroux, un Valazé, un Gardien la dirigea, et cette bande de fripons publics, dont tous les noms doivent être voués au mépris universel, exercèrent solennellement,
aux yeux de la France entière, le plus lâche et le plus odieux de tous les brigandages.
Ces précautions rassurèrent les conjurés, qui tremblaient sans cesse de se voir démasqués;
et leur audace insolente date surtout de la naissance de la Commission des Vingt-Quatre.
Ils cherchèrent à éterniser la discussion sur Louis XVI, par toutes sortes de chicanes et d'artifices; chaque jour ils trouvaient le moyen de substituer à cette discussion quelque
incident bizarre, et surtout quelque nouvelle diatribe contre les généreux accusateurs de la tyrannie.
Les ennemis de la France employaient ce temps perdu par la Convention nationale à rassembler leurs forces, et à attiser au milieu de nous le feu des dissensions civiles; pendant ce temps-là les conjurés apitoyaient le peuple sur le sort de Louis, réveillaient les douleurs de l'aristocratie, dénonçaient par leurs lettres, par leurs écrits, par leurs discours publics, les députés qui voulaient
cimenter la République par sa mort, comme des hommes de sang, ennemis de la justice et de l'humanité.
C'était moins sans doute à la personne de Louis Capet qu'ils s'intéressaient, qu'à la royauté et au projet de déchirer la République naissante.
Pour l'exécuter, ils inventèrent le plus adroit et en même temps le plus funeste de tous les moyens, celui d'appeler
aux assemblées primaires du jugement de Louis Capet. Hypocrites profonds, ils déguisaient, sous le prétexte de rendre hommage
à la souveraineté du peuple, ce plan de guerre civile, concerté pour le remettre sous le joug d'un despote étranger.
La Convention le rejeta; ils tentèrent alors de soustraire le tyran à la peine de mort. La Convention la prononça; ils ne rougirent pas de
consommer encore trois jours en débats orageux, pour obtenir un sursis à l'exécution du décret.
Les hommes qui avaient fait tant d'efforts pour soumettre à l'appel au peuple la condamnation de Capet, sont les mêmes qui,
depuis, sont revenus si souvent à la charge pour provoquer la convocation des assemblées primaires, sous des prétextes absurdes ou coupables. Ce sont : Vergniaud, Guadet, Gensonné, Buzot, Sales, Biroteau, Chambon, Pétion et plusieurs autres; cent fois on les a vus exciter à plaisir, dans la Convention, des débats scandaleux, et saisir aussitôt cette occasion de s'écrier que
la Convention n'était pas digne de sauver la Patrie, et renouveler leur extravagante motion de convoquer les assemblées primaires.
Leur but était de fournir à tous les mécontents le prétexte de se rassembler en sections pour opérer la contre-révolution désirée. Ce fut en vain que l'Assemblée nationale repoussa constamment ce système désastreux. Bientôt, à l'instigation des députés conspirateurs, les aristocrates et les faux patriotes formèrent en effet de prétendues assemblées de sections dans les grandes villes du midi, où la faction dominait; ils se déclarèrent permanents, et bientôt ils levèrent
l'étendard de la rébellion à Marseille, à Lyon, à Toulouse, à Montpellier, à Nîmes, à Bordeaux, etc.
Aussi longtemps que dura le procès du tyran, ils écrivaient, ils répétaient sans cesse à la tribune que la Convention n'était pas libre, qu'ils étaient sous le couteau des assassins; ils appelaient à grands cris tous les départements à leur secours. Des corps armés vinrent en effet, égarés par les sinistres impressions dont ils les avaient remplis. Dans le même temps Roland tendait les bras aux émigrés. Tous les esclaves de la royauté, tous les partisans de l'aristocratie, tous les scélérats, soudoyés par les cours étrangères se rassemblaient à Paris sous leur sauvegarde; les généraux traîtres, et surtout Dumouriez, avaient abandonné leurs armées, pour conférer avec eux sur les moyens d'arracher Louis au supplice; le trouble et la terreur semblaient planer sur cette grande cité; les républicains étaient partout insultés, menacés ; des attroupements séditieux se formaient pour demander, à grands cris, le salut du tyran ;
et les députés infidèles les protégeaient ouvertement; Vergniaud, Guadet et plusieurs autres prirent hautement leur défense.
Une pièce incivique faite pour les circonstances, intitulée l'Ami des lois, était représentée dans le même instant; elle servait de prétexte de réunion à tous les conspirateurs; elle avait occasionné des scènes scandaleuses, où les magistrats du peuple avaient été insultés, où le sang des patriotes avait coulé. La municipalité de Paris en avait suspendu la représentation; la faction royaliste dénonça la municipalité à la Convention; Guadet, Pétion, entre autres, provoquèrent un décret qui blâmait la municipalité, et qui ordonna que la pièce contre-révolutionnaire serait jouée. Ils consumèrent dans ces honteuses discussions la séance,
qui avait été fixée, par un décret, pour terminer enfin le procès de Louis Capet.
Enhardis par leur protection, tous les ennemis de la Révolution levaient une tête insolente; les assassins aiguisaient leurs poignards d'une extrémité de la France à l'autre; les partisans de la tyrannie répétaient les cris d'appel au peuple, de guerre aux Parisiens et à la Montagne;
tous semblaient attendre des conjurés de Paris le signal d'exterminer tous les républicains.
Paris aurait nagé dans le sang, et la liberté était perdue peut-être sans ressource, si les fédérés appelés dans cette ville par
la calomnie, n'avaient abjuré les erreurs dangereuses où on les avait induits. Mais ils virent, ils s'indignèrent de l'audace
avec laquelle les députés calomniateurs les avaient trompés. Ils se réunirent aux Jacobins, célébrèrent avec les Parisiens
une fête civique et touchante sur la place du Carrousel, où ils avaient forcé de se rendre le bataillon marseillais égaré
par Barbaroux et par ses adhérents; ils jurèrent une haine immortelle aux intrigants et aux traîtres, et se réunirent aux
députés patriotes pour presser la condamnation du dernier des rois.
La trame des conjurés fut rompue ; Lepelle
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tier seul fut assassiné pour avoir voté la mort
du tyran. Peu de jours auparavant, Lepelletier
avait été outragé par Pétion à la tribune, pour
avoir émis cette opinion. Il n'a pas tenu à eux
que tous les députés connus par leur haine implacable pour la royauté n'éprouvassent le
même sort. Les traîtres avaient fait plusieurs
tentatives pour les assassiner au plus fort de la
crise qu'avait amenée l'interminable procès de
Louis le dernier.
Le 14 janvier, Barbaroux et ses amis avaient
donné ordre au bataillon marseillais d'environner la Convention nationale. Le 20, Valady avait
appelé les bataillons dévoués à la cause du
royalisme contre la Montagne : pris en flagrant
délit, il avait été arrêté au corps de garde des
Feuillants, et relâché bientôt par l'influence de
la faction. Dans le même temps, il avait fait
afficher un placard où il invitait les bourgeois
à prendre les armes pour exterminer les Jacobins, la Montagne et tous les patriotes. Vers la
fin du mois de mai, Valazé avait écrit à ses
complices le billet suivant :
"En armes demain à l'Assemblée.
Couard qui ne s'y trouve pas."
Buxot et Pétion ont avoué hautement au
comité de défense générale, en présence d'un
grand nombre de témoins, que le 16 mars ils
avaient 300 hommes armés avec des canons,
disposés à tomber sur la Montagne au moindre
signal. Ils criaient à l'anarchie, et ils ne cessaient de troubler Paris et de bouleverser la
France; ils appelaient leurs compatriotes a
leur secours contre de prétendus assassins, et
ils ne méditaient que des assassinats; ils avaient
assassiné plus de 100.000 Français par la guerre
parricide qu'ils avaient provoquée et dirigée,
par les proscriptions qu'ils avaient protégées.
Lâches satellites du despotisme royal, vils
agents des tyrans étrangers, ils accusaient, leurs
collègues de demander la punition du tyran de
la France, pour en servir un autre.
Durant la délibération dont il était l'objet,
les conjurés semblaient s'être attachés à préparer d'avance des motifs de révolte aux
ennemis intérieurs de notre liberté, et des modèles de manifestes aux despotes étrangers.
Non contents de publier que la Convention
n'était pas libre, ils prédisaient hautement que
la condamnation de Louis la déshonorerait
dans l'Europe. Je suis las de ma portion de
tyrannie, disait Rabaud-Saint-Etienne. Brissot
surtout, après la condamnation prononcée, osa
faire la censure la plus indécente de la Convention nationale. Il osa demander ouvertement
que l'opinion des puissances fût consultée avant
de la mettre à exécution; il osa menacer la
nation française de la colère des rois européens.
Qu'on observe ce contraste: quand Brissot et
ses adhérents intriguaient pour précipiter la
déclaration de guerre, ils ne parlaient que de
municipaliser l'Europe; ils nous montraient la
chute de tous les trônes, et la conquête de l'univers comme un jeu de la toute puissance du
peuple français; et lorsque ce peuple magnanime, engagé dans cette guerre, n'avait plus à
choisir qu'entre la victoire et la servitude, ils cherchaient à abaisser son énergie, et osaient
lui proposer d'asservir ses plus importantes délibérations à la volonté des tyrans de l'Europe,
Brissot voulait surtout nous faire peur des armées de l'Angleterre, si nous condamnions
Louis Capet; et quelques jours après ce décret,
tandis que le parti de l'opposition luttait contre
l'influence de Pitt pour maintenir la paix avec
la France, le comité diplomatique, composé
presque entièrement de la même faction, nous
proposa, par l'organe de Brissot, de déclarer
brusquement la guerre au peuple anglais, la
guerre à la Hollande, la guerre à toutes les puissances qui ne s'étaient point encore déclarées.
Dans ce même temps, l'anglais Thomas Paine,
appelé par la faction à l'honneur de représenter
la nation française, se déshonora en appuyant
l'opinion de Brissot, et en nous promettant pour
son compte le mécontentement des États-Unis
d'Amérique, nos alliés naturels, qu'il ne rougit
pas de nous peindre remplis de vénération et de
reconnaissance pour le tyran des Français. Ce
qui est certain, c'est que depuis cette époque,
en effet, tous les conjurés redoublèrent d'activité
pour réaliser les maux qu'ils nous avaient
présagés. Après la mort de Louis Capet, ils ne
cessèrent pas de conspirer, parce que ce n'était
pas à l'ancien tyran qu'ils étaient dévoués,
mais à la tyrannie. Ils étaient coalisés avec tous
les généraux perfides qu'ils avaient choisis ou
soutenus, surtout avec Dumouriez. Tous les
crimes que ce traître a commis dans la Belgique
sont les leurs; ses infâmes opérations furent
concertées avec eux. Ils dominaient au comité
de défense générale, au comité diplomatique,
au conseil exécutif; leurs relations intimes avec
Dumouriez étaient connues. Gensonné entretenait avec lui une correspondance journalière;
Pétion était son ami ; il n'a pas craint de s'avouer le conseil des d'Orléans, surtout de ce ci-devant
duc de Chartres, qui a conspiré et fui avec Dumouriez; il était lié avec Sillery, avec sa femme.
Dans tous les journaux, les députés infidèles
célébraient, avec une affectation ridicule, depuis
plusieurs mois, le génie, et même les vertus
civiques du vil Dumouriez. Comptant sur leur
influence, ce scélérat foula bientôt aux pieds
les décrets de la Convention; il osa se révolter
ouvertement contre la représentation nationale;
ils protégèrent toutes ses prétentions. Au comité
de défense générale, Vergniaud, Guadet, Brissot,
Gensonné entreprirent ouvertement son apologie; ils prétendirent que sa conduite était
justifiée par les dénonciations que les Jacobins
et les députés de la Montagne s'étaient permises
contre lui. Dumouriez, dans les manifestes séditieux, proscrivait les représentants du peuple
qui s'opposaient à ses desseins criminels :
c'étaient ceux que les députés conspirateurs
calomniaient sans pudeur.
Dumouriez nommait Marat dans ses menaces
insolentes; Marat fut depuis assassiné par eux.
Dumouriez annonçait qu'il voulait châtier les
factieux et les anarchistes de la Convention;
c'étaient les dénominations qu'ils donnaient
eux-mêmes au parti républicain appelé la Montagne.
Dumouriez se déclarait le protecteur de la
partie saine de la Convention; c'était le parti
dont Pétion, Brissot, Vergniaud étaient les
orateurs et les chefs. Dumouriez voulait marcher contre Paris, sous prétexte que cette ville
était le théâtre du brigandage, de l'anarchie,
et ne respectait pas la Convention ; c'étaient eux encore qui peignaient Paris sous ces traits
odieux, et qui appelaient la France entière pour
la détruire. Dumouriez était déjà déclaré traître ;
il était proscrit par la Convention, et Brissot, dans le Patriote français, et les écrivains
ses complices, le louaient audacieusement, au
mépris de la loi qui prononçait la peine de mort
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contre quiconque se rendrait coupable d'un tel délit.
Ils ont enchéri sur les forfaits de Dumouriez lui-même, par un nouveau trait de perfidie. Tandis qu'ils faisaient battre les soldats de la République dans la Belgique par Valence, gendre de Sillery, par Miranda, aventurier espagnol, dont le cabinet britannique avait fait présent à la France, par l'entremise de Brissot et de Pétion, comme ceux-ci l'ont avoué dans le temps de leur toute puissance; tandis que Dumouriez, d'une main, livrait à nos ennemis nos magasins, notre artillerie, une grande partie de notre armée, notre frontière du Nord; que de l'autre il menaçait d'exterminer tous les républicains; Brissot et les députés girondins ses complices ouvraient,
au comité diplomatique, l'avis de porter le reste de nos forces en Espagne et de voyager jusqu'à Madrid.
Avec les trahisons de Dumouriez était combinée la révolte de la Vendée : Dumouriez, dans ses manifestes même,
ne dissimulait pas qu'il comptait beaucoup sur cette puissante diversion. Les rebelles de cette contrée firent
longtemps des préparatifs formidables, levèrent des armées, reçurent des renforts de l'Angleterre, avant que la
Convention nationale et le reste de la République eussent été avertis. Ensuite Beurnonville, autre complice de Dumouriez,
affecta d'y envoyer de petits détachements, que les aristocrates les plus déshonorés étaient chargés de mener à la boucherie.
Qui gouvernait alors? Brissot, Pétion, Guadet, Vergniaud, Gensonné, Barbaroux. Ils dirigeaient alors le comité de défense générale et le ministère.
Qui administrait les départements envahis par les rebelles? Des hommes ouvertement coalisés, avec eux, contre les députés républicains,
des hommes qui professaient ouvertement leurs principes.
Ainsi, grâce à leurs intrigues, le gouffre de la Vendée se creusa, s'élargit; Dumouriez consomma, en grande partie,
sa trahison, et ils échappèrent avec lui à la punition de tant de forfaits.
Ils n'en furent que plus hardis à poursuivre leur coupable carrière; ils recommencèrent à déclamer contre Paris;
ils firent tout ce qui était en eux pour le diviser, pour le ruiner, pour l'affamer; ils n'ont cessé de dénoncer
ses besoins comme la ruine de la nation entière; ils ont apporté mille obstacles à ses approvisionnements; ils
ont armé les sections où l'aristocratie dominait, contre celles où l'esprit public triomphait. Ils ont suscité
des orateurs mercenaires pour venir insulter les représentants patriotes au sein de la Convention ; ils ont
protégé ouvertement la rébellion des contre-révolutionnaires contre l'autorité de la police et contre celle
de la Convention même. Ils se sont fait un système d'irriter les riches contre les pauvres, et d'amener la
contre-révolution par l'anarchie dont ils parlaient sans cesse. Ils ont favorisé de tout leur pouvoir le
progrès de l'agiotage, les accaparements, et réalisé, autant qu'il était en eux, cet horrible projet de famine
tramé contre le peuple français par le gouvernement anglais et par tous les ennemis de la République.
En même temps, ils rappelaient, par de nouvelles clameurs, la prétendue force départementale; ils invitaient
de nouveau les administrations à l'envoyer contre Paris, et à se séparer de la Convention nationale.
Ils professaient hautement la doctrine du fédéralisme. Buzot osa dire à la Convention que les députés
n'étaient que les ambassadeurs de leurs départements. Guadet, Vergniaud, Gensonné déclarèrent plusieurs
fois que leurs départements feraient scission avec Paris. Ils recommencèrent à publier que la représentation
nationale n'était point en sûreté à Paris. Ils répandaient de temps à autre, qu'il nageait dans le sang,
que les députés étaient exterminés, et que la royauté y allait être rétablie. Guadet osa proposer
formellement de transférer l'Assemblée nationale à Bourges. Buzot, Barbaroux, Salles invitèrent plusieurs
fois les suppléants à aller former une nouvelle Assemblée nationale dans une autre ville : Vigée, l'un de
leurs affidés, proposa de se rendre sur-le-champ à Versailles, et offrit de se mettre à la tête de la
Convention pour lui ouvrir un passage le sabre à la main. Chaque jour, ils provoquaient le peuple par
de nouvelles insultes, pour avoir occasion de réclamer contre les murmures qui échappaient quelquefois
au public indigné.
Pour porter le désordre à son comble, ils feignirent de croire à l'existence d'un complot tramé par des républicains
contre la Convention nationale. Pour le découvrir, c'est-à-dire pour le créer, ils nommèrent une
Commission inquisitoriale, composée de membres connus par leur dévouement à la faction; elle proscrivit
arbitrairement les bons citoyens, fit arracher la nuit de leurs maisons un magistrat du peuple et le
président d'une section; elle voulut s'emparer arbitrairement des registres de cette même section,
et déclara la guerre à tous les patriotes.
L'alarme se répand; elle s'efforce de l'accroître. Les sections réclament contre l'oppression; le président Isnard
répond à leur pétition par de nouveaux outrages. Il ose dévoiler les vues dès conjurés par
ce mot atroce : Le voyageur étonné cherchera sur quelles rives de la Seine Paris exista.
La Convention rend la liberté aux citoyens détenus et casse la commission tyrannique ; mais, au mépris de la loi,
elle reprend ses fonctions, poursuit le cours de ses attentats. L'indignation publique s'exalte,
tout annonce un mouvement : la faction le brave pour l'accroître ; tous les ennemis de la
Révolution se rallient pour le diriger contre les républicains et contre la Convention nationale;
mais le peuple entier se montre en armes et en ordre. L'aristocratie tremble : la conspiration
est déconcertée ; le vœu public seul se fait entendre dans un calme imposant ; le peuple, au nom
des lois et de la liberté outragées, demande à la Convention, par l'organe de ses magistrats,
la punition des députés, traîtres à la patrie, qui la tyrannisent, et la Constitution républicaine
à laquelle ils s'opposent. La Convention prononce l'arrestation des chefs de la conspiration.
En moins de six semaines, une Constitution digne du peuple français est rédigée et décrétée;
le peuple l'accepte avec transport. La faction avait employé huit mois à empêcher, et la punition
du tyran, et la Constitution même que ses chefs s'étaient chargés de présenter.
Mais déjà elle s'était rendue assez criminelle pour arrêter les heureuses destinées du peuple français. Ces traîtres
avaient eu le loisir de préparer à leur pays les horreurs de la guerre civile.
La conjuration se déploie alors dans toute son étendue. Depuis plusieurs mois, la faction
dominante à Bordeaux, dirigée par les députés. Gensonné, Vergniaud, Grangeneuve, Ducos,
Fonfrède, exécutait ce système de contre-révolution.
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masqué des dehors du patriotisme. Le club des
Récollets, dont elle s'était emparée, composé
des riches négociants et des royalistes déguisés,
répandait dans toute la France la doctrine machiavélique des députés traîtres de la Gironde;
leurs adresses à différentes Sociétés populaires, vouaient tes républicains à l'exécration publique,
sous le nom d'anarchistes, faisaient triompher dans les départements méridionaux la cause de l'aristocratie.
Roland, Brissot, Barbaroux, Guadet, Gensonné, Pétion étaient leurs idoles. Ce club, durant la discussion sur l'affaire de Louis le dernier, invitait tous les Français à embrasser le
système de l'appel au peuple, inventé par les
conspirateurs de la Convention. La Société républicaine de Bordeaux, connue sous le nom de
club national, avait été outragée et dissoute ; les patriotes désarmés, le peuple opprimé ou tenté
par la disette à laquelle il avait été réduit par les riches et nombreux accapareurs qu'elle renfermait dans son sein.
Depuis longtemps la faction négociait avec le
gouvernement britannique la vente du port et de la ville de Bordeaux ; déjà, par les manœuvres
des riches commerçants, les assignats, et surtout, les assignats républicains, étaient tombés dans
un affreux discrédit; le pain était porté à un prix excessif. On parlait encore de république,
dans le club contre-révolutionnaire des Récollets et dans les lieux publics : mais dans les mai-
sons des riches et des administrateurs, et même à
la Bourse, le mot de ralliement était ; la royauté
et les Anglais. Enfin les administrateurs encouragés par l'influence de leurs compatriotes et de leurs amis dans la Convention, guidés par les
lettres perfides et calomnieuses de Fonfrède.
Ducos, Vergniaud et autres, osèrent se constituer arbitres entre les représentants du peuple.
Ils parlèrent hautement de lever des troupes
contre Paris, et contre cette même partie de la Convention nationale, à qui Dumouriez et tous les ennemis de la République avaient déclaré la
guerre. Ils exécutèrent ce projet autant qu'il était en leur pouvoir. Ils envoyèrent des commissaires à toutes les administrations
méridionales; ils écrivirent à toutes celles de la République pour les engager à se confédérer avec eux :
bientôt un grand nombre d'entre elles accédèrent À cette association monstrueuse; elles osèrent se constituer en puissances indépendantes;
dès ce moment, les républicains furent partout proscrits.
A l'autre extrémité du Midi, Marseille succomba sous les efforts de la même faction. Les
complices des Barbaroux, des Duprat, des Duperret, des Rébecqui, longtemps méprisés, accablèrent enfin la cause républicaine. Peu de temps
après la condamnation du tyran, Rébecqui avait donné sa démission pour aller se mettre à la tête
des royalistes de Marseille, et fut remplacé par Mainvielle, qui a marché sur ses traces. Les
patriotes de cette ville furent incarcérés. Les uns furent assassinés dans leurs prisons, les
autres sur les échafauds. Ces désastres suivirent de près l'époque où les Bourbons avaient été
imprudemment envoyés dans cette ville. Une circonstance frappante doit ici fixer l'attention
publique : c'est que la méme faction qui accusait les républicains de Marseille d'être attachés
au ci-devant duc d'Orléans, dès le moment où elle domina dans Marseille, égorgea ces républicains, et s'abstint,
de juger ce d'Orléans et tous les Bourbons, que la Convention avait envoyée
au tribunal de Marseille pour être jugés : d'Orléans et son odieuse race vivent encore; et les
magistrats patriotes de Marseille qui l'avaient poursuivi, et les défenseurs des droits du peuple
ont été immolés par un tribunal de bourreaux.
La chute de Marseille entraîna bientôt celle de Lyon. Cette cité importante pour les deux partis,
devint le chef-lieu de la contre-révolution dans
le Midi. La municipalité républicaine fut égorgée
par les rebelles; les bons citoyens massacrés;
ceux qui échappèrent au fer des assassins armés
furent immolés par d'autres assassins en costume de juges. Toutes les recherches de la
cruauté furent épuisées pour rendre leur mort plus horrible.
Dans le même temps, les administrateurs du Jura s'étaient confédérés, d'une part avec Lyon,
de l'autre avec les administrations méridionales;
et avec les aristocrates étrangers, leurs voisins et les émigrés réfugiés dans les cantons suisses.
Cette contrée vomissait sans cesse sur la France
les ex-nobles, les prêtres réfractaires, qui aillaient
grossir l'armée des négociants contre-révolutionnaires de Lyon; tandis que les aristocrates du
Jura, tâchant de s'envelopper encore des formes
républicaines, leur promettaient de nouveaux secours. L'âme de toute cette ligue était le cabinet
de Londres; le prétexte, Paris et l'anarchie;
les chefs apparents, les députés conspirateurs de la Convention nationale.
Tandis qu'ils faisaient cette puissante diversion en faveur des tyrans ligués contre nous, la
Vendée continuait de dévorer les soldats de la République. Carra et Duchâtel, entre autres,
furent envoyés dans cette contrée en qualité de commissaires de la Convention. Carra exhorta
publiquement les administrateurs de Maine-et-Loire à faire marcher des troupes contre Paris.
Carra entretint des liaisons avec les généraux ennemis. Duchâtel est convaincu du même
crime, ce même Duchâtel qui, après l'appel nominal sur la peine à infliger à Louis XVI, fut
appelé par les conspirateurs pour venir, en costume de malade, pérorer longtemps contre la
peine de mort. Coustard poussa la scélératesse et la lâcheté jusqu'à fournir des secours et des munitions aux
rebelles. La mission des agents de la faction envoyés dans les mêmes contrées et
dans toute la République, fut signalée par de semblables forfaits; les traîtres jouirent constamment d'une scandaleuse impunité.
Au contraire, les députés républicains envoyés par la Convention nationale dans les divers départements,
immédiatement après la mort du tyran, furent diffamés de la manière la plus indécente par Brissot,
par Gorsas, par Dulaure, par Caritat, par tous les journalistes aux gages de la faction. Les conjurés
provoquaient ouvertement contre eux l'insolence et les poignards de tous les ennemis de la Révolution.
En même temps qu'ils agitaient les grandes villes du Midi, les armées autrichiennes, prussiennes, hessoises,
hollandaises, anglaises, espagnoles et piémontaises attaquaient nos frontières sur tous les points. Pitt
achetait Dunkerque, Bordeaux, Marseille, Toulon. C'était en vain que Toulon avait longtemps opposé une
glorieuse résistance aux efforts de la faction; l'or, la calomnie, l'intrigue avaient triomphé. La
contre-révolution était faite dans les sections, suivant le plan de la faction girondine, et les
assassinats des meilleurs citoyens étaient les sinistres avant-coureurs de la plus exécrable de
toutes les trahisons.
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C'en était fait peut-être de la République, si les conjurés avaient conservé plus longtemps leur monstrueux pouvoir. La révolution du 10 août l'avait fondée; celle du 31 mai la sauva; mais, si cette révolution paisible et imposante déconcerta cette conjuration, elle ne put l'étouffer entièrement; les coupables étaient trop nombreux, la corruption trop profonde et trop étendue, la ligue des tyrans trop puissante. L'arrestation des conspirateurs, décrétée par la Convention, étonna les despotes coalisés, sans les dompter. Les administrations fédéralistes, les mécontents, les nobles, les prêtres réfractaires, tous les ennemis de la Révolution éclatèrent a la fois ; ils décelèrent eux-mêmes leurs complices, ils révélèrent le secret de leurs espérances criminelles, en donnant pour motifs de leur révolte les décrets qui frappaient les députés coupables. Ils prétendirent que la Convention n'existait plus; ils la dénoncèrent à tous les scélérats de la France, à l'Europe entière, comme un ramassis de brigands et de factieux; ils annoncèrent que la Constitution qu'elle avait faite, que tous les décrets populaires qu'elle avait portés depuis le moment où elle s'était purgée des traîtres, étaient nuls; ils mirent tout en œuvre pour engager les assemblées primaires à rejeter la Constitution qu'elle leur présentait. mille adresses séditieuses, mille libelles contre-révolutionnaires des députés accusés ou condamnés,
tel que l'écrit adressé par Condorcet au département de l'Aisne, sont les honteux monuments de cette machination.
Cependant les succès des rebelles armés de la Vendée devenaient tous les jours plus alarmants, et les conjurés faisaient les préparatifs d'une expédition contre la République; leurs complices de Bordeaux rappelaient de la Vendée les bataillons de la Gironde, et levaient des troupes contre les représentants de la nation : un grand nombre d'administrations départementales suivaient cet exemple. Ducos et Fonfrède, laissés dans la Convention, abusaient de cet excès d'indulgence pour alimenter, par leurs correspondances et par leurs intrigues, le foyer de la rébellion ; ils osèrent, assez longtemps, faire entendre à la tribune leurs voix vénales pour célébrer les vertus des conjurés, et pour insulter à la représentation nationale. Les commissaires de la Convention furent outragés par les administrateurs du Jura; d'autres furent arrêtés à Bordeaux, d'autres dans le Calvados. Une partie des conjurés que la Convention avait mis en état d'arrestation, fuyant la justice nationale, se répandit dans les départements, pour rallier tous les satellites de la royauté et de l'aristocratie, Buzot, Pétion, Guadet, Louvet, Barbaroux, Gorsas, Lesage, Doulcet, Larivière et autres coururent dans l'Eure et le Calvados, y établirent des espèces de Conventions nationales, érigèrent les administrateurs en puissances indépendantes, s'entourèrent de gardes et de canons, pillèrent les caisses publiques, interceptèrent les subsistances de Paris, qui prirent leur cours vers les révoltés de la ci-devant Bretagne: ils levèrent eux-mêmes une nouvelle armée; ils ne rougirent pas de choisir pour général, le traître Wimpfen, déjà déshonoré par sa lâche hypocrisie, et par son servile attachement à la cause du tyran. Ils tentèrent de se joindre aux rebelles de la Vendée; ils s'efforcèrent de livrer aux ennemis de la République, les contrées qui composaient naguères les provinces de Bretagne et de Normandie, avec les
ports importants qu'elles possèdent. Ils mirent le comble à tant de crimes, par le plus lâche de tous les attentats. De Caen, où ils avaient fixé le siège de leur ridicule et odieuse domination, ils envoyèrent des assassins à Paris, pour arracher la vie aux députés fidèles, dont ils avaient depuis longtemps juré la perte. Ils armèrent la main d'une femme pour poignarder Marat.
Le monstre avait été adressé à Duperret, par Barbaroux et ses complices.
Elle avait été accueillie, et conduite à la Convention nationale par Fauchet. Tous les ennemis de la France l'érigèrent en héroïne.
Au récit de son crime, Pétion fit son apothéose à Caen, et ne balança pas à appeler l'assassinat une vertu. L'assassin, dans son interrogatoire, a déclaré qu'elle avait puisé les opinions qui l'ont conduite à cet attentat, dans les écrits de Gorsas, de Brissot, dans la gazette universelle. Il existe des chansons dignes des Euménides, imprimées à Caen, ouvrage du nommé Giré-Dupré, coopérateur de Brissot dans la rédaction du Patriote français, qui invite formellement tous les braves citoyens de Caen à s'armer de poignards pour frapper, entr'autres, trois représentants du peuple qu'il désigne nominativement à leur
fureur.
Chassés successivement, par les soldats de la République, de l'Eure et du Calvados, ils parcoururent le Finistère et plusieurs départements; partout la discorde, la trahison, la calomnie volaient sur leur pas.
Quelques jours après son arrestation, Brissot avait fui lâchement, ajoutant un faux, à ses crimes. Il avait été arrêté sur la route de Lyon, où il allait sans doute presser l'exécution des attentats dont cette malheureuse ville a donné l'exemple; et si, comme l'indiquait le faux passeport dont il était muni, son dessein était de se transporter en Suisse,
il allait souiller cette contrée de la présence d'un traître, pour susciter un nouvel ennemi à la France.
Tandis que Rabaut-Saint-Etienne, Rebecqui, Duprat, Antiboul incendiaient le Gard et les contrées voisines, Chassé, Biroteau, Rouyer, Roland conspiraient dans Lyon.
Quelle scène d'horreur s'ouvre ici devant l'histoire ! Ils ont péri sous le fer des vils satellites de la royauté, ces généreux amis de la
patrie, que les Vergniaud, les Gensonné, les Buzot, et tous les orateurs de la faction criminelle calomnient depuis si longtemps sous le nom d'agitateurs et d'anarchistes. Ils ont triomphé, ces honnêtes gens, ces vrais républicains dont elle plaidait la cause avec tant de zèle; et ils ont rassemblé dans leurs murs une armée d'émigrés et de prêtres coupables, dignes de s'associer à eux. Ils y ont entassé l'artillerie et les munitions dont la patrie a besoin pour combattre ses innombrables ennemis; ils soutiennent contre elle un siège opiniâtre; ils fusillent les femmes et les enfants des citoyens qui proposent de lui rendre les armes; ils ont exterminé les patriotes dans la malheureuse contrée qui les environne. Ils ont triomphé à Toulon, et Toulon a nagé dans le sang des bons citoyens :
les rebelles fugitifs de Marseille ont grossi leurs phalanges criminelles pour exécuter ces atrocités.
Si l'on en croit les avis les plus certains qui aient pu nous parvenir de cette contrée, ils ont étonné l'univers par un attentat inouï dans
l'histoire des traîtres et des tyrans; ils ont plongé un fer parricide dans le sein de l'un des fidèles représentants
du peuple, que la Convention avait
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envoyés dans cette ville; ils n'ont épargné la vie de l'autre que pour insulter plus longtemps, dans sa personne, à la majesté du peuple, par des traitements plus cruels que la mort. Les monstres ont vendu aux Anglais ce superbe port ; les lâches satellites de Georges disposent de notre arsenal, de nos vaisseaux, de nos matelots; ils égorgent nos défenseurs; un tribunal anglais rend dans cette ville des arrêts de mort contre les Français; ils emportent sur leurs vaisseaux le reste de la population républicaine, qu'ils n'ont pas eu le temps d'assassiner, comme ils transportent les nègres des côtes d'Afrique afin que, lorsqu'ils seront chassés de ce port,
ils ne nous laissent que la corruption et les vices dont ils auront souillé Toulon.
Mais les ennemis éternels de la France, en comblant la mesure des crimes du plus corrompu de tous les gouvernements, sont vaincus en lâcheté et en barbarie par les indignes Français qui les ont appelés,
et par les députés infidèles qui leur ont vendu la liberté et la patrie.
Marseille et Bordeaux étaient réservés au même sort. La faction dominante avait parlementé avec l'amiral Hood : ils attendaient son escadre; l'exécution entière de la conspiration dans le midi ne tenait qu'à la jonction des Marseillais avec les Lyonnais et les bataillons du Jura,
qui fut empêchée par la victoire de l'armée républicaine, et par la prompte réduction de Marseille.
L'étendard de la rébellion flottait aussi dans la Corse. Paoli et les administrateurs de cette île étaient en correspondance avec les conjurés de la Convention; une lettre adressée par eux à Vergniaud, et qui est entre les mains du comité de sureté générale, prouve ce fait : on y invite ce député et ses complices à délivrer la Corse des commissaires envoyés par la Convention pour la rendre à la République.
La marche des conjurés fut en tout conforme à celle des ennemis de la France, et surtout des Anglais.
Pitt voulait déshonorer dans l'Europe la République naissante : Brissot et ses complices ont pris à tâche de la
calomnier; ils n'ont cessé de peindre tous ses défenseurs comme des brigands et comme des hommes de sang;
leurs écrits et leurs discours ne différaient en rien de ceux des ministres anglais, et des libellistes
qu'ils payaient.
Pitt voulait avilir et dissoudre la Convention; ils ont mis tout en œuvre pour l'avilir et pour la dissoudre.
Pitt voulait assassiner les fidèles représentants du peuple; ils ont tenté plusieurs fois de faire égorger une partie
de leurs collègues; ils ont assassiné Marat et Lepelletier.
Pitt voulait détruire Paris; ils ont fait tout ce qui était en eux pour le détruire.
Pitt voulait armer toutes les puissances contre la France; ils ont déclaré la guerre à toutes les puissances.
Pitt voulait faire conduire les soldats de la République à la boucherie par des généraux perfides; ils ont mis à
la tête de nos armées tous les généraux qui nous ont trahis pendant le cours de deux années.
Pitt voulait nous ôter l'appui des peuples mêmes qui étaient nos alliés naturels; ils ont employé les ressources
de la diplomatie, et le ministère de Lebrun, pour les éloigner de notre cause; ils ont confié à des traîtres
les ambassades comme les commandements des armées.
Pitt voulait démembrer la France et la désoler par le fléau de la guerre civile; ils ont allumé la guerre civile
et commencé le système de démembrement de la France.
Pitt dans ce partage odieux voulait au moins attribuer un lot au duc d'Yorck, ou à quelque autre individu de la
famille de son maître ;Carra et Brissot nous ont vanté Yorck et Brunswick; ils ont été jusqu'à nous
les proposer pour rois; et Yorck a pris possession de Condé et de Valenciennes. A Paris même, l'espèce
d'homme que Brissot et les députés girondins protégeaient ; l'espèce d'homme qui les vantait, qui les plaint,
qui les défend, ose appeler hautement le duc d'Yorck comme le libérateur de la France.
Pitt convoitait surtout nos ports; ils ont opéré la contre-révolution, principalement dans nos villes
maritimes. Ils lui ont livré le plus important de nos ports et nos vaisseaux. Le tyran de l'Angleterre
règne dans Toulon; il a cru voir le moment d'entrer à Dunkerque; il menace de ses escadres, et de
ses guinées tous les ports de la République.
Pitt voulait perdre nos colonies ; ils ont perdu nos colonies. Brissot, Pétion, Guadet, Gensonné, Vergniaud, Ducos,
Fonfrède ont dirigé les opérations relatives à nos colonies, et nos colonies sont réduites à la
plus affreuse situation. Les commissaires coupables qui les ont bouleversées de fond en comble,
Santhonax et Polverel, sont à la fois leur ouvrage et leurs complices. C'est en vain qu'ils ont
essayé de déguiser leurs projets perfides sous le voile de la philanthropie, comme ils ont
longtemps caché celui de ressusciter la royauté en France sous les formes de la République : il
existe des preuves même littérales de leur corruption dans la correspondance du nommé Raimond,
leur coopérateur et leur créature. Raimond pressurait les hommes de couleur, pour partager
leur substance avec Brissot, Pétion, Guadet, Gensonné, Vergniaud; ils étaient législateurs,
et leurs opinions sur les colonies étaient un objet de trafic ! leur langage même ne diffère
point de celui des tyrans ligués contre nous.
Lisez la proclamation de l'amiral Hood aux Toulonnais et aux départements méridionaux; lisez celle du duc d'Yorck,
celle du duc de Brunswick : vous croirez lire les libelles de Brissot, de Louvet, de Carra,
de Vergniaud, de Gensonné, de Dulaure, les adresses des administrations fédéralistes.
Les rois et leurs généraux dans leurs manifestes, disent qu'ils veulent extirper en France
l'anarchie, faire cesser le règne des factieux, qu'ils veulent ramener les Français
au bonheur et à la véritable liberté. Brissot, les députés, et les administrateurs ses
complices, ne cessent de protester que leur unique but est d'extirper l'anarchie: ils
promettent aux aristocrates la paix et la liberté, s'ils ont le courage de se liguer pour
exterminer les défenseurs de la République; ils font sans cesse entrevoir au peuple la
tranquillité et l'abondance avec un roi.
Ce qui les distingue des tyrans les plus abhorrés, c'est qu'ils ont imprimé à tous leurs crimes le caractère
odieux de l'hypocrisie. Ils ont créé la science infernale de la calomnie; ils ont
appris à tous les ennemis de la Révolution l'art exécrable d'assassiner la liberté
en adoptant son cri de ralliement; ils n'ont levé leur masque qu'à mesure qu'ils ont
vu croître leur puissance. L'un des secrets les plus importants de leur politique, fut
d'imputer d'avance aux amis de la patrie
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tous les forfaits qu'ils méditaient, ou qu'ils avaient déjà commis. Ils ont presque flétri le nom même de la vertu,
en l'usurpant; ils l'ont fait servir au triomphe du crime.
Nos villes livrées ou incendiées, nos campagnes ravagées, nos femmes et nos enfants égorgés par les barbares
satellites du despotisme, l'élite de la nation immolée, l'opinion publique dépravée, les mœurs publiques
altérées dans leur naissance par des leçons continuelles d'intrigue et de perfidie, des germes éternels
de corruption et de discorde semés dans toute l'étendue de la République ; nos maux passés, nos maux
présents, ceux que l'avenir nous prépare, voilà leurs crimes : la France et l'univers, voilà les
témoins : l'histoire de la Révolution, leurs discours, leurs écrits, leurs actes publics, toutes les pièces
qui présentent quelques traces des complots tramés contre la patrie; voilà les preuves.
Parmi les faits innombrables qui accusent la faction, quelques-uns sont personnels à certains individus; la conjuration est commune à tous.
S'ils ont paru divisés dans certaines occasions rares, pour mieux cacher leur concert criminel; s'ils ont dans certains points
semblé prendre des sentiers différents; ils se sont toujours retrouvés dans la grande route; ils ont marché ensemble à la
ruine de la patrie.
Il résulte des faits qui viennent d'être exposés :
1° Qu'il a existé une conspiration contre l'unité et l'indivisibilité de la République, contre la liberté et
la sûreté du peuple français ;
2° Que tous les individus qui seront ci-après dénommés, en sont coupables, comme en étant les auteurs ou les complices.
En conséquence votre comité général vous propose le projet de décret suivant.
Nota. Le décret a été prononcé par la Convention en ces termes :
Décret d'accusation du 3 octobre contre 44 membres de la Convention, et d'arrestation contre d'autres membres signataires des protestations des 6 et 19 juin dernier.
La Convention nationale, après avoir entendu son comité de sûreté générale sur les délits imputés à plusieurs de ses membres, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« La Convention nationale accuse, comme étant prévenus de conspiration contre l'unité et l'indivisibilité de la
République, contre la liberté et la sûreté du peuple français, les députés dénommés ci- après :
Brissot, Vergniaud, Gensonné, Duperret,
Carra, Mollevaut, Gardien, Dufriche-Valazé, Vallée, Duprat, Brulard, ci-devant marquis, de Sillery ; Caritat, ci-devant marquis de Condorcet; Fauchet, évêque du département du Calvados; Doulcet, ci-devant marquis de Pontécoulant; Ducos, député de la Gironde; Boyer-Fonfrède, Gamon, Lasource, Lesterpt-Beauvais, Isnard, Duchastel, Duval, de la Seine-Inférieure; Deverité, Mainvieille, Delahaye, Bonnet, de la Haute-Loire; Lacase, de la Gironde; Mazuyer, Savary, Lehardy, Hardy, Boileau, de l'Yonne; Rouyer, Antiboul, Bresson, Noël, Coustard, Andrei, de la Corse; Grangeneuve, Vigée, Philippe Egalité, ci-devant duc d'Orléans.
Art. 2
« Les dénommés dans l'article ci-dessus seront traduits devant le tribunal révolutionnaire, pour y être jugés conformément à la loi.
Art. 3
« Il n'est rien changé par les dispositions du présent décret, à celui du 28 juillet dernier, qui a déclaré traîtres à la patrie Buzot, Barbaroux, Gorsas, Lanjuinais, Salle, Louvet, Bergoeing, Pétion, Gaudet, Chasset, Chambon, Lydon, Valady, Formon, Kervelegan, Henri Larivière, Rabaut-Saint-Etienne, Lesage, de l'Eure; Cussy et Meillant.
Art. 4
« Ceux des signataires des protestations des 6 et 19 juin dernier, qui ne sont pas renvoyés au tribunal révolutionnaire,
seront mis en état d'arrestation dans une maison d'arrêt, et les scellés apposés sur leurs papiers. Il sera
fait, à leur égard, un rapport particulier par le comité de sûreté générale. »
Etat nominatif des députés à la Convention nationale, signataires des protestations des 6 (1) et 19 juin dernier,
compris dans l'article 4 ci-dessus (2).
Lauze-Duperret, député des Bouches-du-Rhône; J. G. Cazeneuve, Laplaigne, député du département du Gers; Defermon, Rouault,
Girault, Chastelin, Duguédassé, Lebreton, Dussaulx, Couppé, J. P. Saurine, Queinnet, Salmon, député de la Sarthe;
Lacaze, fils aîné; V. C. Corbel, J. Guites, Ferroux, député du Jura, ayant déjà protesté le 2 juin, dans la
salle de la Convention; Bailleul, Ruault, Obelin, Babey, député du Jura; C. A. A. Blad, Maisse, député des
Basses-Alpes; Peyre, Bohan, député du Finistère; Honoré Fleury, député des Côtes-du-Nord; Vernier, député du Jura;
Grenot, député, du Jura; Amyon, du Jura, ayant déjà protesté le 2 juin dans la salle de la Convention;
Laurenceot, député du Jura; Jary, député de la Loire-Inférieure; J. A. Rabaut, Fayolle, F. Aubry,
Ribereau, Derazey, Mazuyer, de Saône-et-Loire; Chassey, Vallée, de l'Eure; Lefebvre, Olivier-Gerente,
Royer, évêque du département de l'Ain; Duprat, député des Bouches-du-
(1) Voy. ci-après cette protestation, annexe n° 3, p. 545.
(2) Ce décret d'arrestation, désigné généralement sous le nom de décret des 73, vise en réalité 76 députés, si l'on ajoute Richou qui fut décrété d'arrestation quelques moments après ; et si l'on remarque que Dabray et Doublet ont deux noms distincts mais il comprend Defermon et Chasset, déclarés traîtres à la patrie le 28 juillet; Lauze-Deperret, Lacaze, Masuyer, Vallée, Savary, Duprat, Gamon et Bresson, qui figurent également dans l'article 1er comme décrétés d'accusation ; enfin Serre, Saladin et Laplaigne, déjà décrétés d'arrestation, le premier, le 21 juillet, le second, le 21 août et le troisième, le 19 septembre. En retranchant ces 13 députés du chiffre total 76, on voit qu'il y eût exactement 63 conventionnels auxquels s'appliqua par le nouveau décret d'arrestation du 3 octobre.
Rhône; Garilhe, Philippe Delleville, Varlet, Dubusc, Savary, Blanqui, Massa, Dubray, Dou-blet, Delamarre, Faure,
Hecquet, député de la Seine-Inférieure; B. Descamps, Lefebvre, de la Seine-Inférieure; Serre, député des Hautes-Alpes;
Laurence, député de la Manche; Saladin, député de la Somme; Mercier, député de Seine-et-Oise; Daunou, Periès, de l'Aude,
ayant déjà protesté le 2 juin dans la salle de la Convention; Vincent, Tournier, de l'Aude, ayant déjà protesté le 3 juin,
dans la salle de la Convention; Rouzet, de Haute-Garonne, ayant déjà protesté le 2 juin; Blaux, de la Moselle; Blaviet,
ayant déjà protesté le 2 juin; Marboz, Estadens, Bresson, des Vosges; Moysset, du Gers; Saint-Prix, Gamon, (1).
(1) Nous avons rassemblé aux annexes de la séance un certain nombre de documents, imprimés dans l'intervalle de temps
qui s'est écoulé depuis l'arrestation jusqu'au jugement des Girondins. Tous sont relatifs à la Révolution du 31 mai.
Il nous a été le plus souvent
impossible de leur assigner une date précise et c'est pourquoi n'ayant pu suivre l'ordre chronologique nous les avons
classés par ordre alphabétique des signataires. Le lecteur aura ainsi sous les yeux la plupart des écrits publiés par
ceux des conventionnels, qui ont cru devoir soit protester contre les événements des 31 mai et 2 juin 1793, soit les
justifier (Pour l'Annexe n° 4 et suivantes voir Source du document qui suit.