Archives départementales 10L161 (ref 002) : cas de mise en quarantaine de bateaux à Morlaix
Lettre 1
Ce jour, 1er frimaire an 9 de la République [22 novembre 1800], nous soussignés officiers de santé membre de la commission de santé pour
la visite des bâtiments venant du dehors dans la rade de Morlaix , sur l'avis qui nous a été donné par le sous-commissaire
de la marine président de la dite commission de l'arrivée de deux bâtiments dans la dite rade, nous sommes rendus le
long de leur bord accompagné du citoyen Gaudelet, interprète de la marine pour les langues étrangères.
Il est résulté des interpellations faites d'abord au capitaine du bâtiment que nous avons reconnu
américain à son pavillon,
que ledit capitaine se nomme Demson, son navire Laight, venant de Cuthsauven chargé de diverses marchandises tels que
sucre, café, tabac etc... que son équipage est composé de neuf hommes qu'il nous a présenté et qui nous ont
paru jouir d'une bonne santé ; il a mis à la voile le 25 octobre ; a relâché à Guernesey où il a passé
dix jours ; a été visité par deux frégates anglaises ; sur la question que nous lui avons faites s'il était
parvenu à sa connaissance que quelques maladies contagieuses régnât soit à Guernesey, soit à bord des vaisseaux
anglais, a répondu qu'il ignorait qu'il existât aucune maladie ; sur quoi nous lui avons observé que si sa
déclaration se trouvait fausse il encourait des peines capitales, à la suite de ces diverses interpellations nous lui
avons demandé tous les papiers qui pouvaient servir à confirmer sa déclaration, qu'il nous a transmis à la faveur
d'une pince de fer et que nous avons plongés aussitôt dans le vinaigre pour les désinfecter et les apporter au
sous-commissaire de la marine où ils sont en dépôt.
Par suite nous sommes rendus le long du bord du second bâtiment dont le capitaine nous a dit se nommer Scholten,
le bâtiment "la Femme" venant d'Emdein, parti depuis quatorze jours et ayant six hommes à bord que nous avons
reconnus bien portants ; le dit bâtiment chargé de tabac et adressé au citoyen Jean Diot et Compagnie.
Le capitaine nous a fait la même déclaration que le premier sur la question que nous lui avons faites au sujet de
la contagion dont il n'a eu aucune nouvelle. Il a rencontré dans le
Texel
île néerlandaise
la flotte anglaise que le mauvais temps a empêché de le visiter.
En conséquence de ses déclarations nous estimons que le bâtiment "le Laight", capitaine Demson et "la Femme" capitaine
Scholtsen soient assujettis l'un et l'autre à une quarantaine de quinze jours à dater d'aujourd'hui au bout duquel
temps un des membres de la commission de santé se rendra à bord de ces deux navires pour s'assurer s'il ne s'y est
point déclaré de maladie et dans ce cas, sur le rapport qui en sera fait au sous-commissaire des classes, ils pourront
entrer dans le port.
Fait à Morlaix, le 1er Brumaire an 9 [= 23 octobre 1800]
Signé sur le registre jj: Bouestard (?) med, Beaudier officier de santé, Duquesne Dm, Gaudelet interp-juré, L Boucault sous-commissaire président.
pour une copie conforme au registre déposé au secrétariat de la mairie de Morlaix,
l'envoi officiel au sous-préfet de l'arrondissement.
le secrétaire en chef de la mairie. Michel (signature)
lettre 2
extrait du registre de la commission de santé publique établie à Morlaix.
du 3 frimaire an 9 de la République [24 novembre 1800]
Sur l'avis transmis par le citoyen Boucault, sous-commissaire de marine, président de la commission de santé publique,
qu'il était entré hier dans la rade de cette ville, un bâtiment venant du nord ;
la commission s'est rendue le long de son bord, elle en a arraisonné le capitaine, par l'intermédiaire
du citoyen Gaudelet, interprète de la marine en support il en est résulté :
1° que le capitaine se nomme St Hundah
2° que son équipage, lui compris, est composée de quatre hommes qui lui ont paru en bonne santé
3° que ce bâtiment se nomme Obin
4° qu'il est sorti d'Aton depuis cinq semaines
5° qu'il est chargé de charbon de terre, à la destination de Roscoff et à l'adresse du citoyen le Squin, qu'il est
du port de 26 tonneaux et que le capitaine a déclaré sur la foi de l'honneur qu'il n'a relâché dans aucun port ennemi
de la Manche et n'a été visité par personne.
La commission dirigée par les mêmes sentiments émis sur le compte des autres bâtiments neutres, arrête qu'il gardera
en rade de Morlaix, une quarantaine de huit jours à dater du trois de ce mois au bout de laquelle il pourra se rendre
au port de Roscoff si mieux n'aime effectuer son déchargement en ce port.
Signé sur le registre JJ Bouestard D.m., Duquesne D.m., Beaudier Chir., F Gaudelet interp-juré et
Boucault sous-commissaire président.
pour expédition conforme aux registres déposés au bureau de la mairie de Morlaix.
le secrétaire en chef de la mairie, secrétaire de la commission,
Michel (signature)
lettre 3
extrait du registre du conseil de santé,
établie à Morlaix
du 25 frimaire an 9 [16 décembre 1800]de la République française sur le rapport fait à la commission de santé,
que la prise l'Atlas faite par le corsaire la Mascarade, capitaine Raymond et atterrie deux jours avant à l'embouchure
de la rivière de Pensez, devait en faire voile pour se rendre en rade, conformément aux ordres transmis à tous
les bâtiments étrangers atterrissant dans l'arrondissement maritime, d'y entrer pour être soumis à l'examen de la
commission et la tenue de la quarantaine au besoin.
La commission s'est rendue en rade, où la prise a mouillé, à cinq heures du soir, mais considérant que déjà les prisonniers,
amenés en ce port par le corsaire, avaient été reconnus en bonne santé et déposés à la maison d'arrêt ;
Considérant que par conséquent il n'existait pas plus de doute sur la bonne santé des hommes restés à bord que sur celle
de ceux précédemment descendus à terre,
elle s'est déterminée à monter à bord pour procéder à l'interrogatoire suivant :
le nommé François Gourlay passager resté à bord avec Sophie Marie Murel, passagère interrogée par le citoyen Gaudelet
interprète de la marine, a répondu que la prise nommée l'Atlas, capitaine John Bollouroch, est partie
le 10 décembre de Londres ayant pour première destination l'ile de Madère d'où elle devait se rendre à la Jamaïque ;
que le bâtiment est du port de deux cents tonneaux et chargé de marchandises diverses ayant aussi 7
passagers et la jeune anglaise désignée ci dessus.
que le seul bâtiment dont elle a été visitée à la mer est le corsaire la Mascarade qui l'a prise mercredi dernier (vieux style)
lorsqu'elle sortait de Portsmouth.
en l'endroit requis de remettre au citoyen Gaudelet toutes les lettres, paquets et papiers qui pourraient exister,
le dit Gourlay l'a fait.
La commission délibérant sur l'entrée à donner à la prise dans le port a arrêté qu'il serait tardé à prononcer jusqu'à ce qu'un
de ses membres se fut abouché avec le capitaine anglais, détenu à la maison d'arrêt sur la nature et l'origine des marchandises
composant le chargement du bâtiment, par ces considérations que la bonne santé d'un équipage n'est pas le seul motif qui peut lever
toute suspicion de maladies contagieuses, quand la nature des marchandises et surtout les ports dont elles peuvent
sortir, nécessitent un examen particulier.
Fait et arrêté à bord du navire anglais l'Atlas, les jours, mois et an que dessus.
pour expédition et envoi officiel au sous-préfet de l'arrondissement
le secrétaire en chef de la mairie, secrétaire de la commission, Michel
Lettre 4
Extrait du registre du conseil de santé établi à Morlaix.
Du 1er nivose an 9 de la République française [22 décembre 1800]
Nous membres de la commission de santé soussignés, sur l'invitation nous donnée le 30 frimaire par le citoyen Boucault,
président de la dite commission, de nous transporter en rade à l'effet d'y visiter un bâtiment nouvellement arrivé,
nous sommes rendus accompagné du chef des mouvements maritimes en ce port le long d'un navire mouillé auprès du
stationnaire ; sur les interpellations que nous avons faites au capitaine il nous a déclaré se nommer le Blanc,
son navire le grand Quinola, corsaire de Saint-Malo, armateur Duchesne et Pinte de vin de la dite ville consigné
à Jean Sarraut fils et compagnie, ayant à son bord 45 hommes d'équipage ;
interrogé s'il avait des
malades à bord, a répondu avoir un homme que l'officier de santé du bord nous a dit être attaqué d'une fausse
fluxion de poitrine, interrogé s'il avait rencontré quelque navire et communiqué avec lui, a répondu avoir
communiqué le 21 frimaire dernier avec un brick anglais sur lequel existaient quatre hommes blessés, que le
brick chargé de son lest seulement, venait de Lisbonne dont ils ont retiré le
capitaine en second pour garantie de la rançon convenue, sur la demande que nous lui avons faite de nous déclarer
s'il avait ou des papiers à nous remettre ou quelques secours à demander, il nous a exposé qu'il avait un
besoin urgent de vivres et de réparations puisque son navire faisait eau, au point de le forcer à avoir
ses deux pompes en activité.
D'après cet exposé nous estimons qu'on ne peut lui accorder l'entrée du port qu'après le nombre de jours
suffisant pour s'assurer et de la nature et de la guérison de la maladie de l'homme de son équipage ci-dessus
mentionné sauf à aviser au moyen d'arrêter la voie d'eau si réellement elle lui fait courir quelques dangers
en assujettissant les ouvriers à subir à bord la quarantaine.
Pour expédition et envoi officiel au citoyen sous-préfet de l'arrondissement ;
Le secrétaire en chef de la mairie, secrétaire de la commission. Michel (signature)
Lettre 5
Extrait du registre de la commission de santé établie à Morlaix
Du 6 frimaire an 9 de la République [27 novembre 1800]
Sur l'avis transmis le 5 à la commission de santé, de l'entrée d'une prise en rade de Morlaix, elle s'est rendue
à la manière accoutumée le long du bord de ce bâtiment.
Elle en a arraisonné le capitaine lequel a déclaré que le bâtiment était une goelette portugaise nommée le Saint-Antoine d'y Hermès
sortie de Sétaval depuis quinze jours, chargée de sel fossile, fruits verts et secs et autres marchandises, ayant
douze hommes d'équipage, mousses compris et
destinée pour Cork en Irlande, qu'elle avait été capturée par le corsaire le Jeune Malouin , armée
de quatorze canons, commandée par le citoyen Neel, armateurs les citoyens Despechers de Port Malo.
Le capitaine de la prise requis de représenter son équipage, l'a fait passer sur le pont. Il s'est trouvé composé de cinq
hommes lui compris qui ont paru en bonne santé.
Un des trois prisonniers restés à bord de la prise, interrogé sur l'état de la santé au Portugal a répondu qu'à son
départ la maladie espagnole n'avait pas pénétré dans son pays, et que son gouvernement avait pris des mesures contre
son intromission en établissant un cordon rigoureux aux confins de ce royaume.
Interrogé sur les rencontres qu'il pouvait avoir fait à la mer de bâtiments anglais, a répondu n'en avoir pas vu.
Le capitaine de prise a seulement déclaré qu'à la hauteur de Penmarch il avait vu sous le vent, une armée anglaise formant
une chaîne se prolongeant vers Brest qu'il s'était occupé d'éviter.
Sur ce qu'à l'atterrissage de la prise à l'île de Batz le capitaine avait jeté à bord d'un canot, une lettre tendant à
instruire de son arrivée le consignataire de son corsaire et que le commandant de la rade avait enjoint à ce canot de
se rendre en quarantaine en rade de Morlaix.
La commission rassurée sur le danger que pouvaient avoir couru les citoyens qui indiscrètement avaient reçu cette lettre, après
l'examen des hommes montés sur la prise, a renvoyé ce canot qui a tenu la rade pendant deux nuits.
Mue par le même principe que celui de ses précédents arrêtés envers les bâtiments étrangers, la commission arrête
que cette prise gardera vingt jours de quarantaine à dater du cinq de ce mois au bout desquels,
si le bon état des hommes le permet il entrera dans le port.
Pour expédition conforme au registre.
Le secrétaire en chef de la mairie , secrétaire de la commission, Michel.
Lettre 6
extrait du registre de la commission de santé publique établie à Morlaix.
le 8 nivôse an 9 de la République.
sur l'avis reçu de l'entrée du parlementaire le Tasmes et Anna, capitaine Robert Michel, parti de Plymouth le 6 nivose, la commission
de santé s'est rendue le long de son bord, accompagnée du citoyen Gaudelet, interprète de la marine.
Il en résulte de l'interrogatoire fait subir au capitaine, qu'il ramenait en France 16 hommes renvoyés sur parole,
qu'au nombre de ces hommes il s'en trouvait un, nommé Raimond, Denvit Bichenard, officier de santé du corsaire "le Diable à quatre", qui
malgré le dépérissement mortel dans lequel il était en Angleterre, avait voulu s'embarquer et qu'il était mort dans la journée de la veille, les autres français présentés
sur le pont ayant paru à la commission dans un état de santé, que peut comporter la condition de prisonniers, elle est montée à bord,
examen fait du cadavre du défunt, elle s'est assurée que la mort étant la suite d'une maladie chronique, ne laissait aucune suspicion
de maladie contagieuse.
En conséquence elle a autorisé la communication des prisonniers avec la terre.
Signé, les membres de la commission de santé.
Pour copie conforme, Hazevit, secrétaire.