Modeste-Émilie de Forsanz
Introduction
Le récit qui suit concerne Mlle de Forsanz qui eut le grand tort d'être à la fois ex-religieuse et ex-noble
à un moment où la Révolution se durcissait.
La période concernée ici est celle de la Convention montagnarde, période
que l'on connait aussi sous le nom de Terreur puis de Grande Terreur et qui vit l'élimination de
bien des Girondins considérés comme tièdes vis à vis de la Révolution. Elle se termine peu après la chute de Robespierre
qui se produisit le 9 thermidor de l'an 2 (27 juillet 1794).
Cette Convention Montagnarde sera suivi de la Convention Thermidorienne. Cette dernière mettra en place
une nouvelle Constitution, celle du 5 fructidor an 3 (22 août 1795), avec en préambule
la déclaration des droits et des devoirs de l'homme et du citoyen de 1795.
Modeste Emilie de Forsanz
Elle avait une soeur Éloïse Marie, plus jeune qu'elle de quelques années.
, fille de Guillaume de Forsanz et d'Emilie Lamour de Lanjégu, était née au château de
Caslou, en Montauban (Ille-et-Vilaine), le 24 juin 1767. On peut déduire de ses déclarations au moment de son arrestation,
qu'elle était religieuse,
et qu'elle s'était trouvée démunie lorsque les congrégations
régulières
qui obéissent à des règles
avaient été dissoutes.
Comment était-elle arrivée à Morlaix, je n'en sais trop rien. Il y avait bien des congrégations religieuses sur
Morlaix, comme les
Ursulines,
près de la Rue de Bréhat, paroisse de St Melaine
les
Carmélites
9 Rue Sainte Marthe à Morlaix depuis 1619
ou les Calvairiennes.
Ces religieuses étaient cloîtrées même si elles pouvaient recevoir des jeunes filles pour parfaire leur éducation et ceci contre rémunération.
Ces communautés vivaient également des dots ou des rentes versées par leurs familles, lorsqu'une jeune femme prononçait ses voeux.
Il y avait aussi des religieuses impliquées dans le secours aux pauvres comme les filles de la Charité ou les filles hospitalières
St Thomas de Villeneuve.
L'Assemblée Constituante, par le décret du 13 février 1790, avait interdit les vœux monastiques et supprimé
les ordres religieux réguliers. Les congrégations séculières seront elles dissoutes le 18 août 1792. Les religieuses
avaient été expulsées de leurs couvents voire même arrêtées parfois.
Le couvent des Carmélités à Morlaix sera d'ailleurs transformée en maison d'arrêt par la suite.
J'ai vérifié aux Archives départementales à Quimper si l'on pouvait trouver la trace de Modeste Émilie,
mais elle n'apparait sur aucune liste (26 L 163) de religieuses.
Je ne sais donc pas à quelle communauté elle appartenait ni comment elle était arrivée à Morlaix.
Modeste Emilie de Forsan, qui avait 25 ans à cette époque, s'est donc retrouvée sans toit suite à la dissolution de sa congrégation et
comme cela sera dit, errante, vivant du travail de ses mains. Elle avait trouvé une chambre à Morlaix où elle vivait sans se faire remarquer.
Tout ceci allait changer lorque la loi du
27 germinal an 2 [16 avril 1794]
Art 6. - Aucun ex-noble, aucun étranger des pays avec lesquels la République est en
guerre, ne peut habiter Paris, ni les places fortes, ni les villes maritimes,
pendant la guerre. Tout noble ou étranger dans le cas ci-dessus, qui y serait
trouvé dans dix jours, est mis hors la loi.
Art 7. - Les ouvriers employés à la fabrication, des armes à Paris, les étrangères
qui ont épousé des patriotes français, les femmes nobles qui ont épousé des citoyens
non-nobles, ne sont point compris dans l'article précédent.
Ce même jour, après un discours interminable, Saint-Just présenta un décret incluant celui sur
les ex-nobles et leur éloignement.
Dans la discussion qui suivit, des amendements furent rajoutés. Ainsi Bréard proposa de
donner non pas un mois mais huit jours aux ex-nobles pour s'éloigner.
Couthon rajouta qu'il fallait déterminer une distance minimale d'éloignement, sinon les ex-nobles pourraient
ne guère s'éloigner : il proposa 10 lieues.
Maure proposa de rajouter après ex-noble 'des deux sexes' car les femmes sont très dangereuses.
Couthon trouva que 8 jours c'était trop, il demanda que l'on fixa le délai à 3 jours. (Moniteur).
Le lendemain un texte définitif fut adopté (celui ci-dessus).
fut mise en application. Cette loi obligeait les ex-nobles à s'éloigner des ports maritimes.
Elle se rendra donc à la maison commune de Morlaix
pour que l'on statue sur son sort. C'est là qu'on lui demandera de se rendre à
Guerlesquin
Guerlesquin est éloigné de Morlaix de 5 lieues (entre 20 et 25 kilomètres)
, ce qu'elle fera.
Arrivée à Guerlesquin, qui est à 5 lieues de là, elle se rend, pour régulariser sa situation, à la maison
commune où elle est reçue.
Elle est chassée de cette commune et on lui demande de se rendre à Caen, c'est ce qu'on peut lire dans les comptes rendus qui suivent.
Mais pour se rendre à Caen il lui faut des moyens financiers, qu'elle n'a pas. Il existe à cette époque un système de malles-poste ou de diligences
qui permettent de circuler sur les grandes routes.
Elle écrit à sa famille pour que celle-ci lui envoie des subsides pour le voyage et
en attendant par retour du courrier une aide, elle reste quelque temps à la campagne puis sur la terre de
Lannidy
Lannidy est tout proche de Morlaix, au sud-est.
près de Morlaix.
Au bout d'un temps suffisant pour qu'elle puisse espérer une réponse de sa famille elle revient sur Morlaix.
Elle commence par se rendre à l'hôtel de Kerloaguen où elle a logé un temps, mais la
chambre qu'elle occupait est affermée.
Elle trouve alors refuge chez la veuve Ruvilly Le Saux qui habite le quartier du Dossen. Elle y est depuis 2 jours
quand une perquisition y est déclenchée suite à une dénonciation. La veuve herbergerait un prêtre réfractaire, Yves Mevel
connu en religion comme le père Joseph de Roscoff. Modeste Émilie y est arrêtée sans raison valable...sauf que la loi du 22 prairial dit
qu'elle n'a pas le droit de se trouver en ville.
1- PV de la visite de Modeste-Émilie de Forsanz à la maison commune de Guerlesquin
Modeste-Émilie avait donc quitté Morlaix pour se rendre à Guerlesquin comme demandé par la municipalité.
Elle parcourut la distance de 5 lieues avec 3 autres femmes. Parmi ses compagnes
il y avait deux filles Calloët et une toute jeune demoiselle Quingo agée de 15 ans.
Le 8 floréal (27 avril 1794) Mlle de Forsanz se
présenta avec 3 Demoiselles à la maison commune [de Guerlesquin] où se trouvaient réunis la municipalité
et le conseil général.
Attendu, dit le procès-verbal, que la loi du 27 germinal (16 avril 1794) n'ordonne pas de laisser attrouper
des ex-nobles pour affamer les bons citoyens, attendu que les filles Calloet, Forsanz et Quingo se refusent
à toute profession civique.
Interpellée Modeste Emilie Forsanz, si elle déclare avoir en horreur la royauté, et applaudir à la destruction
de Louis seize, dernier tiran et de s'expliquer par oui ou par non.
A répondu qu'elle se tenait à la négative, et a signé au registre. Forsanz
L'interrogatoire se poursuit pour les autres très jeunes femmes :
Interpellée Marie Renée Louise Calloet, âgée de 20 ans, ex-noble, si elle déclare
avoir en horreur la royauté, et applaudir à la destruction de Louis seize, dernier tiran.
A déclaré se refuser de répondre ni oui, ni non et a signé au registre. Calloet-Lanidy.
Interpellée Marie Joseph Renée Calloet, 17 ans, ex noble, si elle abhorre la
royauté, et si elle applaudit à la destruction de ci-devant roy.
A refusé de répondre, et a signé au registre, Marie Joseph Lanidy.
Interpellée Renée Hyacinthe Quingo, 15 ans, si elle était bonne républicaine.
A répondu qu'elle était bonne républicaine,
Interpellé si elle chérit la Révolution.
A répondu qu'elle ne la connait pas.
Interpellée si elle chérissait la liberté, l'égalité et la Constitution.
A répondu oui pour la liberté et l'égalité et ne point connaître la Constitution et a signé au registre. Quingo.
L'assemblée renvoie les susdénommées au comité de surveillance, et vu la disette où se trouvent les citoyens de Guerlesquin,
leur ordonne de vider de corps et de biens la commune pour huit à neuf heures du matin demain, neuf de ce mois.
Signé au registre : Salaün, maire ; F. Le Mat ; F. M. Buhot, agent national ; Troussel, secrétaire, greffier
On notera la signature de François-Marie Buhot l'agent national de Guerlesquin. (30 août 1763-24 février 1822)
L'agent national, est une fonction créée sous la Terreur, il représente le gouvernement et surveille l'application des lois. (source wiki)
Il sera très redouté.
C'est après cet interrogatoire que Modeste-Émilie de Forsanz écrivit pour qu'on lui envoie de l'argent afin qu'elle puisse prendre la voiture publique pour se rendre à Caen.
Elle est donc restée quelque part autour de Guerlesquin puis de Lannidy plus de deux mois et demi avant de se risquer
à venir vérifier sur Morlaix si de l'argent lui avait été envoyé. Risqué car elle était censée s'être éloignée de Morlaix depuis le 26 avril
(10 jours après la publication du décret). C'est le 5 juillet qu'elle décide de revenir à Morlaix.
Entre temps par le décret du 10 juin 94 la Convention (dite Montagnarde) réduisait, lors des procès, le droit des accusés :
ces procès devenaient de simples formalités.
Le 7 juillet 1794, le juge de paix de la commune de Morlaix, Maurice Jézéquel, fut informé qu'un capucin
se cachait en ville. Il se rendit sur les lieux. En voici le compte rendu, la source en étant :
Études franciscaines page 26 et suivantes, tome 22 - juillet-décembre 1909 :
Une fournée du Tribunal révolutionnaire de Brest.
L'an second de la République française, une et indivisible, le 19 Messidor (7 juillet 1794),
Maurice Jézéquel, Juge de paix de la commune de Morlaix, était prévenu que l'on venait de découvrir un capucin
caché en ville :
Nous étant transporté dans une maison située quartier du Dossen, où demeure
la dame Veuve Ruvilly Le Saux, et étant monté dans une petite mansarde, à coté d'un autel, y étant nous avons
trouvé cet ex-religieux, lequel nous avons interrogé comme suit de ses prénoms, noms, âge, lieu de naissance
et grade de son cy-devant ordre.
A répondu s'appeler Yves Mével, âgé de 64 ans, natif de Roscoff, ayant pour nom de religion, Joseph de Roscoff, gardien.
Interrogé depuis quel temps il est dans la maison où nous le trouvons.
A répondu que la mémoire, non plus que son esprit, ne lui permettent de s'en rappeler.
Sur quoi ayant fait venir devant nous la Citoyenne veuve Ruvilly et
la ci-devant Cne Démarée Le Coant, ses récelleuses, nous les
avons interpellées l'une après l'autre de nous déclarer depuis quel temps cet ex-religieux était chez elles.
Ladite Vve Ruvilly a répondu qu'il y était depuis trois mois et demi.
Interrogée comment et par quelle voie cet individu à été conduit chez elle.
Répond qu'il a été conduit chez elle par quatre femmes à elle inconnues, à l'exception de la nommée
Marie Yvonne Jago, blanchisseuse, demeurant rue des Côtes du Nord.
Interpellée de nous déclarer si connaissant la Loi, elle n'eut pas dû sur le champ faire sa déclaration
de la retraite qu'elle accordait à cet ex-religieux.
A répondu quelle ne se croyait pas obligée de faire cette déclaration, qu'au reste, elle croyait faire un acte d'humanité.
Passant à l'interrogatoire de sa sœur Perrine Emilie Le Coant Démarée, âgée de 64 ans, et avec elle demeurante, sur l'époque
de la retraite qu'elle et sa sœur ont accordé au dit ex-religieux.
A répondu comme la précédente qu'il y a trois mois et demi, et faisant même déclaration que sa sœur, que Marie Yvonne,
blanchisseuse, avec trois ou quatre de ses ouvrières, étaient ses conductrices.
Passé desquelles interrogations ayant réuni en paquet les calices, ornements, brévières, missel, orsos ou burettes,
cierges, robes d'ordre et autres habillements trouvés dans ledit appartement que dans le grenier adjacent ;
desquels effets nous nous sommes saisis comme pièces de conviction pour être envoyées avec le présent procès-verbal
au Tribunal Révolutionnaire séant à Brest.
Le Juge de paix allait donc se retirer en emmenant ses trois prisonnières quand, ajoute-t-il,
ayant apperçu dans le même domicile un individu femelle, nous l'avons interrogée de ses
prénoms, noms, âge et qualité.
A répondu s'appeler Modeste Émélie Forsan, âgée de 27 ans,
fille de Guillaume et d'Emélie L'Amour, native de Montauban [Ille-et-Vilaine], à peu près errante depuis
la suppression des communautés, mais néanmoins résidante dernièrement à l'hôtel de Kerloaguen en cette commune.
Interrogée pourquoi d'après la loi du 27 germinal [an 2] concernant le renvoy des individus de la caste nobiliaire hors des villes
maritimes, elle se trouve aujourd'huy en cette résidance?
Répond, qu'elle avait satisfait à la loi prédatée en se rendant
sur la commune de Guerlesquin, mais que le comité de surveillance de cet endroit ayant révoqué sa Lettre de passe, et
renvoyé l'interrogée à Caen, sans lui limiter le temps dans lequel elle eut dû se rendre, qu'ayant besoin de fond pour faire
sa route, elle écrivit dans son pays pour s'en procurer, qu'en espérant, elle passa quelque temps tant en une ferme à la
campagne qu'à la terre de Lannidy près Morlaix, que depuis deux jours elle est en cette habitation
attendu que sa chambre en la maison de Kerloaguen est affermée.
Interrogée si elle ignorait que l'ex-religieux icy présent y fut également logé ?
Répond qu'elle ignorait très parfaitement qu'il y fût, et que si elle l'eût su, elle n'y aurait pas mis les pieds.
Jézéquel ne fut pas convaincu par cette réponse catégorique et
il interpelle lesdites Vve Ruvilly et Demarée Le Coant, soeurs,
de déclarer si, en effet, il est vray que l'individue Forsan n'est
chez elle que depuis deux jours, et qu'elles l'avaient laissé
ignorer qu'elles logeaient aussi cet ex-religieux ?
Elles ont unanimement répondu qu'en effet cette demoiselle
n'est chez elles que depuis deux jours, et qu'elle ne voit qu'en
ce moment l'ex-religieux icy présent ; qu'elles lui avaient laissé
ignorer qu'elles le logeaient.
Après ces déclarations formelles, il semblait donc impossible
d'accuser Mlle de Forsanz de complicité dans le recel d'un prêtre
réfractaire. C'était peut-être l'avis personnel du Juge de paix.
Mais les commissaires du comité de surveillance révolutionnaire
de Morlaix étaient présents à l'arrestation. Jézéquel crut devoir
les consulter, et conformément à leur avis, il décerna un mandat
d'arrêt contre l'ex-religieux, la Vve Ruvilly, les Dlles Le Coant
et Forsanz pour les constituer aux prisons de la commune, à
défaut de maison d'arrêt, jusqu'à ce qu'on puisse se procurer
les voitures nécessaires, tant pour le transport des réfractaires
aux lois, que des pièces probantes et justificatives de leur
délit.
Le délit ne paraissait cependant pas évident à tout le monde,
même aux membres du comité de surveillance car avant la
signature, un membre a exigé que la Dlle Forsan fut interpellée
de déclarer si, depuis qu'elle est en cette habitation, elle ne
mangeait pas avec les dites Vves Ruvilly, sa sœur et cet ex-religieux ?
A répondu que non ; et qu'elle a toujours mangé seule dans
son appartement en bas, ne prenant que très peu de chose,
comme fruit, chiffrètes, pain et beurre.
La complicité n'était donc pas prouvée. Néanmoins le Juge de
paix et les commissaires maintiennent le mandat d'arrêt, et se
hâtent de clore le procès-verbal.
De tout quoi nous avons rapporté le présent sous notre seings,
ceux des officiers municipaux et membres du comité de surveillance icy-présent.
Joseph Boutet, Gilbert, Pitel, Plassant, Le Corre, Tresse, Le Lan, Lemoal, Jézéquel.
Dans ses mémoires le lieutenant de vaisseau Besson, emprisonné à la prison de Brest où il a croisé Mlle de Forsanz
en fait une rapide description.
« Mlle de Forsanz,
agée de 20 ans,
elle avait 27 ans
réunissait à une beauté remarquable une éducation soignée, une pieuse charité et la fortune.
C'était plus qu'il n'en fallait pour assurer sa mort, qui ne fut pas le plus grand crime de son bourreau. Je doute que les annales des
crimes, anciennes et modernes, fournissent, un pareil exemple de monstruosité. Croira-t-on qu'en 1793 ou en France, dans le
pays le plus civilisé de l'Europe, pareille atrocité se soit passée, et que la démoralisation la plus complète eut fait en moins de cinq
ans assez de progrès pour que le peuple français se vit tranquillement décimer dans ce qu'il y avait chez lui
de plus recommandable ... »
2- Lettre de justification de Modeste-Émilie à l'adresse de l'accusateur public Donzé-Verteuil
Quelques jours après son arrestation, elle écrivit à l'accusateur public Donzé-Verteuil,
pour plaider sa cause.[J'ai conservé le texte tel que reproduit dans le livre cité en source]
Source : Histoire de la ville et du port de Brest pendant la Terreur, page 359, Prosper Levot
Citoyen accusateur public,
Depuis que j'abitois Morlaix, j'étois exempte du plus léger
soupçon; je ne rougis pas de dire que j'étois sans fortune et que
j'étois redevable de mon existance au travail de mes mains. Aussi,
quoique née dans la classe ci-devant privilégiée, je n'ai été inquiétée
que lorsque la loi a ordonné à tous ceux qui, comme moi, étoient
entachés du
péché originel
On parlait alors aussi de la 'tache originelle' pour qualifier le fait d'être né noble
(voir Moniteur du 16 avril 1794 - 841).
, de se retirer de tous les ports maritimes.
Cet ordre m'ayant été
interné
'intimé' au lieu d'interné, je suppose car le mot était en italique dans le texte
par l'administration du district, il
m'expédia une lettre de passe pour la commune du Guerlesquin, distante de Morlaix de cinq lieues. J'obéis sur-le-champ, mais après
quelques jours de résidence, cette dernière commune m'enjoignit de
me retirer bien au-delà.
De toutes les villes qu'elle me désigna, et où il m'étoit permis de
me retirer, celle de Caen étoit la plus prochaine; je la choisis, en
observant qu'étant sans fortune et la moindre ressource pour faire
une route si longue, il me falloit écrire à la citoyenne Loc-Maria,
résidente à la
Haute-Touche
Il s'agit du chateau de la Haute-Touche sur la commune de Monterrein à 7km de Ploërmel
, près Ploërmel, distante d'environ
trentes lieues, pour me procurer les fonds indispensables.
Ayant calculé le tems nécessaire pour avoir une réponse à ma demande, je restais à la campagne jusqu'au
moment où je m'atendois que ce secours me seroit adressé à Morlaix. Je me rendis à l'époque présumée en
cette ville où j'ai été arrêtée deux jours après mon arrivée.
Les procès-verbaux rapportés doivent prouver les vérités que j'avance
et ma ferme résolution d'obéir à la loi, dès que les fonds nécessaires
pour payer
Si on prend l'hypothèse que Caen est distant de Morlaix de 70 lieues et qu'il faut compter 6 sous par lieue
cela représente un coût d'environ 20 livres pour le trajet et ce qui
à 2 lieues par heure équivaut à un voyage d'une durée de 35 heures, à condition de ne jamais
s'arrêter or il fallait changer régulièrement de chevaux. Evidemment il fallait aussi emporter des provisions.
Pour comparaison il faut savoir que quand les religieuses ont perçu une pension de la République, elles recevaient
entre 300 et 600 livres par an, soit entre 25 et 50 livres par mois.
ma place dans la voiture publique me seroient parvenus.
Je sais qu'on aura peut-être cherché à agraver mes tords de ce
qu'un religieux a été capturé dans la même maison où j'avois un
azile momentané à Morlaix ; mais les déclarations qu'ont dû faire
le religieux et le principal locataire de la maison ne laissent aucun
doute sur mon inculpabilité à cet égard.
Je viens, citoyen accusateur public, de vous déclarer la vérité ;
tout ce qui m'environne, même la voix public, vous proclame comme l'image de la vertu et de la probité;
si ce portrait est sincère,
comme j'aime à le croire, je dois, en ma qualité de très-infortunée,
trouver en vous, non pas un accusateur, mais un protecteur et un
défenseur zélé... Faites cesser mes maux qui sont inexprimables.
Daignez vous intéresser vous-même auprès de mes parents pour me
procurer les fonds nécessaires pour ma route, et vous verrez avec
quelle célérité j'obéirai à une loi de laquelle j'eus dû être exceptée,
vu la notoriété publique, non pas de mon infortune, mais de mon
indigence.
Je pourrois encore vous faire observer qu'en revenant du Guerlesquin, j'ay eu une
chute considérable pour laquelle il m'a fallu un traitement qui m'a empêchée de vaquer à mes affaires sitôt que je
l'eus désiré.
Votre concitoyenne,
Modeste Emilie Forsanz.
Mais rien n'y fit, malgré la chute de
Robespierre le 9 thermidor
Robespierre et 21 de ses partisans seront guillotinés le 10 thermidor
qui était connue à Brest, elle dut passer
en jugement au Tribunal révolutionnaire de Brest.
3- Actes d'accusation de Modeste-Émilie de Forsanz et autres
Ci-dessous les actes d'accusation (Études franciscaines page 26 et suivantes, tome 22 - juillet-décembre 1909 :
Une fournée du Tribunal révolutionnaire de Brest. p 41, 42 etc)
Cet ex-Capucin, dit-il, en parlant du P. Joseph, habitait depuis environ trois mois et demi une mansarde dans laquelle
était dressé un autel pour servir aux prétendues fonctions de son culte ; tout l'attirail nécessaire à son charlatanisme, et saisi
en même temps que lui, consiste en un missel, un calice avec sa patène, une chasuble, une aube, une robe de Capucin, une
botte dans laquelle se trouvait ce que l'on appelle des hosties ainsi que plusieurs autres effets qu'il serait trop
long de décrire.
Dans le repaire de Mével se rendaient les superstitieux et criminels sectateurs d'un culte exercé par des ministres
séditieux et rebelles ; là, cet ennemi de la république et du bonheur du peuple s'efforçait par ses mensonges
et ses impostures, de les retenir sous l'étendard de la contre-révolution.
Modeste Emelie Forsanz ex-noble, a été trouvée dans la maison habitée par la Vve Ruvilly et sa sœur.
Lors de l'arrestation de l'ex-Capucin Mével ; elle y était au mépris de la loi du 27 Germinal.
Puis il énumère en détail les ornements d'église et les effets d'émigrés trouvés chez Marie Yvonne Jago, chez qui
l'on a découvert encore parmi quelques lettres à son adresse, celles de Marie Françoise
Jago, et
Barbe Jago, dite sœur Rose ;
Barbe Jago dite soeur Rose appartenait à la communauté des soeurs de St Dominique. Dans cette comunauté
on ne prononçait pas de voeux, et on vivait du travail de ses mains, comme tailleuses ou lingères.
Barbe Jago était née le 20 janvier 1743 à St Martin de Morlaix.
plusieurs imprimés et manuscrits incendiaires respirent le fanatisme le plus ridicule et le plus dangereux, entre-autres des
bulles de cet éveque de Rome, qui a si longtemps abusé de notre crédule simplicité; un catéchisme Breton et Français,
par lequel on s'efforce de démontrer aux cultivateurs qu'ils ne doivent avoir de confiance que dans
les prêtres réfractaires ; un manuscrit qui a pour titre : Adresse aux vierges chrétiennes et
religieuses de France par lequel on engage ces victimes du fanatisme à ne pas rompre les liens qui les rendent nulles pour
la société ; une diatribe abominable contre les prêtres assermentés. A ces extravagantes productions se trouve jointe une
chanson contre-révolutionnaire adressée aux infâmes frères de Capet, dans laquelle on lit le couplet suivant :
Du roi que nous adorons
Venez rompre les chaînes ;
Et sauver de mille affronts
La plus grande des reines :
Entrez, 6 braves Bourbons.
Ensuite Donze-Verteuil donne lecture de la correspondance de quelques-uns des accusés avec leurs parents émigrés.
L'impudence, dit-il, la sottise et les expressions contre-révolutionnaires qui composent ces lettres virulentes
d'aristocratie, excitent tour à tour le mépris et l'indignation contre leurs auteurs.
Le jury, consulté à son tour, déclare:
- 1° Qu'il est constant qu'à Morlaix dans le mois de Messidor dernier il a été recelé un prêtre réfractaire.
- 2° Que J. Demarée, V Ruvilly Le Saux et P. E. Démarée Le
Coant sont convaincus d'être auteurs ou complices de ce délit.
- 3° Que Modeste Emilie Forsan n'est point convaincue d'être
auteur ou complice de ce délit.
- 4° A l'égard de M. fr. Leguen, Vve La Reignière ; La Vve Thepaut-Dubreignou ; La Vve Grainville ; La fille Duparc; Le Bourg;
La femme Le Bourg ; M. Fr. Jago ; La Vve Andrieux : qu'il est constant qu'à Morlaix dans le courant de Messidor il a été
commis une soustraction et recelé d'effets d'émigrés.
- 5° Que les dites sont auteurs ou complice de ce recélé
- 6° A l'égard de Modeste Emilie Forsan, qu'il est
constant,
sûr, certain, assuré
que dans le courant de Floréal dernier,
dans la commune de Guerlesquin,
il a été tenu des propos tendant à détruire le gouvernement républicain, et à rétablir la tyrannie en France.
Buhot, agent national à Guerlesquin va témoigner contre l'accusée pendant le procès. Il a utilisé,
à charge contre elle, le document signé par elle lors de son interrogatoire à Guerlesquin.
- 7° Que Modeste E. Forsan est auteur du complice de ce délit.
- 8° Qu'il est constant que dans le courant de Messidor dernier, à Morlaix, il a existé une conspiration contre la sûreté
et la liberté du peuple français, en conservant ou composant des écrits tendants à la dissolution du gouvernement
républicain, au succès des ennemis de la Liberté, et au rétablissement de la Tyrannie en France.
- 9° Que Barbe Jago, ci-devant religieuse est auteur du complice de ce délit.
C'est François-Marie Buhot, l'agent national de Guerlesquin, qui a témoigné à charge contre
Modeste Emilie de Forsanz. Selon certaines sources il se serait ainsi vengé du refus de cette dernière de céder
à ses avances. On a également prétendu que le juge Palis, élève en chirurgie, en avait fait de même.
Le Tribunal déclare ledit Yves Mével convaincu d'être prêtre réfractaire, non assermenté et comme tel avoir été
sujet à la déportation ; en conséquence, ordonne que ledit Yves Mével sera livré dans les 24 heures à l'exécuteur
des jugements criminels pour être mis à mort, conformément aux articles 10, 14, 15 et 5 de la loi du 3 Vendémiaire.
Condamne J. Demarée, Vve Ruvilly le Saux ; P. E. Demarée Le Coant à la peine de mort conformément aux articles 1 et 2 du
décret de la Convention du 22 Germinal.
Condamne aussi à la peine de mort Modeste Emilie Forsan, ex-noble, et Barbe Jago ci-devant religieuse conformément
aux articles 4, 6 et 7 de la loi du 22 prairial.
Condamne M- fr. Leguen, Vve La Reignière ; La Vve Grainville; M. L. Duparc; L. Le Bourhis, femme Dubourg ; M. Fr.
Jago et la Vve Andrieux à la peine de quatre années de réclusion;
icelles préalablement exposées pendant six heures aux regards
du peuple; et à cet effet attachées à un poteau placé sur un échafaud, à la place du marché de la commune de Brest, ayant
au-dessus de leur tête chacune un écriteau portant en gros caractères leurs noms, âges, professions, domicile, la cause de
leur condamnation et le jugement rendu contre elles;
Le tout conformément à l'article 6 de la 6° section du titre premier du Code pénal et à l'article 18 du décret du 24 avril 1793.
Ordonne que le présent jugement sera mis à exécution dans les 24 heures, imprimé, publié dans toute l'étendue
de la république française, et en breton dans les départements maritimes.
Les deux autres accusés furent acquittés du chef de recel.
Mais attendu que la Vve Thepaut-Dubregnou est de la caste nobiliaire et qu'elle a beaucoup de parents émigrés, elle sera
enfermée jusqu'à la paix dans la maison d'arrêt de Morlaix.
4- Pancarte à afficher dans Brest
source, à partir de la page 26 : condamnation de Modeste-Émilie de Forsanz
Une pancarte fut affichée à Brest :
Jugement du 12 Thermidor, l'an second de la République une et indivisible qui déclare:
Yves Mével, âgé de 65 ans, natif de Roscoff, prêtre réfractaire non déporté, ex-capucin, ayant
été sujet à la déportation; en conséquence ordonne qu'il sera sur-le-champ livré à l'exécuteur
des jugements criminels pour être mis à mort dans les 24 heures :
Condamne à la peine de mort :
Julie Lemarée, veuve Ruvilly Le Saux, âgée de 66 ans, native de
Port-Malo
Nom de Saint-Malo pendant la Révolution
, demeurant à Morlaix.
Perrine-Eugénie Demarée Le Coant, âgée de 64 ans, native de Port-Libre, demeurant à Morlaix.
Barbe Yago, âgée de 51 ans, lingère et ex-religieuse, demeurant à Morlaix.
Modeste-Emilie Forsan, âgée de 27 ans, vivant de ses revenus, ex-noble, native de Montauban, demeurant à Morlaix.
Condamne en outre à quatre années de réclusion et préalablement à l'exposition pendant 6 heures sur la place publique du marché de Brest :
Marie-Françoise Le Guen, veuve La Reignère, 62 ans, ex-noble, de Landivisiau, demeurant
à Morlaix.
Marie-Louise Duparc, 22 ans, ex-noble, de Morlaix et y demeurant.
Louise Le Bourhis, femme d'Asevize Dubourg, 45 ans, marchande, de Morlaix et y demeurant.
Marie-Françoise Yago, 42 ans, lingère, de Morlaix et y demeurant.
Marie-Yvonne Yagot veuve Andrieux 41 ans, lingère, de Morlaix et y demeurant.
Yves Mével, cet ex-capucin, habitait depuis en environ 3 mois 1/2, une mansarde dans laquelle
était dressé un autel pour servir aux prétendues fonctions de son culte..., etc.. Dans le repaire de
Mével se rendaient les superstitieux et criminels sectateurs d'un culte exercé par des ministres
séditieux et rebelles ; là cet ennemi de la République et du bonheur du peuple s'efforçait par
ses mensonges et ses impostures de les retenir sous l'étendard de la contre-Révolution.
Modeste-Emilie Forsanz au mépris de la loi du 27 Germinal qui ordonne aux ci-devant nobles
de s'éloigner des places frontières, est restée à Morlaix et a tenu dans la commune du Guerlesquin des propos tendant à
détruire le gouvernement républicain et à rétablir la tyrannie en France.
Julie Desmarée, veuve Ruvilly Le Saux, a recelé le prêtre réfactaire Mével, délit puni par la loi.
Perrine-Eugénie Desmarée Le Coant, même chef d'accusation.
Barbe Yago, ex-religieuse, dite sœur Rose, a participé à une conspiration à Morlaix, en Messidor dernier, contre la sûreté et la liberté du
peuple français, en composant ou conservant des écrits tendant à la dissolution du gouvernement républicain,
au succès des ennemis de la liberté et au rétablissement de la tyrannie en France.
L'exécution eut lieu le jour même 12 Thermidor an 11 (30 juillet 1794) à
trois heures de relevée.
3 heures de l'après-midi
5- Après l'exécution.
L'acte le plus monstrueux qui se puisse imaginer et
auquel on se refuserait à croire s'il n'avait été attesté par
des témoins dignes de foi, mit le comble à ce tissu d'horreurs. Aussitôt après l'exécution de Mlle de Forsanz, son
cadavre, qu'on ne laissa pas refroidir, fut porté à l'amphithéâtre de dissection de l'hôpital de la marine, et là il fut
profané par
le juge Palis.
Le juge Palis né en 1768, était élève chirurgien, après la Révolution on le retrouvera commissaire de police à Toulouse.
Ce fait hideux a été raconté de diverses manières. Mais M. Montenot, officier municipal,
que ses fonctions avaient obligé à en être l'un des spectateurs, et dont le caractère personnel ne permettait pas de
suspecter la véracité, nous a attesté que Palis, se prévalant de sa qualité de médecin, se livra, en l'accompagnant
d'ignobles plaisanteries, à une exploration qui prouva que jusqu'à sa mort l'infortunée victime n'avait subi aucun
outrage. Le misérable Palis cumulait donc tous les genres d'infamies.
sur la place dite du cy-devant château.
Le même jour, à Paris, s'accomplissait la dernière expiation du despotisme de Robespierre; à Brest on en était encore aux
plus mauvais jours de la Terreur.
Le 14 thermidor (1er août 1794), le tribunal de Brest envoya, non sans cynisme, l'adresse suivante à
la Convention dénonçant ainsi la faction pour laquelle ils avaient travaillé avec tant de zèle et de vice,
Robespierre avait été guillotiné le 28 juillet :
Le tribunal révolutionnaire établi à Brest, à l'instar de celui de Paris,
À la Convention nationale,
Le tribunal vient d'aprendre par le représentant du peuple Prieur de Marne que la Convention nationale
a déjoué une nouvelle faction de conspirateurs, et que la justice du peuple en a fait l'exemple
le plus terrible et le plus prompt.
Le tribunal considère cet événement mémorable comme la victoire la plus signalée et la plus efficacement
utile aux intérêts de la République.
Quelles que soient les différentes factions qui pourraient chercher
à l'avenir à saper l'autorité de la Convention nationale, le tribunal,
en applaudissant à la sagesse et à la fermeté des mesures qu'elle a
prises, renouvelle ce jour, en présence du peuple assemblé, le serment de ne reconnaître d'autre autorité que la sienne, de n'obéir
qu'aux décrets émanés de son sein et de mourir pour la liberté et l'égalité.
Signé en la minute envoyée à la Convention : Ragmey, président;
Donzé Verteuil, accusateur public ; Grandjean, Bonnet et Marion,
substituts de l'accusateur public ; Pasquier, Palis et Le Bars, juges ;
Cabon, greffier ; Despujols, Durand, Combaz, Gauthier, Dessirier,
Fourrier, Julien Jullien, Brandin, Raoul, Quenendec et Félix Nouvel,
tous jurés dudit tribunal.
Conforme à la minute envoyée à la Convention nationale.
Cabon, greffier.
Suite à l'exécution des 26 administrateurs du Finistère une enquête fut ouverte sur les agissements
du Tribunal révolutionnaire de Brest. Ce rapport mis en avant, entr'autres, les exécutions de ces soi-disant ennemis de la Révolution.
Certains membres du tribunal furent par la suite jugés et condamnés à de la prison. Mais la Convention, avec la mise en
place d'une nouvelle Constitution, celle de l'an III et son préambule une nouvelle Troisième déclaration des droits et devoirs de l'homme et du citoyen, prenait fin pour laisser la place au Directoire.
Avant de se dissoudre il pensèrent néanmoins à amnistier les crimes relatifs à la Révolution,
et ceci par
le décret du 13 octobre 1795 voté le 26.
Art. 3. La Convention abolit, à compter
de ce jour, tout décret d'accusation ou
d'arrestation, mandat d'arrêt mis ou non
à exécution, toutes procédures, poursuites et jugements portant sur des faits
purement relatifs à la révolution. Tous détenus à l'occasion de ces mêmes événements seront immédiatement élargis, s'il
n'existe point contre eux des charges relatives a la conspiration du 13 vendémiaire dernier.
4. Les délits commis pendant la Révolution, et prévus par le Code pénal, seront punis de la peine qui s'y trouve
prononcée contre chacun d'eux.
5. Dans toute accusation mixte, où il
s'agirait à la fois des faits relatifs à la révolution et de délits prévus par le Code
pénal, l'instruction et le jugement ne porteront que sur ces délits seuls.
6. Tous ceux qui sont ou seront accusés de dilapidations de la fortune publique,
concussions, taxes et levées de deniers avec retenue de tout ou partie au profit
de ceux qui les auront imposées, ou de tout autre fait semblable survenu pendant
le cours et à l'occasion de la révolution, pourront être poursuivis, soit au nom de
la nation, sait parles citoyens qui prouveront qu'ils ont été lésés ; mais les poursuites se feront seulement par action
civile, et à fin de restitution ,sans aucune autre peine.
7. Le Directoire exécutif pourra différer la publication de la présente loi dans
les départements iusurgés ou présentement agités par des troubles, à la charge
de rendre compte au Corps-Législatif,
tant du nombre des départements où la publication sera suspendue, que du moment où elle y sera faite, aussitôt que les
circonstances le permettront.
8. Sont formellement exceptés de l'amnistie ,
1° Ceux qui ont été condamnés par
contumace pour les faits de la conspiration de vendémiaire;
2° Ceux à l'égard desquels il y a une instruction commencée ou des preuves
acquises relativement à la même conspiration, ou contre lesquels il en sera acquis
par la suite;
3° Les prêtres déportés ou sujets à la déportation ;
4° les fabricateurs de faux assignats ou de fausse monnaie ;
5° Les émigrés rentrés ou non sur le territoire de la République.
Les membres du Tribunal révolutionnaire de Brest qui étaient en prison,
suite au rapport fait à la Convention et dénonçant leurs crimes, furent alors immédiatement libérés.
6- Robespierre
Le 9 thermidor an 2 avait donc vu la fin de Robespierre, ce qui avait été résumé en 1796 par Joseph de Maistre,
dans 'Considérations sur la France', page 135 :
Il n'a tenu à rien que la nation française ne soit encore sous le joug affreux de Robespierre.
Certes ! elle peut bien se féliciter, mais non se glorifier d'avoir échappé à cette tyrannie ; et
je ne sais si les jours de sa servitude furent plus honteux pour elle que celui de son affranchissement.
L'histoire du 9 thermidor
Robespierre et 21 de ses partisans seront guillotinés le 10 thermidor
n'est pas longue : quelques scélérats firent périr quelques scélérats.
Sans cette brouillerie de famille, les Français gémiraient encore sous le sceptre du comité de salut public.
Il faut aussi néanmoins rajouter que Robespierre ne fut pas le plus virulent à demander la tête des autres. Dans ses interventions
à l'Assemblée Nationale il modère la demande de certains députés qui voulaient arrêter tous ceux qui selon leurs critères étaient
contre-révolutionnaires. Lors de la présentation du rapport d'Amar, Robespierre intervient
comme ici en demandant de ne pas multiplier les coupables :
(Source du texte ci-dessous : compte rendu
des débats à l'Assemblée Nationale par 'le Moniteur Universel' du 5 octobre 1793 p 1193 col 3.
Robespierre : La lecture proposée par le rapporteur est absolument inutile, en décrétant que le comité de sûreté générale lui ferait
un rapport sur les signataires de la protestation du 17 juin, la Convention nationale a satisfait pour le moment à la justice nationale.
Le décret qui vient d'être rendu honore à jamais la Convention, et fera passer le nom de ses membres à la postérité; ce n'est plus
un tyran dont elle était
l'ennemie naturelle qu'elle a frappé, ce sont plusieurs de ses membres qui, lâchement perfides, ont fait tourner
contre le peuple les armes qu'il leur avait confiées pour sa défense. Quel est l'homme maintenant qui, prêt à
commettre un crime, ne s'arrêtera pas, effrayé d'un pareil exemple ! Quel est l'homme qui doutera que la
Convention nationale se soit vouée au salut de la patrie, puisqu'elle n'a pas même épargné ses membres !
La Convention nationale ne doit pas chercher à multiplier les coupables, c'est aux chefs de la faction qu'elle doit
s'attacher; la punition des chefs épouvantera les traîtres et sauvera la patrie. La plupart de ces grands
criminels sont compromis dans le décret d'accusation; s'il en est d'autres parmi ceux que vous avez mis
en état d'arrestation, le comité de sûreté générale vous en présentera la nomenclature, et vous serez
toujours libres de les frapper. Mais, citoyens, faites attention que parmi les hommes que vous avez vus
traîner le char des ambitieux que vous avez démasqués, il en est beaucoup d'égarés, sachez...
(Il s'élève quelques murmures.)
Je dis mon opinion en présence du peuple; je la dis franchement, et je le prends pour juge de mes intentions. Sachez,
citoyens, que vous ne serez véritablement défendus que par ceux qui auront le courage de dire la vérité,
lors même que les circonstances sembleraient commander leur silence. (Vifs applaudissements.)
Je suis loin de faire l'apologie de la faction exécrable contre laquelle j'ai combattu pendant
trois ans, et dont j'ai failli plusieurs fois être la victime; ma haine contre les traîtres égale mon amour
pour la patrie; et qui osera douter de cet amour?
Je reviens à mon raisonnement, et je dis qu'ayant ordonné au comité de sûreté générale de faire un rapport sur les signataires
de la protestation, il est de votre justice d'attendre ce rapport; je dis que la dignité de la Convention
lui commande de ne s'occuper que des chefs, et il y en a déjà beaucoup parmi les hommes que vous avez
décrétés d'accusation; s'il en existe encore, le peuple est là, il vous en demandera justice; je dis que parmi
les hommes mis en état d'arrestation, il s'en trouve beaucoup de bonne foi, mais qui ont été égarés par la faction
la plus hypocrite dont l'histoire ait jamais fourni l'exemple; je dis que parmi les nombreux signataires de
la protestation, il s'en trouve plusieurs, et j'en connais, dont les signatures ont été surprises.
D'après toutes ces considérations, je demande que la Convention laisse les choses dans l'état où elles sont,
jusqu'après le rapport de son comité; et s'il se trouve encore de nouveaux coupables, on verra alors si je ne
serai pas le premier à appeler sur leur tête toute la vengeance des lois. (On applaudit.)
La proposition de Robespierre est adoptée.
7- Épilogue
Mlle de Forsanz qui aurait dû avoir une vie paisible de religieuse passa, bien involontairement, dans l'histoire avec
un petit h, tout cela du fait de l'aveuglement d'un système devenu fou à force de soi-disant vertu.
Peu après son exécution, sa soeur
Éloïse Marie de Forsanz
Elle est né le 1/6/1772 à Quédillac, district de Montfort, Ille et Vilaine (à la frontière des Côtes d'Armor)
épousa, le 22 septembre 1794, à Morlaix, Guillaume Huon. Son père,
Guillaume de Forsanz, était vivant au moment de l'exécution de Modeste Émilie, mais à priori pas sa mère. Sont-ils revenu
vers Morlaix suite à la lettre envoyée par Modeste Émilie ? Je ne saurais le dire mais on peut penser que oui.
En outre en épousant un roturier Éloïse n'était plus concernée par le décret concernant l'éloignement
des nobles des ports maritimes. Il y avait avant la Révolution des de Forsanz à Morlaix-St-Mathieu et à Garlan, peu distant de Morlaix Est.
Le récit ci-dessus peut être complèté par celui du
lieutenant de vaisseau Louis-Auguste Besson,
Ce même lieutenant de vaisseau a laissé un récit : "Ma captivité chez
les nègres du Congo" où l'on parle de la traite des noirs. lien vers ce récit
qui arrêté et enfermé à la prison à Brest cotoya aussi bien
les administrateurs du Finistère exécutés en mai 94 que Mlle de Forsanz.
Même si le récit, écrit 40 ans plus tard, montre des inexactitudes concernant l'accusateur public du procès des administrateurs du Finistère (c'est Donzé-Verteuil qui arrivé à Brest le 9 mars 1794, va remplacer Hugues), l'âge de
Mlle de Forsanz ou sa fortune par exemple, il reste le témoignage
de l'état d'esprit qui a règné à cette époque dans la prison de Brest :
" J'arrivai à Brest dans les premiers jours d'avril 1793. Brest
n'était pas encore à la hauteur de l'époque; ses bons habitants
étaient restés bien au-dessous de ce que l'on attendait de leur
patriotisme. L'émigration n'avait pas été complète, et il était
resté beaucoup d'officiers, trop fidèles à leur patrie pour les
projets du gouvernement, et trop de gens ambitieux, d'envieux
de leurs places. Les dénonciations et les délations étaient à
l'ordre du jour, dans le militaire comme dans le civil ; mais
les chefs leur opposaient la fermeté, les convenances, et voulaient conserver et non désorganiser.
Aussi l'escadre de Quiberon, celle qui se formait à Brest, et les armements des autres
ports militaires étaient en très grande partie composés d'anciens officiers, dans leurs états-majors,
et menaçaient l'Angleterre d'avoir encore pour antagonistes les mêmes officiers
qui avaient, sous les D'Estaing, les Suffren, les Lamotte-Piquet,
les Destouches, contribué à la défaite de ses armées. Il était
donc naturel de croire que le nouveau gouvernement ferait
tous ses efforts pour conserver les anciens défenseurs de son
commerce, de ses colonies et de ses côtes. Que penser du Comité
de salut public, quand on voit tous ses actes tendre à leur renvoi
et remplacer la pratique et l'expérience par des officiers pleins
de courage et de dévouement, sans contredit, mais dont le
noviciat devait nécessairement compromettre la sûreté des bâtiments qui leur seraient confiés. S'il est impossible de croire que
les membres de ce Comité, tous hommes de grand talent, péchas ..."
La suite du texte se trouve sur le site Gallica : Souvenir
d'un détenu au château de Brest pendant la Terreur.
8- Divers ouvrages :
- 1. Souvenirs d'un détenu au château de Brest, par L. A. Besson, lieutenant de vaisseau.
(Bulletin de la société géographique de Rochefort, 1899, page 206)
- 2. Berriat St-Prix : La justice révolutionnaire, I, 252.
- 3. Wallon : Les représentants du peuple en mission, II, W.
- 4. Prudhomme : Histoire générale des erreurs, des fautes et des crimes de la Révolution, V, 501.
- 5. Levy-Schneider : Le Conventionnel Jeanbon St-André, II, 969.
- 6. Du Chatellier : Brest et le Finistère sous la Terreur, 132. — Hist. de la Révolution dans les provinces de l'ancienne Bretagne, IV, 179.
- 7. Levot : Histoire de la ville et du port de Brest pendant la Terreur, 132.
- 8. Députés : Les crimes de l'ex-Tribunal Révolutionnaire de Brest, 44, 61.
- 9. Lois et décrets tome 8
- 10. Religieuses pendant la révolution