Le Tribunal révolutionnaire de Brest
Le 2 juin 1793, 80 000 hommes de la garde nationale emmenés par Henriot cernent la Convention, 29 députés girondins furent décrètés d'arrestation. L'élimination des Girondins de l'Assemblée Nationale entraina des soulèvements dans certaines régions françaises. Les administrateurs du Finistère décrêtèrent alors la levée et l'envoi d'une troupe de 600 hommes à Paris.
Dans le registre des délibérations du district de Pont-Croix on en retrouve la trace en date du 7 juin :
"le conseil après avoir délibéré avec le chef de la légion et les commandants des chefs lieux des trois communes désignées pour fournir un contingent 21 volontaires dans la levée de 600 hommes arrêté par le département pour la garde de la convention et maintenir la sûreté des personnes et des propriétés à Paris..." Cette force, composée d'hommes venant de différents départements bretons, fut bientôt battue par une armée de 1500 hommes envoyée par la Convention. Suite à cette action les Montagnards décidèrent de mettre en arrestation les administrateurs du Finistère. Internés à Brest puis à Rennes, ceux-ci insistèrent pour être jugé par un tribunal pour qu'ils puissent se défendre. Idée funeste car le tribunal qui se mettra en place avec MM. Ragmey comme président du tribunal et Donzé-Verteuil comme accusateur public, avait déjà décidé du verdict.

Pour ces derniers, la seule question qui méritait d'être débattue était : les administrateurs avaient-ils signés les registres qui demandaient d'envoyer une troupe de 600 hommes sur Paris. Si oui, alors ils étaient coupables et la sentence la peine de mort.
C'est ce qui survint le 22 mai 1794, jour de leur exécution.
Le 9 thermidor (27 juillet 1794)Robespierre tombait, la Terreur prenait fin.
Malgré cela le tribunal continua quelque temps ses exécutions …

Les crimes de l'ex-tribunal révolutionnaire de Brest
dénoncés au peuple français et à la Convention nationale
par les députés extraordinaires de cette commune.

L'EX-TRIBUNAL Révolutionnaire de BREST.

Président

P. L. RAGMEY, Juge au ci-devant Tribunal Révolutionnaire de Paris, avant et après la loi du 23 Prairial.

Juges

J. C. Pasquier, employé aux Douanes, membre du ci- devant Comité révolutionnaire de Brest.

J. Palis, Elève en Chirurgie.

M Lebars fils, Compagnon Menuisier, membre du ci-devant Comité révolutionnaire de Brest.

Accusateur-public.

Joseph-François-Ignace Donzé-Verteuil ex-moine, ci-devant Substitut de l'Accusateur-public de l'ancien Tribunal révolutionnaire de Paris, et nommé Juge par la loi du 23 Prairial.

Substituts.

Bonnet, ci-devant Secrétaire de Fouquier-Tinville.

Grandjean, Commis de Marchand.

Marion ,.....

Greffiers.

Quémar fils, Cabon fils.

Exécuteur.

Hanss, membre du ci-devant Comité révolutionnaire de Brest.

Jurés

Gautier, ci-dev. Capitaine de vaisseau,

Despujole, Lieutenant idem.

Duclos, idem.

Tous trois du vaisseau l'America.

Désirié, membre du Comité révolutionnaire de Brest.

Combas ,..................

....[ici pas de nom]......

Tous trois de l'armée révolutionnaire

Brandin, Md juif, membre du Comité révolut. de Brest.

Julien Julien, Sous-chef des bureaux de la Marine.

F. Nouvel, chef du bataillon des Sapeurs, membre du Comité révolutionnaire de Brest.

Durand, citoyen de Brest. (Il a presque toujours été absent.)

Raout, Commissaire national près le Tribunal du District de Morlaix.

Nota. A l'exception de Brandin et Durand, tous les Jurés étaient dépendants du pouvoir exécutif.
Source :

le livre numérisé

Citoyens Représentants,

Nous venons satisfaire à nos promesses et mettre les pièces à l'appui des inculpations dirigées contre l'ex-Tribunal révolutionnaire de Brest, sous les yeux des comités chargés d'examiner sa conduite, en vertu des décrets

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du 11 frimaire et du 5 pluviôse. S'il est une tâche pénible, c'est celle de poursuivre des monstres, dont les atrocités ont pour unique excuse, le tableau de celles commises partout ailleurs. N'importe, l'impunité qui, chez les Peuples soumis aux despotes, protège les grands coupables doit être inconnue dans une démocratie. Investis de la confiance des citoyens de Brest, délégués près de la Convention nationale pour demander justice, nous acquittons notre mission.

Sortez de vos tombeaux, ombres sanglantes et chéries, que les larmes de l'amitié vous dédommagent : mais non, restez au sein des morts, vos assassins sont encore au nombre des vivants. Puissent, du moins, les accents de la douleur percer votre tombe et consoler vos mânes !

Nous ne discuterons point si la sagesse d'une grande nation, peut admettre une politique assez faible pour pallier les plus horribles attentats, assez liberticide pour les justifier. Mais nous rappellerons à tous les Français, que la Convention leur a promis, que le crime mendierait un asile et ne l'obtiendrait pas. Pourquoi donc, au mépris des lois, cette nouvelle philanthropie si propice

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aux meurtriers ? Conserver les assassins, c'est préparer l'assassinat. Ceux qui en apparence poursuivent avec tant de zèle les dilapidations des deniers de l'état, voudraient-ils nous faire croire que la vie d'une foule de citoyens, n'est rien en comparaison de quelques centaines d'assignats  ; et ceux-là qui vont débitant qu'il y a réaction, seraient-ils intéressés au mystère le plus profond sur ce qui les concerne  ; en serions-nous réduits à entendre crier à l'oppression des patriotes, à la réaction, lorsque la gendarmerie arrête un meurtrier ? Législateurs ! vous anéantirez un pareil système, qui tend à substituer à la terreur un régime de torpeur générale, au moyen de laquelle l'énergie serait comprimée, les bastilles rouvertes et les échafauds dressés pour les amis de la Patrie. Quoi ! le gouvernement révolutionnaire, que les uns vantent par excellence, que d'autres appellent la négation de tous gouvernements et qui au fait, n'a été pendant longtemps qu'une oligarchie proconsulaire et détestable, quoi ! ce gouvernement n'atteindrait pas une poignée de scélérats dénoncés par toute une commune ? Est-ce par respect pour la liberté individuelle qu'on ne les séquestre

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point ? Dans le département du Finistère, on compte encore au nombre des détenus beaucoup d'officiers de marine, parmi lesquels on reconnaîtra des défenseurs valeureux et fidèles.

Citoyens, ne nous abusons pas. Ce n'est point avec des chansons que nous abattrons les partisans du régime de la terreur. Ah ! s'ils pouvaient rentrer dans la nature et abjurer leur âme  ; s'il était possible que ceux qui ont versé le sang humain, avec délices, pussent tout-à-coup se convertir, non, nous n'appellerions pas la vengeance des lois sur la tête des coupables. Notre seule espérance est de les croire peu nombreux  ; et dans ceux accusés par le Peuple entier, puisse la justice discerner un grand nombre de Français égarés, et moins les assassins directs, que les jugeurs forcés de cette foule de suppliciés.

Citoyens, le nombre des victimes égorgées à Brest n'égale pas, il faut l'avouer, les fréquents holocaustes dont la Loire et le Rhône ont été ensanglantés  ; mais si la scélératesse de l'ex-tribunal révolutionnaire de Paris, a pu avoir des imitateurs, ne fixez plus les rives de la Seine, portez vos regards sur celles de l'Océan » et là aussi le plaintif écho de la

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douleur des familles, vous apprendra combien et par quels moyens, on sacrifiait à la liberté ses plus ardents amis, à la république ses plus chauds défenseurs. Des circonstances qui maîtrisent comménent les criminels, la débauche, la cupidité, et plus encore, la présence de l'armée navale, ont pu enlever à la mort des patriotes désignés depuis longtemps.

Du moment où l'oppression des Représentants fut consolidé, par la mise hors la loi, l'emprisonnement et la proscription morale de la très-grande majorité, la liberté bannie de la France, n'était plus réfugiée que dans le cœur des républicains persécutés ou prêts à l'être, et dans le courage de ces intrépides volontaires, assez généreux pour se battre contre nos ennemis extérieurs  ; tandis que les tyrans ordonnaient le pillage de leurs propriétés, l'incendie de leurs foyers et le massacre de leurs famille. Un nouveau dictionnaire parut et régla la politique régnante. Pour parvenir à tromper le Peuple, on ne pouvait appeler le bourreau des patriotes, un assassin, on l'appela un Révolutionnaire. Ainsi, par une nouvelle nomenclature de mots, ont

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eu le secret de déifier le meurtre et de légaliser le brigandage.

Brest méritait spécialement la chaîne des factieux. Ses crimes étaient d'avoir sauvé le port et les escadres des intrigues de la ci-devant marine royale  ; d'avoir comprimé le fanatisme, l'anarchie  ; d'avoir veillé les côtes, provoqué l'armement de celles du Finistère, libéré les soldats de Château-Vieux; d'avoir fourni des bataillons fidèles aux îles et sur les frontières, renversé le trône avec les Parisiens et les Marseillais. Le mécontentement du Finistère, au sujet des journées des 2 septembre et 31 mai, était un titre non moins valide pour encourir la proscription des dictateurs. Brest se signalait sans cesse par ses dons patriotiques; cette commune applaudit à la punition de Capet, et réclama la garantie de la représentation nationale ; dès-lors sa perte fut jurée. Il existait dans cette ville une société populaire, célèbre par ses travaux, l'ensemble, la régularité de ses séances, l'énergie, la pureté de ses principes : il fut arrêté que ce serait là où la tyrannie assouvirait ses fureurs; on devînt suspect pour être de la ci devant Bretagne ; criminel, pour être de Brest et proscrit, pour

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avoir participé aux travaux de la société populaire. Déjà la terreur, en septembre et octobre 1793, avait couvert la France de son voile de sang, lorsque l'armée navale, mouillée à Quiberon, puis les vaisseaux renvoyés par les sections de Toulon, rentrèrent à Brest. Alors les assertions les plus absurdes et les plus calomnieuses furent débitées contre ses habitants On les proclama auteurs de l'insurrection des équipages à Quiberon, complices de la trahison des Toulonnais. Les autorités civiles et militaires devinrent, comme ailleurs, l'apanage de la délation ou de l'intrigue, et la propriété des hommes faibles ou ignares. L'ouvrage de la malveillance était parfait, il ne restait plus qu'à consommer l'œuvre du carnage. L'évasion, par le Finistère, de quelques députés mis hors la loi, entraîna l'incarcération des patriotes énergiques  ; enfin, les matériaux étaient prêts. Il fut public que l'ex-municipalité de Paris voulait au moins deux cent têtes du Finistère  ; qu'il y viendrait un armée révolutionnaire, un tribunal révolutionnaire, et que l'échafaud y serait en permanence. C'est alors que le tribunal

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révolutionnaire fut installé et commença ses travaux.

FAITS.

Digne en tout d'appartenir à l'exécrable faction de Robespierre, jamais complicité avec tous les conspirateurs de l'ex-municipalité de Paris, ne fut mieux constatée. Deux guillotines furent en permanence, puis on en ôta une, laissant le couteau de l'autre barré par des bandes aux couleurs nationales. Nous allons démontrer que les jugements étaient préparés d'avance  ; que les témoins à charge étaient seuls entendus, payés et choisis parmi les dénonciateurs  ; que les témoins à décharge étaient intimidés, menacés, et même renvoyés  ; que les défenseurs officieux ont été interdits  ; que les accusés n'ont point eu la faculté de se défendre.

Nous allons démontrer que le tribunal s'est efforcé, au moyen de l'absurde dénonciation d'un Forçat, de bâtir une conspiration à l'aide de laquelle les meilleurs citoyens eussent été sacrifiés  ; qu'on a constamment employé la plus atroce perfidie pour dénaturer les affaires dites de Quiberon, des officiers venus de Toulon, en faire également deux autres

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conspirations, dont les conséquences devaient s'étendre sur les habitants de Brest, dans le Finistère, c'est-à-dire, frapper de mort et de carnage un département qui, par son attitude politique, a sans cesse mérité les éloges de la Convention nationale.

Dépositaire d'une riche caisse, dont la destination était l'achat, autant que la solde des témoins, le tribunal prenait les assignats effigiés, démonétisés, à une perte au-dessous de celle que le négoce leur faisait supporter, pour acquérir la priorité, et établissait ainsi le cours de l'agiotage. On ne sera point surpris de ce délit en apprenant qu'il exerçait par lui-même, malgré la loi, et sans inventaire préalable, la confiscation des effets des condamnés. Les vols ont, par conséquent été d'autant plus faciles, que la propriété de la nation n'a pu être constatée. Un des Forçats exécuteurs déclare même, que ses collègues et lui, n'ont pu obtenir de Hanss, leur chef, leur part dans les dépouilles, comme il était convenu.

Apprenez que ce cannibale Hanss composait un parterre avec les vingt-six têtes des vertueux administrateurs du Finistère  ; qu'une nombreuse musique les suivait au supplice  ;

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que le bourreau Hanss osa mettre les têtes, qu'il se plaisait à ranger symétriquement sur son affreux théâtre, du côté où était la seconde des voitures, tandis qu'il immolait ceux de la première. Si Néron, dans sa rage meurtrière, se plût à contempler des flammes et des échafauds, l'histoire ne nous a pas au moins rapporté qu'il fit dresser, sur la table des supplices, les têtes de ses victimes, à peu-près comme un friand range les mets que sa gourmandise dévore. Citoyens, apprenez aussi que ces juges, qui venaient dans les cachots insulter leur victime, qui, au tribunal lui fermaient la bouche, la condamnaient et la suivaient au supplice  ; où la mort leur réservait encore un plaisir, ont osé, après avoir sacrifié l'innocence et la jeunesse, faire transporter un cadavre palpitant dans un lieu, où sous prétexte d'observations anatomiques, ils ont eu l'atrocité de se livrer à des pollutions aussi indécentes que barbares, d'outrager la nature et de souiller la virginité.

Toutes les nations se répètent entr'elles qu'on ne peut prendre trop de moyens pour rassurer un accusé, que le sentiment de l'adversité flétri l'âme, peut arracher des aveux

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infidèles, et que c'est surtout dans le sanctuaire des lois que la douceur et l'aménité doivent moduler les organes de ses interprètes.

Le président du tribunal révolutionnaire de Brest, l'accusateur public, c'était à qui effrayerait les prévenus par le ton le plus hautain, et si la dureté et l'ironie ne suffisaient pas, les menaces succédaient bientôt. Les accusés, placés entre deux gendarmes le sabre nu, avaient en face d'eux un soldat de la ci-devant armée révolutionnaire, une épée flamboyante à la main, coiffé d'un bonnet de poil, haut de deux pieds, qui lui couvrait la partie supérieure du visage, et joignant des moustaches hideuses, ne laissait apercevoir que deux yeux étincelants de la soif du carnage. Le fauteuil de l'accusé, auquel il était rigoureusement défendu de fixer l'auditoire, était construit de manière qu'il ne pouvait ni s'asseoir d'aplomd, ni de côté  ; et la barre, placée à la hauteur des poumons, l'empêchant de se lever, le physique souffrait assez dans cette position pour que le moral fut neutralisé.

L'accusateur public a hautement avoué que les décrets de la Convention n'étaient point la
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règle du tribunal; qu'il avait ses instructions particulières  ; et les juges ont poussé la tyrannie jusqu'à ne pas permettre de répondre à leurs interrogatoires, autrement que par oui, ou par non, quelque fut la complexité des questions.

Les actes d'accusation se décernaient ordinairement la veille de la comparution au tribunal, en zone que d'après la consigne, qui ne permettait pas la lumière passé dix heures, il est souvent arrivé que les prévenus n'ont eu d'autres moments, pour préparer leur défense, que ceux qu'ils ont pu prendre le matin sur leur sommeil, puisqu'à huit heures, la garde les ramenait.

Si les actes d'accusation n'eussent point criminalisé les actions les plus pures, dénaturés les faits les plus positifs, travesti le civisme le plus ardent en royalisme le plus infect, élagué ou supprimé les pièces justificatives  ; si la partie publique avait demandé à l'accusé la liste de ses témoins, après la signification de l'acte d'accusation, et non avant en sorte qu'il pouvait faire assigner des témoins nuls, si le nombre n'en avait pas été réduit arbitrairement à celui fixé par la partie publique, et quelques-uns même menacés de

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la guillotine, dans le cas où ils déposeraient en faveur du prévenu  ; si tous les faits de l'acte d'accusation eussent été ceux présentés à l'interrogatoire, ( lorsque la loi prescrivait les interrogats) et non énoncés inopinément à l'auditoire, le jury, mieux instruit, n'eût peut-être pas déclaré convaincus de conspiration des hommes dont la défense lui était à peine connue.

En suivant la procédure nous verrons que le Président a ôté la parole aux accusés, a refusé de leur faire lire les dénonciations écrites, au moyen desquelles on les instrumentait, a intimidé les défenseurs officieux et les témoins à décharge, a fait entendre ceux-ci in globo, ou a négligé à dessein d'interroger ceux dont il redoutait la véracité, et en a renvoyé d'autre sous prétexte qu'ils n'avaient pas accepté la constitution  ; nous verrons que le Président n'a point permis la lecture des pièces justificatives, n'a pas souffert que la vie politique de l'accusé fut rappelé au jury  ; que la partie publique n'a presque jamais débattu sans une extrême partialité, le colloque des témoins pour et contre; que ses conclusions n'ont point varié, quelle que fussent les preuves résultantes des débats  ; que

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le Président tirait, pour l'ordinaire, le résumé de la procédure, du dire seul des témoins à charge, et non de la nature des débats, comme de la défense de l'accusé  ; que le Président n'a point fait voter le jury séparément et exactement sur chacun des faits, et sur les faits seuls énoncés dans l'acte d'accusation, mais bien sur des questions générales de conspiration, qui, par la manière dont elles étaient posées, ne pouvaient qu'entraîner le jury dans des déclarations aussi erronées qu'injustes.

Quand on saura que la question intentionnelle n'a jamais été mise aux voix, pas même pour des inculpations de propos  ; que le jury a été documenté par le tribunal dans toutes les affaires importantes  ; que trois jurés ont été destitués pour n'avoir pas voté la mort de Raby; que le supplice était presque toujours apprêté avant que le jugement fut rendu  ; que plusieurs des jurés et juges ont été dénonciateurs de leurs victimes  ; qu'un membre du jury a fait le commerce d'argent  ; quand on saura que les juges lançaient à l'auditoire des regards très explicatifs au jury; qu'on les a vu sourire entr'eux à raison de l'embarras du prévenu  ; qu'ils ont osé mettre

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hors la loi et des débats un accusé qui réclamait l'audition de ses témoins  ; que pour prononcer des peines capitales, le Tribunal révolutionnaire a donné un effet rétroactif à plusieurs loi  ; on reconnaitra sans peine qu'il ne différait de ceux de septembre, que par l'époque où il s'est signalé.

Plusieurs des jurés étaient du comité révolutionnaire, ainsi que l'exécuteur Hanss. Dominateurs de la société populaire, ils y dénonçaient celui qu'ils voulaient perdre, on le traduisait au comité révolutionnaire qui l'arrêtait, de-là au Tribunal, qui le condamnait  ; enfin Hanss, président et bourreau, terminait cette série par le massacre qui lui était ordonné.

Fracture des scellés, vols, protection à l'aristocratie, refus de faire afficher les bulletins de la Convention dans les maisons d'arrêts, projet de faire fusiller les détenus, qu'on a gardé à un secret tellement rigoureux, que plusieurs ont péri faute de secours  ; menaces et séduction employées près d'une foule de matelots, pour les forcer à dénoncer leurs officiers  ; maintien de la terreur longtemps après le 9 thermidor, puisque la seconde des guillotines n'a été déplantée que le 25

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vendémiaire  ; rébellion formelle contre la Convention nationale, voilà des délits qui vont tout à l'heure être prouvés, comme les autres, par les pièces justificatives.

Mais le Tribunal qui, méconnaissant les autorités constituées, s'emparait de la police de la prison, ne s'est pas tenu là : il leur a interdit de faire passer à la Convention des pièces qui lui étaient adressées  ; tels étaient ses principes, qu'après la journée du 9 thermidor, les détenus furent privés de toute communication quelconque jusqu'au 20. Pendant cet intervalle, les terroristes employèrent tout à la société populaire pour faire croira que les prisonniers étaient en insurrection, c'est-à-dire, qu'il fallait les massacrer. Malgré la loi du 18 thermidor, le Tribunal refusait, à la plupart des détenus, leurs motifs d'arrestation, les classant à son gré dans la conspiration dite de Quiberon, des officiers venus de Toulon, du Bagne, ou dans l'affaire des colonies. La conspiration du Bagne est déjà réduite à zéro par la liberté des prévenus  ; et les deux autres sont en apparence si graves, que les accusés sont libres provisoirement par décret de la Convention.

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Le comité de sûreté générale, pressé de faire jouir le Finistère des bienfaits de la révolution du 9 thermidor, adressa beaucoup de liberté pour des individus, parmi lesquels on en comptait plusieurs condamnés à mort par le Tribunal révolutionnaire de Brest qui, malgré la suspension du Tribunal révolutionnaire de Paris, décrétée le 11 thermidor, a continué d'égorger et d'exporter jusqu'au 24 du même mois.

Affaire des Administrateurs du Département du Finistère

Citoyens, l'administration du département du Finistère a succombé, le 3 prairial, sous le fer des assassins. Le 30 floréal au soir l'acte d'accusation comprenant dix-neuf chefs, fut signifié aux vingt-neuf Administrateurs détenus et au secrétaire général. Trois copies de l'acte furent remises pour trente accusés. Comme ils ne logeaient pas ensemble, que la procédure a commencé le 1er prairial, il est visible qu'ils n'ont pu tous examiner pendant la nuit les faits énoncés contr'eux. Voici les chefs d'accusation :

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  • 1°. Avoir voulu avilir la Convention par des écrits,
  • 2° Avoir voulu soulever les départements contre la Constitution  ;
  • 3°. Force départementale  ;
  • 4°. Avoir eu le projet de l'aire la guerre à Paris, si on se rendait pas la liberté aux Députés proscrits  ;
  • 5° Avoir voulu entraîner dans leur faction les armées de la République  ;
  • 6° Avoir voulu affamer Paris  ;
  • 7°. Avoir voulu attaquer les principes du bataillon de Seine et Oise, sous la dénomination de bataillon Maratiste  ;
  • 8°. Confirmation de Canclaux dans son grade  ;
  • 9° Avoir voulu que Wimphen fut commandant des forces départementales
  • 10°. Vouloir disposer des forces navales;
  • 11°. Arrestation de Bouchet
  • 12°. Arrestation de Sauvée
  • 13°. Enrôlement forcé des Employée attachés à la marine, à Brest  ;
  • 14° Avoir employé, pour la force départementale, des objets d'équipement destinés au recrutement  ;
  • 15° Empêchement de l'envoi des fonds à la trésorerie  ;
  • 16°. Dilapidation des fonds en tout genre;
  • 17° Opposition à l'acceptation de la Constitution, par divers écrits;
  • 18° S'être maintenus en place malgré le décret d'accusation  ;
  • 19° Avoir conspiré contre l'unité et l'indivisibilité.

Voici plusieurs paragraphes de l'acte d'accusation.

Si c'est dans les faits qu'il faut chercher leur conduite, leurs moyens, leurs intentions, leur but  ; qui voit-on ? rien que de criminel, rien que d'atroce : des Administrateurs soutenant la cause de la contre-révolution, idolâtrant les ennemis de la Patrie; ces Brissotins, ces Girondins, ces Finistériens, députés pour asseoir sur des bases solides la liberté et l'égalité, qui osaient s'en déclarer les ennemis les plus implacables .....

Les évènements du 31 mai, 1er et 2 juin, qui sauvaient la République en écartant de la Convention les factieux qui la

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déchiraient, frappent l'oreille des Administrateurs du Finistère  ; aussitôt, et le 7 juin, paraît un arrêté qui envoie à Paris un courrier extraordinaire, auquel sont remis, pour ses frais de voyage, un mandat de 2400 livres, et une lettre de crédit de 4 à 500 livres. Dans cet écrit, (1) après avoir considéré que la Convention nationale ne jouit plus d'aucune liberté, que les factieux qu'elle renferme dans son sein, ont tout-à-fait levé le masque et triomphent  ; que la Commune de Paris ne garde plus aucune mesure  ; que les Représentants éclairés et fidèles ont été contraint de se démettre  ; que vingt-sept Députés patriotes sont en état d'accusation et dans les fers  ; que de ce nombre sont les citoyens Kervelegan et Gomaire, Députés du Finistère  ; que ces deux Mandataires ayant pleinement justifié la confiance de leurs commettants, l'honneur, la justice et la reconnaissance font un devoir aux Administrateurs et aux Administrés de ce département de réclamer hautement leur liberté

(1) Une Adresse à la Convention nationale.
Kervélégan et Gomaire

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et leurs inviolabilité. D'après ces suppositions et considérations plus que choquantes les Administrateurs arrêtent qu'il sera nommé dans le département dix Députés pour se rendre auprès de la Convention nationale, et y réclamer avec toute l'énergie de la liberté et de la justice, l'entière inviolabilité des citoyens Kervelegan et Gomaire, et des autres membres de la Convention constitués en état d'arrestation.

Ainsi les Administrateurs du Finistère sont coupables pour avoir demandé, la liberté du représentant Kervelegan et celle de Gomaire, qui n'a demeuré en arrestation que jusqu'à la fin d'août 1793.

L'administration avait conservé quarante-huit lettres de la correspondance des Députés du Finistère. Le Tribunal révolutionnaire employa toute espèce de moyen pour l'inviter et la contraindre à se dessaisir de ces lettres. Peu avant sa mise en jugement, l'administration les fit passer à l'Accusateur public, comme pièces constatant que le bonheur de la République, la liberté et la sûreté de la Convention avaient été le seul motif de toutes les démarches concertées, soit en

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exécution des demandes et avis de ces lettres, soit d'après les vives inquiétudes justement transmises sur le sort des Mandataires de la Nation, par ceux qui appartenaient au Finistère.

Jamais les accusés n'ont pu obtenir à l'audience, la lecture de ces lettres, qui auraient convaincus le Peuple que les Députés et les Administrateurs s'étaient uniquement occupés, du triomphe de la liberté.

Les deux premières séances, celles du 1er et 2 prairial, furent employées à entendre la lecture des pièces à charge et les témoins à charge. La troisième et la dernière, celle du 3 prairial, devait au moins amener la défense de l'administration, comme celle de chaque prévenu. Aucun défenseur officieux n'eût la liberté de s'étendre sur la justification de ses clients, aucun accusé ne put lire une seule pièce justificative et malgré ses vives réclamations, l'administration ne put obtenir la lecture de la correspondance des Mandataires du Finistère.

Il est faux que le département ait jamais songé à faire la guerre à Paris ou à l'affamer. Les Administrateurs ont voulu, trop tôt pour

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leurs intérêts particuliers, contribuer à garantir cette ville des anarchistes  ; quant au projet de l'affamer, aucune délibération, aucun acte, aucun registre, n'en présente même le soupçon. Un seul homme fit part de quelques vues sur les moyens de réduire les dominateurs de Paris. Ses idées, transcrites sur un papier non signé, n'appartenaient qu'à lui et n'ont jamais été ni le vœu, ni le fruit, ni le résultat des délibérations du département.

Il est faux que l'administration ait voulu disposer des forces navales.

Le Ministre de la marine avait, mal-à-propos, compris dans l'expédition de la lettre officielle, en annonce du décret sur l'embargo, l'ordre pour les bâtiments du petit cabotage, que le décret ne concernait pas, toutes les autorités civiles et militaires de Brest, se réunirent pour lui faire sentir de quelle importance il était de retenir une multitude de matelots, qu'on aurait peine à nourrir, tandis que ces bâtiments étaient nécessaires pour alimenter l'armée qui, alors, était dans la plus grande pénurie, et manquait de toute espèce de munition. On résolut d'écrire dans ce sens, le département consulté, l'approuva  ;

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sur les entrefaites, le Ministre rectifia lui-même son erreur, on plutôt celle des bureaux, et les Administrateurs sont accusés, pour ce fait, d'avoir voulu disposer des forces navales.

Quant à la prétendue arrestation du citoyen Bouchet, le commandant d'arme à Brest ayant reçu de nouveaux signaux de reconnaissance pour la côte, chargea de cette opération le citoyen Bouchet, sans avertir au préalable, et comme il y était tenu, l'administration supérieure, à laquelle la surveillance des côtes était recommandée. Cet oubli du commandant des armes donna lieu à suspecter, la mission inconnue de Bouchet qui fut conduit au département  ; on écrivit au commandant des armes, et sur sa réponse, cet officier fut entièrement libre de vaquer à son service.

L'administration, d'ailleurs, ne s'étant point permise d'exiger la communication du contenu de ses ordres.

Il n'est pas vrai que le citoyen Sauvée ait été arrêté.

Chargé d'acheter, à n'importe quel prix, des bœufs pour l'armée du Nord, ses opérations dans le district de Carhaix rehaussèrent tellement la cherté des bestiaux, que

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les fournisseurs de la marine se crurent obligés d'interpeller vivement les corps administratifs de terminer cet abus.

Effectivement l'armée des côtes, le camp retranché et l'armée navale, étaient sur le point de manquer. Eût-il été convenable de laisser Sauvée enlever tous les bestiaux du département du Finistère, les conduire en Flandre, à la charge, sans doute, d'envoyer un autre Agent faire, pour les vivres de la marine, une opération semblable dans le département du Nord.

Sauvée n'a point été arrêté, quoiqu'il ait, malgré la loi, commencé ses achats sans l'attache des corps administratifs. Les autorités civiles et militaires de Brest l'ont seulement prié d'aller les continuer plus loin.

On sait aussi qu'à cette époque il se répandait, çà et là, une multitude d'Agents, commissionnés de toutes les manières, pour acheter à tout prix. Le département eût été bien coupable de ne pas voir, à l'égard de Sauvée, comme les autorités de Brest; car, sans leur surveillance, l'armée navale n'aurait pu être alimentée, et telle était l'incohérence des opérations des vivres de la guerre, que tandis qu'elle ordonnait l'achat des bes-

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tiaux auprès de Brest, pour les conduire dans le Nord, l'armée des Côtes se trouvait comme l'armée navale, dans une pénurie absolue.

Qui ne verrait, dans l'accusation, intentée, sur ce fait au département, la volonté manifeste d'assassiner les patriotes ?

L'administration supérieure du Finistère n'a point forcé les employés de la marine à Brest, à faire partie de la garde départementale. Les sections de Brest arrêtèrent que nul des élus  ; et ils l'ont été au scrutin fermé, ne pouvait se faire remplacer. Il n'y avait que les sections de Brest, et non le département qui pussent changer ce mode d'élection.

Il est faux, dans le sens présenté, que l'administration ait arrêté le versement des fonds à la trésorerie. Requise, par le général Canclaux, de lever quatre mille quatre cents hommes pour remplacer, dans leur service, les troupes de lignes tirées du département du Finistère et destinées à marcher contre la Vendée, le département n'ayant point de fonds, se vit obligé de suspendre le versement des caisses de district pour satisfaire à la réquisition. L'accusateur public Verteuil, s'est permis de qualifier de milice départementale, cette levée de quatre mille quatre

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cents hommes. Tel est l'affinité qui existe entre les royalistes et les terroristes, qu'un des crimes imputés au chef de légion de Brest, est l'exécution des ordres du département, en conséquence de la réquisition du général Canclaux.

Il est faux que malgré le décret d'accusation, l'administration se soit maintenue en place. Aussitôt sa réception, les dix-neuf membres, qu'il comprenait, cessèrent toute fonction, et la plupart même s'éloignèrent sur-le-champ du chef-lieu du département. Les autres eussent été coupables, aux termes même de la loi, s'ils se fussent permis d'abandonner leur poste.

Il est faux que l'administration ait voulu soulever les départements contre l'acceptation de la constitution; aucun acte ne le prouve.

L'administration s'était bien permise d'abord de suspendre la communication de l'acte constitutionnel, qui ne lui était alors connue que par les papiers publics et dont l'envoi officiel n'avait pas encore eu lieu. Elle ne tarda pas à revenir sur ses pas, et à envoyer des courriers dans toutes les postes pour retirer la circulaire qu'on lui avait présentée, et la circulaire fut retirée. Il n'y a donc eu ni délit

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administratif, ni délit politique commis de la part du département. Il est faux que l'administration ait désigné Wimphen pour général de la garde départe- mentale. Aucun arrêté, aucune délibération n'a indiqué Wimphen, qui était inconnu dans le Finistère.

Quant à l'invitation faite au général Canclaux de rester à son poste, qu'on se rappelle la manière utile dont il a servi à Brest, dans la Vendée. Le pouvoir exécutif licenciait tous les généraux. Le Finistère voulait écraser la Vendée, il y envoyait des troupes, des poudres, qui ont servi lors du siège de Nantes, le 29 juin. Il offrait soixante-dix tonneaux de seigle. Il était naturel que des Administrateurs, qui connaissaient les talents de Canclaux, manifestassent l'envie commune à tous les volontaires, de le voir demeurer à son poste. Le gouvernement pensait de même puisque son remplacement fut très postérieur à cette époque.

Quant au bataillon de Seine et Oise, dont les opinions passaient pour être très différentes de celles du Finistère, à moins qu'on ne prouve que la guerre civile est un bien, on ne persuadera point que des Administrateurs

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ont été coupables pour désirer l'éloignement d'un bataillon, qu'on avait prévenu contre le pays, et contre lequel le pays était prévenu. Ce bataillon arriva peu de temps après dans le département. Son patriotisme fut connu et apprécié  ; car, pendant son séjour, il y a été accueilli de la manière la plus fraternelle et la plus amicale.

Toutes les autres accusations résultantes de l'organisation de la garde départementale, sont détruites par le décret du 24 mai, qui appelle les bons citoyens au secours de la Convention, par la mention honorable du 8 juin, donnée à l'annonce de l'envoie la garde départementale du Finistère  ; enfin, par les correspondances pressantes et surtout patriotes, des Députés de ce département, et par les attentats de l'ex-municipalité de Paris.

Qu'on jette les yeux sur la proclamation des représentants Sevestre, Merlin, Gillet et Cavagnac, en mission près les côtes de Brest et de l'Orient, ainsi que sur les papiers publics d'alors  ; et qu'on nous dise maintenant si l'administration supérieure du Finistère était coupable.

Au surplus, il sera démontré que le nombre de têtes, tout était calculé, ordonné, avant

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le jugement. Nous ne peindrons pas la tristesse des habitants de Brest, lors de la procédure inouïe qui a fait périr le département, et pendant laquelle on déploya l'appareil de la force armée, avec ces cruelles précautions, si nécessaires aux despotes dès qu'ils ont résolu le massacre des bons Citoyens. Quatre mille hommes de la garnison sous les armes, des piquets partout, démontrèrent assez que les assassins connaissaient l'attachement du Peuple pour des hommes dont la cause avait constamment été la sienne.

Ces malheureux ont marché au supplice avec le calme et le courage qui les avaient distingués pendant leur vie. Ils entonnèrent les quatre premiers vers de l'hymne des Marseillais, suspendirent là leurs chants, et montèrent à l'échafaud avec cette sérénité qui caractérise l'innocence. Ah ! la mémoire de ces vertueux républicains est pour jamais au panthéon de l'opinion.

Citoyens, si la postérité doit nous lire nous pardonnera-t-elle d'avoir daigné confondre les accusateurs de l'administration supérieure du Finistère. Lors même que nous eussions gardé le silence, les vérités publiées sur le septembrisme de la représentation nationale

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à l'époque du 31 mai. Les boucheries d'hommes et d'enfants organisées sur les places publiques, les mille bastilles édifiées sur la terre de la liberté, tous ces faits ne répondent-ils pas victorieusement aux calomnies lancées contre les prétendus fédéralistes. Les départements, indignés avec les patriotes de Paris, des insultes faites à leurs Mandataires demandent pour eux tranquillité et liberté.

La loi du 24 mai appelle tous les bons citoyens au secours de la Convention. Le 8 juin la mention honorable des mesures du Finistère, en exécution de cette loi, est décrétée, aussitôt leur communication au congrès national, puis on met à mort des républicains prononcés et réputés criminels pour des actes revêtus de la sanction de la Convention  ; Enfin l'on proclame que la République, menacée par ceux qui n'avaient cessé de la défendre, est sauvée par ceux, qui naguère conspiraient encore.

Non, Administrateurs du Finistère, vous n'aviez pas besoin d'être justifiés par nous; qu'on lise dans le rapport de Julien de Toulouse, sur les départements fédéralisés, dit-il, "l'article Finistère, l'énumération de vos services, et qu'on» pénètre dans ces con-

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trées où la vénération publique pour votre mémoire, garantit encore le pays des atteintes du fédéralisme, de l'anarchie et du royalisme, tandis que les départements limitrophes ont été victimes de la guerre civile, qui n'a pu pénétrer dans le nôtre, malgré les efforts de la malveillance. Perdus dans le sang et dans les ruines, combien de communes attestent par leurs malheurs, que la journée du 31 mai doit être à jamais célèbre pour les désastres qui en ont été la suite. Oui, il faut la consacrer par une fête, mais par une fête lugubre, qui rappellera sans cesse au Peuple que la liberté consiste à rendre les hommes heureux, le patriotisme à aimer les autres; et que tous les systèmes, dont la politique n'est point basée sur la première vérité, la morale sur la seconde, sont autant de calamité publique.

Affaire de Raby.

L'Accusateur public a eu la scélératesse de lui faire une accusation capitale d'avoir reçu, pendant le spectacle, au théâtre du Marais, un billet ainsi adressé : à Raby, député à la Convention nationale. Il en conclut que ce billet lui étant parvenu au

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théâtre du Marais, c'est qu'il y avait été envoyé :, en qualité d'émissaire, par cette partie de la Convention, désignée alors sous le nom de Marais. Cette allusion, aussi fausse que dérisoire, prouve avec qu'elle perfidie les actes d'accusation étaient rédigés.

Raby, de retour à Brest après le 31 mai, rapporta les évènements de ce jour à la Société populaire. Voici cette partie de son discours, transcrite dans l'acte d'accusation comme preuve de contre-révolution. Plus on la médite, plus on regrette l'intrépide narrateur, qui jaloux de dire la vérité, et quoiqu'environné des poignards de la faction, ne craint pas d'exposer sa tête pour instruire le Peuple.

C'est la minorité qui siège à la montagne, et la grande majorité forme le côté droit. Le côté droit fut d'abord désigné aux huées des tribunes et du Peuple, qui décernaient des applaudissements exclusifs à la Montagne  ; ont tentât ensuite de le chasser du sénat, à force de menaces et de dénonciations. Enfin on lève le masque, et on place trente-quatre Représentants du peuple entre les poignards et l'échafaud.

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Abreuvée d'humiliations, rassasiée d'injures, couverte d'insultes, livrée aux menées et aux menaces, traînée dans la boue enfin, la Convention nationale avait plusieurs fois consumé un temps bien précieux à connaître la source de tant d'attentats;.... la conjuration des 9 et 10 mars, précédée des pillages de la fin de février, avait avortée. Les provocateurs étaient connus loin de les voir tomber sous le glaive des lois : un seul a été accusé devant le tribunal révolutionnaire, il est vrai; mais, enfin, il fut porté en triomphe parmi les Représentants du peuple : c'est Marat.

En parlant d'une députation de la section des Gardes-Française, Raby dit : elle fut interrompue, huée, insultée par les tribunes et la montagne. Celle-ci se porte tout entière devant la barre pour les outrager en face  ; et ils se livrèrent à tels excès que les membres du côté droit furent obligés de quitter aussi leurs places pour faire un rempart de leurs corps aux pétitionnaires. Des sabres avaient été levés sur leurs têtes, des pistolets dirigés vers leurs poitrines. Raby continue son récit : Mercredi 29

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et jeudi 30, Paris fut tranquille, sans doute, » parce que les scélérats étaient réunis dans leurs repaires pour conspirer.

» Vendredi, 31 mai, à trois heures du matin, la générale bat dans tous les quartiers, le tocsin sonne dans toutes les églises.

.....A dix heures le canon d'alarme tire  ; à ce signal part de la maison commune la députation qui devait venir signifier aux Représentants de la nation Française, la volonté du Peuple de Paris.

» Samedi, 1er juin, le rappel bat dans toutes les sections et à sept heures du matin les citoyens sont sous les armes. Une seconde députation de Paris paraît à la barre, et demande le décret d'accusation contre les vingt-deux Députés qu'elle avait dénoncés, et contre les membres de la commission des vingt-un. La Convention invite les pétitionnaires aux honneurs de la séance.

» Dimanche, 2 juin, les mêmes dispositions sont prises avec un caractère, plus effrayant encore les alentours de la Convention sont remplis par les bataillons qui avaient jusqu'alors rivalisé d'exagération. Les canons sont pointés contre le

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Palais-National, et dirigés vers la salle où se réunissent les représentants du Peuple  ; ..... pendant ce temps des officiers municipaux en écharpe, environnés de la force armée, proclamaient, à son de caisse, dans toutes les sections, qu'un décret allait exclure du sénat français les traîtres qui y siégeaient; un tumulte effrayant s'élève à la porte et se proroge dans le sein de la Convention. Des hommes à moustaches occupaient les postes de la garde nationale, et les Représentants du peuple se trouvaient esclaves de la force armée..... La Convention nationale sortit tout entière pour faire disparaitre par sa présence, les baïonnettes. ......

» .....La Convention fut accueillie aux cris de vive la Montagne  ; et, en parcourant les rangs, on lui demande hautement l'arrestation des députés dénoncés.

Le Président, ayant adressé la parole au commandant, et n'en ayant reçu qu'une réponse arrogante, déploya une énergie que la Convention entière devait partager : Hanriot cria aux armes  ; et, dans ce moment de tumulte, des baïonnettes furent dirigées vers le Président de La Conven-

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tion nationale. Treilhard, qui était à ses côtés, se jeta au-devant de lui, et découvrant sa poitrine, il lui fit ainsi un rempart de son corps. Les Représentants du peuple rentrèrent dans le lieu de leur séance y le côté droit s'assit immobile et attendit, dans le silence du désespoir, le résultat de la délibération. Il fut tel qu'on pouvait le prévoir, puisque la montagne seule discutait : le décret d'arrestation fut porté.

Toutes ces horribles machinations sont ourdies par un parti contre-révolutionnaire, qui, profitant des passions mises en mouvement, veut détruire le côté droit par Paris, et ensuite la montagne par les départements. Alors plus de Convention la guerre civile éclate  ; l'anarchie fraye la route à nos ennemis. Citoyens, nous pouvons éviter ces malheurs et tarir la source des maux qui nous déchirent. Serrons-nous autour de nos magistrats, et environnons-les de notre toute puissance..... Concertons-nous avec les départements voisins que tous nos moyens se combinent à un centre commun  ; que toutes nos opérations cadrent entr'elles. .... . . . La majorité de

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Paris gémit sous le joug avec la Convention : marchez à Paris, pour Paris même  ; rendez-lui sa liberté  ; reportez vos Représentants dans le sénat  ; que tous les actes qui pourraient rappeler l'infâme conspiration du 31 mai, soient anéantis, et que les autorités constituées de Paris soient renouvelées.

Il avait vingt-trois ans, ce jeune républicain, moissonné à la fleur de l'âge, chéri à juste titre des Brestois qui lui avaient confié plusieurs missions importantes. Après avoir suivi, servi la révolution, sans jamais dévier, ni transiger avec les principes, devait-il s'attendre à trouver un échafaud pour prix de ses vertus, et des dangers personnels qu'il courut en Suisse au sujet de l'affaire des soldats de Château-vieux, dont Brest l'avait chargé avec le citoyen Gorgi.

Toutes les démarches furent tentées par le Tribunal pour neutraliser son énergie, et effrayer son défenseur : sa perte était irrévocablement arrêtée, parce que son patriotisme était sans tache. Si son éloquence n'a pu lui sauver la vie, son patriotisme à vengé sa mémoire, son courage la rend à jamais recom-

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mandable, et les amis de la liberté l'ont inscrit sur son martyrologe.

Affaire de Toulec, Bronsort et Rideau.

Raby a péri la veille du 31 Mai : il fallait d'autres victimes pour célébrer le 14 Juillet, car à Brest, les fêtes publiques, s'annonçaient par des holocaustes de sang humain. ( 1 )

(1) Le Tribunal a immolé le département, le 3 Prairial. Le 19, veille de la fête à l'Être suprême, pour la mieux célébrer et parce que la vertu était à l'ordre du jour, on libera dix-huit voleurs, dont la plus grande partie fut de suite ramenée dans les prisons pour vols faits pendant la fête. Les deux filles de Mallemanche, administrateur, patriote et estimable, reçurent l'ordre de se trouver à la fête, dont la marche processionnelle était dirigée de manière a passer sur la place réservée à la guillotine. Ainsi ces deux malheureuses foulèrent de leurs pieds, la terre imprégnée du sang de leur pére. Le Tribunal qui célébrait les fêtes par des holocaustes de sang humain, a donc eu le plaisir de forcer le maire, beau-frère de Toulec, assassiné le 11 Juillet, oncle de Belval, assassiné le 8 Août, à venir lui-même à la tête des magistrats du Peuple, abjurer la nature, pour échapper à la terreur. Toulec eut le courage de tenir le flambeau, tandis qu'on massacrait ses deux camarades. Le bourreau voulant égaler cette intrépidité par sa barbarie eut l'attention de lui laisser tomber trois fois le mouton sur le col, ainsi qu'a avait déjà pratiqué pour d'autres.

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Brousort, Toulec et Rideau, ont donc été immolés le 13 juillet, et malgré les formes de la justice, qui n'établissent point qu'on peut prononcer un jugement après dîné, il était essentiel de les dépêcher, que les malheureux furent exécutés à la lueur des flambeaux.

Ils ont été accusés de propos aussi absurdes que faux, d'avoir été les meneurs de la société populaire. L'un des grands délits de cette société, était la sanction donnée à la courageuse dénonciation de Louvet contre Robespierre.

Bronsort a été mis hors la loi et des débats, pour quelques observations au sujet de ceux de ses témoins que le président renvoyait, après leur avoir demandé s'ils avaient accepté la Constitution.

Toulec fut à chaque minute interrompu par le président.

Rideau interdit, ne lut pas le quart de sa défense, aucun des juges et jurés n'a pris la parole pour le faire continuer, il ont condamné ce vertueux patriote avec ses deux camarades, républicains purs et prononcés.

Le détail de cette procédure offre tout à-la-fois, la mise hors la loi et des débats, d'un prévenu, faux témoignages, insulte aux accusés et renvoi de leurs témoins.

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Affaire de Belval

En conséquence des principes du Tribunal, le sang Brestois devait couler aux approches du 10 Août. Le 19 Thermidor Bolval fut assassiné par des juges sans pouvoirs, puisque la suspension du Tribunal de Paris avait été décrétée le 11, et qui le traduisait à leur barre avec trois autres prévenus d'après la loi du 22 Prairial rapportée dans la séance du 14.

Des cinq chefs d'accusation énoncés contre Belval, le premier se rapporte à ses opinions sur le 31 Mai, et les change ou les altère.

Par le second, on lui impute d'avoir prêché la rébellion à l'armée navale, dans une adresse qui fut approuvée et imprimée par ordre des Représentons Bréard et Tnéhouart  ; ils écrivirent même au comité de salut public, une lettre très avantageuse sur le compte de Belval mais son dénonciateur, qui fut aussi témoin, étant un ex-caporal de marine, arrêté pour cause de révolte, il n'est pas étonnant que Belval ait succombé.

Les trois autres chefs d'accusation se rapportent aux facilités qu'il a pu donner à divers députés mis lors la loi, pour abandonner le

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Finistère. Cette action est suffisamment jugée par Je décret de la Convention relatif aux mis hors la loi qui défend de les inquiéter ou de les poursuivre.

Affaire de la Citoyenne Forsan.

Cette jeune fille, dont le cadavre a servi à la lubricité des juges, acquittée sur tous les faits de son acte d'accusation  ; d'après la déposition d'un ex-prêtre, intervenu dans les débats, pour un propos non spécifié, a été condamnée à la peine de mort. On prétend que c'est pour avoir mérité à force de vertu la haine de cet homme vindicatif.

Affaire des Citoyens Cadiou et Morvan.

Ils ont été condamnés à dix ans de fers pour un fait qui n'était point de la compétence du Tribunal révolutionnaire : on les accusait d'avoir sursis à l'exécution des ordres du Représentant Jeanbon-Saint-André, portant de ne point troubler la tranquillité du citoyen Duhamel, Cadiou et Morvau, qui sont encore aux galères, ont matériellement démontré qu'ils n'avaient pas perdu une seule minute pour obtempérer aux ordres du Représentant.

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Affaire des Citoyens Prigent, Ives l'ainé, et de la Citoyenne Louise Gelabart.

Les deux premiers ont condamnés à six ans de fers, la troisième à six années de réclusion, pour une affaire qui avait été terminée par les Représentant du Peuple, mais que la haine du dénonciateur a ressuscitée. Il s'agissait d'un jugement rendu par la justice de Saint Renand, sur la dénonciation d'un homme qui prétendait qu'Yves l'aîné était un accapareur  ; faute de preuves le juge de paix Prigent et ses assesseurs, condamnèrent le dénonciateur aux frais. Prigent arrêté et destitué, fut libéré et réintégré par les Représentants du Peuple, mais le Tribunal n'a pas tenu compte de cette décision.

Citoyens, il nous est impossible de citer toutes les injustices, toutes les atrocités du Tribunal révolutionnaire de Brest, la dans [??]majeure partie de ses actes. Nous renvoyons aux pièces et aux déclarations.

Résumé

Citoyens, nous venons de remplir notre tâche et de mettre les comités de sûreté géné-

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rale et de législation, à même de traduire sans hésiter aux, tribunaux, compétents, les oppresseurs des Brestois. Il est bien démontré que ce Tribunal appartenait à la faction de Robespierre  ; que les administrateurs du Finistère ont été immolés ainsi que d'autres citoyens, à l'égard desquels toutes les familles n'ont pas eu le temps de nous faire passer de renseignements. Tout ce qui caractérise les plus odieuses prévarications, se trouve ici réuni  ; séduction de témoins, menaces à ceux qui parleraient en faveur des prévenus, interdiction à l'accusé sur sa défense, mise hors la loi et des débats de Bronsort, accusations perfides, procédures illégales, condamnations injustes , projet de faire, massacrer les prisonniers, cruautés inouïes commises à leur égard, vols, dilapidations, agiotage, tout enfin dépose contre ces bourreaux travestis en juges ?

S'il existe des hommes pour qui le meurtre, de l'innocence soit un délit excusable, comment justifieront-ils le Tribunal de Brest, qui le 19 Thermidor, sans pouvoirs et sans délégation, malgré la suspension du Tribunal révolutionnaire de Paris, décrétée le 11, juge quatre accusés, dont un à mort, tous traduits à sa barre, en vertu de la loi du 22 Prairial,

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rapportée le 14 Thermidor, et dont le rapport était déjà notoire le 19, puisque les juges annoncèrent une demie heure après le supplice de Bolval, aux officiers de la Carmagnole, détenus, que la loi du 22 Prairial ne subsistant plus, ils pouvaient choisir un conseil officieux. Or on sait qu'il n'arriva aucun courrier dans l'intervalle de la demi-heure.

Quel motif pourra excuser la rébellion de ces mêmes juges qui toujours sans pouvoirs et sans délégation ont condamnés à la déportation le 24 Thermidor.

Personne ne peut éviter de voir qu'on a donné au Président Ragmey, ami intime de Dumas, juge, ainsi que Verteuil, du Tribunal révolutionnaire de Paris, avant et après la loi du 22 Prairial, le temps nécessaire pour supprimer dans ses papiers, lors de son arrestation, ce qui lui semblerait convenable. Personne n'ignore que le Tribunal a brûlé, depuis le 9 Thermidor, une immense quantité de papiers, et que les propos de ses membres contre les évènements de ce jour, ont tellement révolté, qu'ils ont été chassés de la société populaire avant, même son épuration. Fabrication de conspirations, jugements faits d'avance, connivence des juges et jurés,

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assassinats, dilapidations, vols, agiotage protection à l'aristocratie, rébellion formelle contre la Convention nationale, tels sont les crimes dont nous accusons les juges de l'ex-Tribunal révolutionnaire de Brest.

Observations générales.

Citoyens, si de semblables attentats restaient impunis, la liberté fuirait pour jamais une contrée, où la vertu n'aurait qu'un triomphe éphémère. Malheur à quiconque protège ceux qui ont versé le sang des patriotes.

Qu'une fausse pitié n'arrête point le cours des lois : la France deviendra tout-à-l'heure la proie des brigands  ; si l'impunité leur est accordée. Croit-on que nos frères d'armes retiendront leur juste courroux quand, après avoir vaincu les cohortes des rois ils verront libres et peut-être élevés aux premières places, les meurtriers de leurs familles. Ces intrépides défenseurs se borneront-ils à répandre des larmes stériles, et les cyprès de la vengeance ne succéderont-ils pas aux lauriers de la victoire ? non, si le glaive de la loi s'émousse sur la tête des cannibales, celui de l'indignation publique ne resteras suspendu. Législateurs ! évitez le piège que l'intrigue réserve à votre franchise.

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Des politiques fourbes ou trompés, vous crieront : prenez-y-garde, il y a réaction, ce sont des haines particulières. Vous pèserez ces maximes que la pusillanimité enfante, ou que la perfidie prépare  ; vous vous souviendrez surtout que l'abîme est là pour nous engloutir si nous ne savons y précipiter ceux qui l'ont creusé. Les juges-bourreaux que nous signalons, sont coupables ou nous sommes calomniateurs. Assassins, il faut qu'ils périssent  ; calomniés, ils peuvent nous poursuivre, et la justice nous substituera à leur place.

Bien différent du midi, qui repose sur un volcan, tranquille et soumis aux lois, le Finistère sait maintenir et faire aimer la République. Là, dans ce département que les Anglais et les terroristes n'ont pu soulever le calme du tempérament répond à l'énergie du caractère. Mais l'équilibre serait infailliblement rompu, si les égorgeurs n'étaient punis : l'exécration publique rassemblée sur la tête de ces odieux agents, envelopperait bientôt, dans une proscription terrible, eux, et leurs complices. Retenus par le respect pour la Convention Nationale, les Brestois ne se persuadent point, que des intérêts particuliers,

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un crédit illicite, ou une intrigue coupable puissent soustraire à l'examen de la justice, ceux qui l'ont si cruellement violée. Qu'on cesse d'affirmer que la conduite du président Ragmey a été scrutée : mis en liberté avec ses collègues Pallis et Lebars, peu avant notre apparition à la barre, on doit présumer que les pièces importantes adressées sur le compte du Tribunal par les Représentants du Peuple Faure et Trehouart, et déjà parvenues à cette époque au comité de sûreté générale, n'ont point été vues ou n'ont point été lues.

Législateurs ! depuis le 9 Thermidor on parle sans cesse de grands forfaits, on en découvre tous les jours de nouveaux. Carrier, Grand-Maison et Pinard sont les seuls qui aient succombé, et l'impunité de leurs partisans, les enhardit à un tel point, que le midi en est ébranlé, et que dans le Finistère ils ont l'audace d'indiquer le jour de leur triomphe, c'est-à-dire, celui où la torche et le fer moissonneront les villes et les citoyens.

Il est indispensable de châtier les puissantes corporations qui oublient que l'arbitraire est un délit capital. Sans leur despotisme la Vendée n'eut jamais existé, ou serait unie depuis longtemps. Nous ne vous le dissimulons point,

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la sûreté du département du Finistère tient à la punition du tribunal, car si la faction de Robespierre reprenait le dessus l'aristocratie serait victorieuse avec elle.

Considérez aussi la pénible situation des veuves et des orphelins des patriotes immolés. a République, en prenant le bien si modique de leurs pères, prend du moins l'engagement de les venger. Vous sentirez un jour que l'hypothèque de la fortune publique, n'avait pas besoin pour sa garantie, de cette partie provenant des rapines et du meurtre  ; que les biens nationaux, domaniaux, des émigrés et des traîtres avérés, étaient un gage plus que suffisant et au delà du nécessaire pour la révolution. Vous avez déjà reconnu combien l'agriculture avait souffert en déclarant l'urgence du partage des biens, où la nation, doit être représentée, afin de rendre à l'industrie, la terre stérilisée à grands frais, par le fait des gestions administratives. Publions, pour ces êtres inhabiles qui ne voient dans les mesures politiques qu'incarcération et confiscation que le gouvernement est fait pour le Peuple, non le Peuple pour le gouvernement, la trésorerie pour la révolution, et non la révolution pour la trésorerie Nationale.

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S'il est vrai que le courroux d'une grande nation s'arrête difficilement aux limites qu'on prétend'lui assigner : le plus sûr moyen de le contenir est d'observer les règles de l'exacte justice. Que la Convention nationale sévisse contre ses oppresseurs, chacun applaudira; mais sa colère se bornera-t-elle à frapper ceux qui l'ont avili sous ses propres yeux, et les monstres qui ont mis le Peuple Français en coupe, à Paris et dans les départements seront-ils épargnés ? Nous appelons à la barre des tribunaux, les agents suprêmes de la tyrannie sommes-nous assez dupes pour croire à la pureté des intentions de leurs principaux satellites, ou assez lâches pour n'oser les punir.

Mandataires ! vous avez juré de poursuivre les complices des triumvirs. Reconnaissez les aux cris de l'indignation du Peuple, lui dont la politique, qui déjouera toutes les politiques, est de vaincre aux frontières et de se rallier éternellement à la représentation nationale, vous saurez enlacer tous les vils intrigants  ; mais pour arriver à ce résultat, il faut plus que des principes, il faut agir. Songez-y bien : les scélérats n'ont jamais décrété, la tranquillité des bons citoyens  ;

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ayons donc l'esprit de discerner, si dans notre position actuelle, un excès d'indulgence ne nous conduirait pas aux plus grands maux. Est-ce bien dans l'ordre révolutionnaire qu'il est permis, d'abjurer la défiance ? En révolution, on ne pardonne guères à un ennemi personnel, qui aujourd'hui traîné dans la boue, peut demain avoir pour lui les vents, et les étoiles. Pourquoi le sang des Français coule-t-il sur nos frontières ? pourquoi a-t-il coulé le 14 juillet, le 10 août? Pour conquérir la liberté.

Voulez-vous désespérer les puissances étrangères qui ont résolu de s'immiscer dans notre gouvernement, faire reconnaître par elles la République, assurer la félicité nationale, ravir tout espoir aux émigrés, abattre le terrorisme par les choses et non par les personnes, goûtons enfin le bonheur d'un gouvernement entièrement républicain y hâtons-nous donc de rendre au néant ces traîtres, dont la punition recule le moment où nous pourrons tirer l'acte constitutionnel du panthéon de l'opinion, pour en faire jouir le Peuple. La France, sous le gouvernement révolutionnaire, n'a que trop ressemblée à un vaisseau sans mature; il est temps de gréer le navire

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et d'orienter les voiles, si l'on vise à gagner le port.

Quel est donc le four où les Français et formeront plus qu'un peuple de frères, où les vengeances finiront, où l'échafaud n'effraiera plus l'homme de bien ? ce sera celui où la sagesse et la fixité de nos lois garantiront à chacun sa sûreté et sa propriété.

Oui, lorsque les amis de Tarquin et de César auront expié leurs forfaits, lorsque nous aurons prêté sur leur tombe, le serment sacré de vivre libres ou de mourir, la constitution deviendra le gage de la gloire et de la splendeur de la Patrie. Si quelques ambitieux avides du pouvoir suprême, tentent, par des phrases artificieuses, ou par une amalgame sacrilège de la langue républicaine et du vocabulaire des dictateurs, de donner un vernis démocratique à un code liberticide, ils seront repoussés par ce cri unanime des Français : la liberté ou la mort.

Citoyens représentants

Délégués par une Commune célèbre dans les annales de la révolution, pour appeler la sévérité des lois sur la tête de ses infâmes

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assassins, nous vous demandons justice au nom des maux de la Patrie, des parents immolés, dont les veuves et les orphelins sont sans pain, tandis que leurs bourreaux vivent dans le faste et du fruit de leurs rapines  ; nous vous demandons justice au nom de Brest, dont on ne voulait faire qu'un vaste Bagne, de Brest qui, dans tous les temps, a maintenu la République, nous vous demandons justice au nom du Peuple à qui vous n'avez pas promis en vain de cicatriser les sanglantes plaies du régime de la terreur; au nom enfin de l'humanité et de l'exécration que nos concitoyens ont vouée aux bourreaux des patriotes.

A Paris, le 20 Pluviôse, l'an troisième de la République française, une et indivisible.

" Les députés extraordinaire de la Commune de Brest près la Convention nationale et les Sections de Paris, AMABLE, CASTELNAU, TROUILLE, BERGEVIN, et BABIN l'aîné.

(1) Maison des forçats.

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TABLEAU des preuves écrites, et désignation des témoins principaux à entendre.



Faux et perfidies dans la rédaction des actes d'accusation.

Lire,

Les actes d'accusation des administrateurs du département du Finistère (n°. 86); du district de Launion, de Raby (n°. 87), Moviel, Toullec, Rideau ( n° 88), Bronsort, Sivinian, Belval, Kléan père et fils, Gabriel et Alain Gourhan, Prigent, de tous ceux enfin qui ont été jugés; lire la déclaration du citoyen Courcelle ( n°. 74); l'adresse imprimée de Belval (n°. 76); la proclamation des Représentants Sevestre & Cavaignac (n°. 60); le décret du 24 Mai 1793  ; la mention honorable du 8 Juin, sur l'annonce de l'envoi d'une force départementale  ; le tableau des lettres reçues par l'administration supérieure  ; les décrets qui ont statué en Pluviôse, deuxième année, que le fédéralisme n'était pas crime de la compétence

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des tribunaux révolutionnaires. Lire d'ailleurs toutes les pièces qui ont servi de bases aux actes d'accusation.

Entendre,

Toute la Commune de Brest s'il le faut  ; les citoyens des Communes où résidaient les patriotes victimes.

Violation des Lois relatives à l'instruction des procès  ; Despotisme des Juges et de la partie publique pendant les séances du Tribunal.

Lire,

La lettre du citoyen Rieumes ( n°. 2 ); la declaration du citoyen Queru ( n°. 3 ), Dagorne (n°. 27), Riou ( n° 56 ), Renaud ( n°. 23 ), Dutroulhau ( n°. 50 ), Hériez ( n°. 31 ), Creuset ( n° 3o ), Guillois (n° 47), Guerrin ( n°. 48 ), Lorléach ( n° 52 ).

Entendre,

Les citoyens Caveillier, Aumaître, Guevel Chiron, Lehir fils, Pain, Riou tous-conseils-officieux près l'ex-tribunal  ; les citoyens Veller aîné, Lepage, Guillaume Salaun, Thomas Lemonier,

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Antoine Levincent, Rébillard, les gendarmes de service & tous les habitants de Brest qui ont assisté aux jugements.

Mépris pour les Décrets de la Convention Nationale.

Lire,

La dénonciation civique de Rofin, article 1er . 3, 8, 12, 27, 34; les arrêtés des Représentants du Peuple Faure & Trehouard, au sujet de Bauvacher, capitaine de vaisseau ( n°. 60 ) \ Poussart, matelot (n°. 61 )  ; le mémoire imprimé d'Emond ( n°. 84 )  ; la grande majorité des jugements rendus, notamment ceux de Jezequel » de la citoyenne Kju, des citoyens Belval, Thomas , Prigent, Cadiou & Morvant, etc ... Lire l'ordre de l'accusateur public au sujet de Dagorne, adressé à la Convention nationale ( n°. 65 )

Entendre,

Les citoyens Pain, Gaude, Adam, Queru, le concierge de la maison d'arrêt, les membres des autorités constitués de Brest, les gendarmes de service, & les défenseurs-officieux susdénommés.

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Notoriété des Jugements avant l'instruction des Procès  ; Connivence des Juges avec les Jurés  ; Préparation des supplices avant le prononcé du Jury.

Lire,

La déclaration du citoyen Queru ( n°. 3 ); le projet du jugement de Binard, écrit de la main d'un des juges ( n°. 12 ); la déclaration de Dagorne ( n ° 37 ); celle de Pain (n°. 36)  ; la dénonciation civique de Rotin, souscrite article 32, par Rebillard; la déclaration du citoyen Creuzet ( n°. 30), celle de Poulain ( n°. 49 ), celles des citoyens Waller ( n°. 37), Daniel ( n° 54 ); la dénonciation de Rofin, article 16, 26, 29; la déclaration de Ducret ( n°. 41 )  ; la note de Bianda ( n°. 17); la déclaration de Petit ( n°. 43 ).

Entendre,

Les citoyens Dandin, Riou, Lejemble, Durand, Tulpin, les trois jurés destitués, Biot, Mazeas & Allegeot, Feburier fils de Landernau, deux soldats de l'armée révolutionnaire nommés l'Allemand & France; le concierge de la maison d'arrêt, les gendarmes de service & tous les citoyens de Brest, sur le fait de la préparation des supplices.

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Témoins & dénonciateurs gagés par le Tribunal, même parmi les forçats.

Lire, L'arrêté des Représentants du Peuple à Brest, de Nivôse dernier (n°. 58 ); le mémoire imprimé d'Emond ( n°. 84); l'arrêté des Représentants du Peuple à Brest, du 4 Frimaire ( n°. 57 ); la déclaration du citoyen Renaud ( n°, 23 ), du citoyen Guillois (n°. 47 ), du citoyen Buin ( n°. 44 ), de Ducrez ( n°. 41 ), de Blanchard ( n°. 39 ). Lire la déclaration d'une infinité de marins, invités et menacés par deux juges, afin de les faire dénoncer leurs officiers ( n°. 11 )  ; la lettre adressée au citoyen Thomas, capitaine de vaisseau ( n°. 22 ); la déclaration du citoyen Rohan (n°. 77).

Entendre,

Jean Renaud, Simon Marie, Nicolas Olivier. Pierre Durand, François David, Fréchon, Lepage, Reston, Desventy, Jamin, Vincent, Carpentier, Beauce, Charles Loison, Pierre Chesnel, tous marins  ; les citoyens Prevot, Mayol, Landry, Porchet, Guérou, tous officiers de marine; les

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citoyens Rebillard, Vincent Cornu, Branda, Garnier et Neubourg.

Tyrannie envers les accusés, tant au Tribunal qu'au moment de leur exécution.

Lire,

La lettre du citoyen Rieumes ( n°. 2 )  ; la déclaration de Renaud ( n°. 19 ), celle de Dagorne ( n°. 27 ) l'article 18 de la dénonciation civique de Rofin  ; la déclaration du citoyen Queru ( n°. 3 ).

Entendre,

Les conseils-officieux susnommés; les musiciens des différents bataillons qui étaient à Brest lors de l'exécution du département; les autorités constituées, la gendarmerie de service, et tous les citoyens de Brest, assez malheureux pour avoir pu être témoins des massacres du tribunal.

Pollutions exercées sur le cadavre de la jeune Citoyenne Forsan immédiatement après son exécution.

Lire,

La déclaration de Riou, juge au tribunal du

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district ( n°. 56 )  ; celles des citoyens Bonnot et Deschamps officiers de santé ( n°. 5 ).

Entendre,

Les citoyens Duret, chirurgien -démonstrateur de la marine; Montenot et Boelle, officiers municipaux, et les élèves chirurgiens qui étaient présents.

Fracture de scellés et enlèvement de papiers.

Lire,

Les extraits des procès-verbaux rapportés par la commission, chargée de la vérification des papiers du tribunal révolutionnaire» en date des 27 et 28 Brumaire dernier (n°. 71 )  ; le mémoire imprimé du citoyen Adam (n°. 82); la lettre de Rieumes ( n°. 2 )  ; la déclaration de Ducret (n°.41).

Vexations faites aux détenus et tentatives pour les provoquer à l'insurrection, même après la Révolution du 9 Thermidor.

Lire,

L'ordre signé Verteuil (n°. 18); la déclaration

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du citoyen P. A. Petit ( n°. 45 )  ; lire les mémoires des citoyens Adam, Redon, Neubourg, Dagorne, Kerguelen, Thomas, Bernard, Emond  ; les déclarations faites à la municipalité sur l'invitation de cette dernière; compulser les registres de la geôle, les consignes données au citoyen Potel, adjudant-major de la place.

Entendre,

Les citoyens Berthome, Maire  ; Legrand et Duché; Giroux, Représentant du Peuple; Malaizé, le concierge de la maison d'arrêt, Tonneau, sa femme, son fils; les citoyens Génouin, Bedor, Billard  ; Pichon, la Municipalité, le citoyen Letellier, et en général tous les citoyens de Brest.

Vols, rapines, dilapidations, agiotage, refus de payer les témoins à décharge, déplacés par les procédures.

Lire,

La lettre du citoyen Rieumes (n°. 2 et 55 )  ; la déclaration du citoyen Laruffi ( n°. 34 )  ; la lettre

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de Joseph Fachol ( n°. 38 bis); la déclaration de Ducret ( n°. 41 et 38 )  ; celle de Queru (n°. 3); la note de Branda ( n°. 17); la note du mémoire d'Adam ( n°. 82 )  ; la déclaration de Larochette, article 25 de la dénonciation civique de Rofin  ; la déclaration d'Olivier Queru de Lannion ( n°. 10 ). Compulser les registres du magasin général du port, et ceux concernant les prises; voir le compte que le tribunal a dû rendre de la riche caisse qui était à sa disposition, et de la confiscation des effets des condamnés qu'il a exercé par lui-même.

Entendre,

Les citoyens Corveisier, Paquin, Lasalle et Poulhard  ; les citoyens chargés de la commission des prises, les administrateurs du magasin général du port, le citoyen Caveilier, chef d'administration  ; les agriculteurs de la Commune de Guipara, quartier ci-devant Saint-Nicolas.

Fabrication de Conspirations

Lire,

L'arrêté des Représentants au sujet des Sous-comités Jouve, Marquet, Lenoir, ensemble la procédure instruite d'après la déposition d'un forçat anglais d'origine; la lettre du juge Lebars

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aux Jacobins, en date du 6 Fructidor ( 1 )  ; celle du juge Palis, insérée dans le journal de la Montagne, et déclarée calomnieuse par les Représentants Faure et Tréhouar.

Entendre,

Tous les citoyens de la ville de Brest sur les propos perpétuels de l'accusateur public, juges et jurés, contre tous les prévenus dans les affaires dites de Toulon et de Quiberon, libérés provisoirement par décret, et que le tribunal voulait faire envisager comme étant tous de grands conspirateurs.

Protection à l'aristocratie.

Lire,

La déclaration d'Heriez au sujet de Verteuil (n° 32 )  ; la déclaration de Rieumes au sujet de Bonnet (n°2 et 55).

Entendre,

Les agriculteurs, artisans et matelots, qu'au, mépris de plusieurs décrets, le tribunal a laissé pourrir en arrestation.

(1) Lebars dans cette lettre déposée au comité de Sûreté générale, calomnie d'une manière atroce les habitants de Brest, à l'instant même ou l'on recueillait une souscription de 120,000 livres pour la construction d'un vaisseau.

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Immoralité des Membres du Tribunal. Manoeuvres pour extorquer des certificats, et soustraire la Correspondance du Président Ragmey  ; Brûlement d'une immense quantité de papiers du Tribunal depuis le 9 Thermidor (1).

Lire,

La déclaration de Durand ( n°. 13 ), de Rochette et Queru (n° 16); la lettre de Rieumes (n°.2 et 55); la récusation de Leguen contre Pasquier, juge ( n°. 35 )  ; la déclaration de Ducrez ( n°. 41 ), celle du citoyen Morrier ( n°. 68 ), l'extrait des registres du comité révolutionnaire du Brest, des 14 et 15 Fructidor ( n° 66 et 67 )  ; la déclaration du citoyen Pousielgue (n° 70); les procès-verbaux rapportés par Palis et Bonnet sans greffier et faisant charte privée des matelots détenus au fort la Loi. Lire la lettre des Représentants Viller et Desrue, insérée dans le Moniteur du 6 Pluviôse;

les notes cotées g, h et i du mémoire d'Adam

(1) Il est de notoriété publique, qu'après la révolution du 9 Thermidor, le quartier où était situé le greffe du Tribunal, à été infecté pendant plusieurs jours de la fumée provenant du brûlis de ses papiers  ; et que d'autre part, le Tribunal changeait et refaisait ses registres: Que de renseignemens précieux eut découvert une surveillance exercée à temps !

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(n° 82 ); les déclarations du citoyen Prouhet ( n° 14 et 15 ); l'extrait de la déclaration des citoyens de Brest ( n°. 72 ); autre extrait de la justice de paix ( n°. 73 ).

Entendre,

Le Représentant Garnier de l'Aube, et la députation du Jura sur Ragmey  ; le citoyen Saint-Esprit, les autorités constituées et les gendarmes de service.

Connivence  ; correspondance & affinité avec Robespierre, Couthon et autres.

Lire,

La loi du 22 Prairial qui conserve juges au tribunal révolutionnaire de Paris, Ragmey et Verteuil  ; la déclaration du citoyen Queru (n°. 3 )  ; la déclaration de Riou (n°. 56); les arrêtés des Représentants du Peuple concernant Nouvel et Colin (n° 58 et 59)  ; compulser les registres de la messagerie et du roulage à Brest.

Entendre,

Le directeur de la messagerie à Brest, celui du roulage, et Fabricius, greffier du tribunal révolutionnaire de Paris.

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Rébellion formelle contre la Convention Nationale.

Lire,

Les jugements à mort des 16 et 19 Thermidor, ceux des 20 et 24; les interrogats et les actes du parquet jusqu'à la fin de Fructidor.

PIECES ET EXTRAITS DE QUELQUES UNES DES PIECES AU SOUTIEN DE LA DÉNONCIATION. (1)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, LIBERTÉ, ÉGALITÉ,
UNITÉ, INDIVISIBILITÉ de la RÉPUBLIQUE. (2)

Nous, Représentants du Peuple, envoyés près l'armée des Côtes de Brest, extraordinairement

(1) Les quatre-vingt-seize pièces remises au Comité de Sûreté générale, au soutien de la présente dénonciation formant un volume trop confidérable pour être imprimées on s'est restraint ici au moindre nombre possible.
(2) On doit s'étonner que le tribunal n'est pas poursuivi et immolé ainsi que Raby et les administrateurs des mandataires qui osaient dire la vérité sur les journées des 31 Mai, premier et 2 Juin.

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réunis à l'Orient pour aviser aux mesures à prendre dans l'état actuel où se trouvent les départements que cette armée est destinée à défendre. Considérant que nous serions les mandataires les plus infidèles et les plus coupables, si nous laissions ignorer à la Convention nationale les maux dont la France est menacée par l'effet désastreux qu'ont produit dans cette partie de la République, les journées des 31 Mai, premier et 2 Juin. Qu'il faut enfin qu'elle sache toute la vérité  ; qu'elle l'apprenne de la bouche de ceux-là même qui, associés à ses travaux, doivent aussi partager sa gloire et sa honte. Arrêtons que Sévestre, l'un de nous, se rendra de suite auprès de la Convention nationale; qu'il lui dira, en notre nom, et pour le salut de la République, que le mécontentement est général dans tous les départements ci-dessus  ; que ce mécontentement a été provoqué par les excès auxquels on s'est porté contre la Convention nationale, dans les journées des 31 Mai, premier et 2 Juin  ; par la faiblesse qu'elle a montrée en accédant au vœu d'hommes armés, qui, entourant le lieu de ses séances, lui ont dicté des lois. Que l'indignation publique s'est accrue 9 lors surtout qu'on a vu Marat, désignant parmi ses victimes celles qu'il croyait dignes de sa clémence,

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et la Convention nationale déférant a ses propositions  ; lorsqu'on a vu le même député, accusé d'avoir demandé un chef, ne se justifier de cette inculpation, qu'en alléguant que le chef dont il avait parlé ne devait être qu'un guide pour diriger le Peuple dans son insurrection.

Que la confiance du Peuple dans la Convention est étrangement affaiblie; qu'on révoque en doute si les décrets qu'elle a rendu depuis le premier Juin, sont obligatoires  ; qu'on refuse dans quelques départements, de les publier; que les Représentants qu'elle a envoyé, éprouvent en plusieurs endroits, les dégoûts d'une injuste défiance; que dans le département du Finistère, leur liberté a été hautement menacée et leur autorité presque méconnue;

Que la Commune de Paris excite aussi de vives alarmes; qu'on croit voir dans ses arrêtés, dans sa marche, le projet insensé de s'ériger en Commune dominatrice; que pour lui en ravir l'espoir si elle l'a conçu, on s'arme de toute part;

Qu'il paraît que la rénovation de la Convention est résolue si elle ne décrète bientôt une constitution républicaine, et si elle demeure plus longtemps dans l'oppression, où on croit qu'elle est encore.

Chargeons Sévestre de déclarer à la Convention nationale, que nous sommes déterminés à rester

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inébranlables au poste où elle nous a envoyé  ; mais que si elle ne prend pas incessamment des mesures pour rétablir la confiance qui lui est nécessaire pour sauver la République, notre présence dans ces lieux ne pourrait que compromettre le caractère dont nous sommes revêtus, et la souveraineté du Peuple.

Fait à l'Orient, le 14 Juin 1793 l'an second de la, République Française. Signé, SEVESTRE, Merlin, Gilet et Cavaignac.

Nous, Représentants du Peuple  ; envoyés par les décrets de la Convention nationale, des 30 Avril et 10 Mai derniers, près l'armée des Côtes de Brest.

Vu notre arrêté du 14 de ce mois  ;

Informés que la liberté de notre collègue Sévestre parti de l'Orient le 15 de ce mois, en vertu de cet arrêté, pour se rendre â Paris, est exposée et peut être compromise sur sa route  ;

Considérant que cet événement, s'il se réalisait, intercepterait à la Convention nationale, la connaissance des grandes vérités qui sont consignée ? dans notre arrêté du 14 de ce mois, et qu'il lui importe d'apprendre pour sauver la République, Arrêtons: que notre arrêté du 14 de ce mois, sera imprimé, et invitons tous les bons citoyens

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à en faire parvenir des exemplaires à la Convention nationale.

Fait à l'Orient le 17 Juin 1793, l'an second de la République Française. Signé, MERLIN Gilet et Cavaignac.

N°. 57

Brest, le 4 frimaire, an troisième de la République, une et indivisible.

Les Représentants du Peuple près les ports et les côtes de Brest et de l'Orient. ? . . Vu la réclamation faite aux noms de Jouve, Marquet et Lenoir, sous-comes et argousins du Bagne, détenus d'après des dénonciations de forçats  ;

Considérant que dans cette procédure monstrueuse où la perfidie a cherché à allier l'affaire de Quiberon avec un projet mensonger de contre-révolution à Brest, plutôt pour détruire l'armée navale et anéantir le premier port de la République que pour connaitre les véritables agents du crime, qui ne pouvaient échapper aux justes châtiments dus à leurs forfaits, qu'en faisant conduire à l'échafaud nombre de familles plébéiennes, et en substituant d'autres à leur place dans le bagne, et réduisant enfin le reste au désespoir.

Considérant que dans cet échafaudage de mensonges, plus absurdes les uns que les autres, tous

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présentés par des hommes qui ne peuvent être reçus ni en justice, ni en témoignage contre leurs gardiens, qu'ils ne sont même pas d'accord sur les faits, les lieux, mais surtout sur les moyens. L'un promet de procurer trente mille fusils et autant de sabres et pistolets qui sont dans la forêt de Montmorency, et une grande quantité d'or et d'argent, cachée dans une cour de Chantilly; dénonce de bons citoyens comme les agents de Pitt et des émigrés  ; annonce qu'il a dépensé quarante mille livres pour se procurer sa liberté, et qu'il peut encore disposer de deux cents mille livres; parle d'un projet de livrer la flotte et le port de Brest aux Anglais. Un autre, le plus scélérat de tous, annonce d'abord qu'il y a eu un rassemblement d'armes au Bagne; tantôt il le présente comme un moyen d'égorger les forçats, et ensuite comme devant servir à s'emparer des forts et surtout ceux de l'entrée du Goulet, afin de réduire l'armée navale  ; il finit par proposer un acte d'accusation qui est joint aux pièces et qui parait avoir motivé toutes les calomnies répandues sur cette Commune intéressante.

Considérant enfin, que des dépositions de ce genre, faites par des hommes reconnus coupables par la loi, ne doivent inspirer aucune confiance, surtout lorsqu'elles sont aussi exagérées, aussi contradictoires, et qu'elles portent le caractère de la récrimination.

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Arrêtent :

Que les citoyens Jouve, Marquet et Lenoîr, seront sur-le-champ mis en liberté. Signe. FAURE et Tréhouard.

No. 58

Les Représentons du Peuple....

Considérant enfin, que Colin ( sous-commandant temporaire du cinquième arrondissement des côtes ) par la conduite qu'il a tenu précédemment ne s'est pas montré l'ami de la justice et de la tranquillité  ; qu'il a été un des calomniateurs à gage de cette Commune intéressante (Brest), ainsi qu'il est constaté par les pièces originales signées de lui, que nous avons en mains,

Arrêtent : (le sous commandant temporaire du cinquième arrondissement des côtes ) sera maintenu en arrestation. Signé, FAURE et TREHOUARD DURVILLE, secrétaire de la Commission.

N°. 59

Brest, le 8 Nivôse.

Les Représentants du Peuple. ........... Vu les réclamations individuelles des citoyens de Brest et les faits qu'ils articulent contre Nouvel.

Considérant, que Nouvel, chef du douzième bataillon des sapeurs, membre du comité de sur-

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vaillance et juré en même-temps du tribunal sanguinaire établi a Brest à l'instar de celui de Paris, a partagé ses crimes; qu'il annonçait encore après l'heureuse révolution du 9 Thermidor, la chute prochaine de la tête des malheureux détenus au fort la Loi, et surtout, celles des hommes énergiques qui demandaient la suppression du tribunal. Considérant, qu'après la lecture et l'analyse qu'il avait fait à la tribune de la société populaire, de l'infâme adresse de Dijon, il assimilait l'élan patriotique de 'vive la Convention Nationale, vive la République', au cri contre-révolutionnaire de la royauté.

Considérant, qu'un homme après une telle conduite n'est pas digne de commander à des citoyens, qu'il est même dangereux de le laisser parmi eux.

Arrêtent : Nouvel est suspendu provisoirement de ses fonctions; il sera conduit au fort la Loi pour y être détenu jusqu'à nouvel ordre. Signé, Amable FAURE, DURVILLE, secrétaire.

N°. 60

Brest, le, 7 Frimaire.

Les Représentants.

. . Vu la pétition du citoyen Beauvacher. Considérant que ce n'a pu être que sous le règne

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exécrable de la tyrannie de Robespierre, que contre l'authenticité de vingt-cinq pièces qui toutes prouvent le patriotisme de Beauvacher, que l'on a pu vouloir le priver de la liberté,

Arrêtent :

le citoyen Beauvacher sur sur-le-champ mis en liberté. Signé, FAURE, TREHOUARD, DURVILLE, secrétaire de la Commission.

N°. 61

Brest, le 9 Frimaire.

Les Représentants du Peuple..... Vu la demande du citoyen Poussard, matelot, détenu au fort la Loi par mandat de l'accusateur public près l'ex-tribunal révolutionnaire, qui avoue aujourd'hui que c'est par méprise, parce qu'il le croyait prévenu dans l'affaire de Quiberon  ;

Considérant, que ce citoyen pour une affaire particulière, avait été traduit à la cour martiale et condamné â vingt jours de détention, et que par l'erreur de l'ex-accusateur public il n'est pas encore sorti, quoique le mandat ait sept mois de date, Arrêtent : le citoyen Jean Poussart sera sur-le-champ mis en liberté. Signe,TREHOUARD et FAURE.

N°. 62

Brest, le 24 frimaire. Les Représentants du Peuple...... Vu la

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pétition du citoyen Varroc, enseigne de vaisseaux Considérant que l'ex-accusateur public atteste qu'il a fait tout ce qui a dépendu de lui pour trouver quelques traces de sa culpabilité, mais que la justice en ce moment, le force à dire que ç'a été en vain .....

Arrêtent : le citoyen .Varroc sera mis sur-le-champ en liberté. Signé, TREHOUARD, FAURE; DURVILLE, DURAS, secrétaires de la Commission.

N°. 65

Brest, le 3 Fructidor l'an deuxième de la République, une et indivisible.

L'Accusateur public près le tribunal révolutionnaire, séant à Brest, établi à l'instar de celui de Paris.

Attendu que d'un procès-verbal en date de ce jour, souscrit par sept témoins, et rapporté à l'accusateur public, il résulte que le 29 Thermidor dernier, le nommé Dagorne, détenu au fort la Loi à Brest, a remis aux officiers municipaux de cette Commune, qui alors faisaient la visite des prisons, une pétition dont ils lui ont donné récépissé, et dans laquelle le pétitionnaire alléguait différents griefs qui inculpaient la Représentation nationale

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et singulièrement le citoyen Jeanbon-Saint-André (1)

Requiert la Municipalité de Brest, d'envoyer sur-le-champ au greffe dudit tribunal révolutionnaire, ladite pétition, en original et paraphée des officiers municipaux qui l'ont reçue; charge la responsabilité de la municipalité de tous événements qui pourraient résulter du retard de cet envoi qui eut dû suivre immédiatement la remise qui lui a été faite de ladite pétition. Signé, l'accusateur public, Douzé-Verteuil.....

N°. 66

Extrait des registres du comité révolutionnaire de Brest.

Séance du 14 Fructidor.

Le comité assemblé, un membre observe qu'il a entendu avec surprise, dire que les scellés ont été apposés et levés le 30 Thermidor dernier chez le citoyen Ragmey, président du tribunal révolutionnaire de Brest, par deux membres du comité de surveillance : il demande l'arrêté du comité qui a nommé cette commission et le procès-verbal de ses opérations.

Desirier déclare qu'en effet, le 30 Thermidor

(1) Cette pétition était destinée pour le comité des finances et de sûreté général.

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se trouvant seul au comité, il reçut par l'entremise de citoyen Blavier, secrétaire du Représentant, un arrêté du citoyen Prieur; qu'il envoya chercher un membre du comité  ; que le citoyen Lebars arriva, auquel il donna connaissance de l'arrêté du Représentant, lequel portait, que deux membres du comité révolutionnaire se transporteraient sur-le-champ en la demeure du citoyen Ragmey, président du tribunal révolutionnaire, à l'effet d'apposer les scellés sur ses papiers et de les apporter au Représentant, qui se réservait de les examiner. Ils se rendirent tous deux de suite au domicile du citoyen Ragmey, qu'ils ne trouvèrent pas chez lui; ils se transportèrent ensuite dans l'endroit où il mangeait, et là on leur dit que le citoyen Ragmey était i la campagne à l'Anse-Keruon  ; qu'étant allé rendre compte au Représentant que le citoyen Ragmey était à la campagne, et lui demander s'il voulait suspendre l'exécution de son arrêté jusqu'au soir, parce que Ragmey devait revenir coucher à Brest  ; le Représentant fit réponse de mettre sur-le-champ son arrêté à exécution.

Qu'en Conséquence ils se rendirent par mer à l'Anse-Keruon, après avoir obtenu un canot du port; qu'étant arrivé, on leur dit que le citoyen Ragmey était parti par terre pour retourner â Brest il y avait quelques heures; que d'après cette information ils repartirent de suite pour Brest, où étant arrivés, ils

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se rendirent chez le citoyen Ragmey qu'ils ne trouvèrent pas, et qu'ils y retournèrent vers les dix heures du soir, le trouvèrent et lui communiquèrent l'arrêté du Représentant auquel il se soumit; qu'ils ramassèrent tous les papiers du citoyen Ragmey, ils firent un paquet qu'ils scellèrent, et dressèrent procès-verbal, que le citoyen Ragmey signa, et qu'ils se retirèrent de suite chez le Représentant, à qui ils remirent le paquet contenant les papiers dudit Ragmey, le procès-verbal d'opposition de scellés, et celui de leurs démarches.

Le citoyen Lebars confirmant le rapport de Desiner, ajoute qu'étant environ dix heures et demie du soir chez le citoyen Prieur, Représentant du Peuple, Desirier le prévint que le comité n'avait encore aucune connaissance de son arrêté : à quoi le Représentant répondit: Eh bien, il faut attendre.

Qu'enfin deux ou trois jours après, le Représentant l'ayant fait demander ainsi que Desiner que l'on ne put trouver sur-le-champ, lui Lebars, se rendit chez le Représentant qui, de concert avec lui et en présence du citoyen Ragmey, procéda à la levée des scellés apposés sur les papiers dudit Ragmey, dont état et procès-verbal furent dressés par lui Lebars, en présence du Représentant et dudit Ragmey.

D'après ces déclarations, les membres soussignés du comité en arrêtent l'insertion au procès-verbal et déclarent qu'aucun d'eux n'a eu la

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moindre connaissance, ni de l'arrêté du Représentant du Peuple, ni des démarches des deux membres du comité, qui de leur propre mouvement et sans avoir convoqué le comité, se sont chargés de cette commission sur laquelle ils ont d'ailleurs gardé le silence depuis treize jours  ; lesdits membres du comité arrêtent en outre que les citoyens James et Moreau se retireront sur-le-champ auprès du Représentant du Peuple, et lui remettront une expédition du procès-verbal de la présente séance. Déclarent de plus les membres du comité, qu'ils n'ont pris aucune part, ni à la nomination, ni à la mission du citoyen Legalle, leur collègue, parti avec le citoyen Ragmey. Signe, LESUEUR, Moreau, Maçon, Morier, James, Brandin, Félix Nouvel, Viel, Fournier.

Nota. Lebars était juge du tribunal, et Desirier y était juré.

N°. 68

Je soussigné Joachim Morier, coutelier à Brest, membre du comité révolutionnaire de cette commune, proteste contre ma signature apposée au bas d'un certificat délivré au nom dudit comité par quelques membres dont la plupart sont attachés en qualité de juges ou jurés au tribunal révolutionnaire de Brest:, en faveur du citoyen Ragmey,

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président dudit tribunal (1), déclarant hautement que ma signature m'a été surprise par le citoyen Lebars, membre du tribunal et du comité, lequel me dit que tous les citoyens composant le comité devaient apposer la leur au bas dudit certificat, qui contenait vérité  ; ajoutant qu'il fallait mander le citoyen Lesueur, aussi membre du comité, qui avait refusé la sienne, et le forcer à motiver sa dérogation.

Je déclare encore, comme je l'ai déjà fait dans le procès-verbal de la séance du comité, du 14 Fructidor dernier, que j'ai seulement eu connaissance, ainsi que mes collègues, non membres du tribunal, le 13 dudit mois, de l'arrêté du citoyens Prieur de la Marne, Représentant du Peuple, en date du 30 Thermidor, qui ordonnait l'apposition des scellés sur les papiers du citoyen Ragmey, et de l'exécution de cet ordre par les citoyens Lebars et Desirier membres du comité, à l'insu de tous leurs collègues qui ont signé au procès-verbal susdaté, leur protestation contre cette opération irrégulière et suspecte.

Je déclare encore, qu'après avoir appris cette

(1) C'est sani doute à la faveur de la protection dont il écait couvert, et aux certificats que ses compagnons, égorgeurs lui ont donné, ou qu'il a escroqué de l'ancien comité révolutionnaire, que l'infâme Ragmey a trouvé le moyen d'obtenir sa liberté.

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operation, j'ai reclamé contre la surprise faite de ma signature au bas du certificat du citoyen Ragmey, que j'ai voulu protester contr'elle, mais que les citoyens Lebars et Brandin, ont attesté en présence des membres du comité, alors à la séance, que le certificat avait été déchiré et ont même cherché les morceaux, pour établir la vérité de leur assertion, laquelle m'a empêché de protester alors; mais qu'ayant appris hier que le certificat paraissait avoir été délivré au citoyen Ragmey, j'ai senti la nécessité de le faire sans délai.

Enfin je déclare que je n'ai non plus que les membres du comité, signataires de la protestation du 14 Fructidor, dont expéditions ont été remises aux citoyens Prieur de la Marne et Faure, Représentants du Peuple, aucune connaissance de la mission du citoyen Legall, membre du comité, parti pour Paris avec le citoyen Ragmey, l'objet de cette mission étant un mystère pour ceux de mes collègues du comité, qui ne sont pas attachés au tribunal révolutionnaire.

A Brest, en Thermidor, deuxième année Républicaine.

Signé, MORIER.

N°. 70

Je certifie, chirurgien de première classe, ancien chirurgien-major de l'armée de Mayence, Certifie que le citoyen Palis, élève en chirurgie de

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cette armée, en a été renvoyé par ses camarades qui, par un mouvement de commisération, l'ont fait changer d'armée.

Rennes y le 7 Brumaire, l'an 3 de la République

Signé, POUSSIELGUE,

N°. 72

Extrait de la déclaration des Citoyens de Brest sur la moralité de Palis, signataire d'un libelle adressé à la Convention, en date du 3 Frimaire, troisième année Républicaine.

Palis, être immoral et chirurgien ignorant, après avoir été chassé par ses camarades de l'armée de Mayence, vint à Brest en 1793 (vieux style), y fut puni par voie de police; et pour se venger de ceux qui le couvraient de boue et de mépris, il intrigua auprès des calomniateurs de la commune de Brest qui étaient parvenus à circonvenir les Représentants du Peuple, et fut nommé Juge du tribunal révolutionnaire qui y a égorgé pendant neuf mois, à l'instar de celui de Paris.

Chassé de la société populaire, même avant son épuration, le 11 Vendémiaire, il a fui de Brest pour se soustraire à l'indignation publique, et s'est rendu à Paris pour y être le digne auxiliaire de son collègue Ragmey, ex-président du tribunal de

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Brest, et vice-président de celui de Paris et détenir par ordre des comités de gouvernement pour correspondance intime et complicité avec le conspirateur Dumas.

C'est ce vil agent du triumvirat, cet intrigant subalterne qui, sachant que Castelnau, Bergevin et Trouille se rendaient à Paris pour déposer au sein de la Convention, le vœu des Brestois et pour y présenter les pièces les plus probantes au soutien de la dénonciation de Roffin contre le tribunal révolutionnaire, c'est le même Palis qui a cru pouvoir, par un tissu de perfidies, de machiavélisme et de mensonges affaiblir la confiance due à ces trois républicains que les citoyens de Brest aiment et estiment, et auxquels ils ont accordé, sous les yeux des Représentants du Peuple FAURE et TREHOUARD, et de la manière la plus libre et la plus solennelle, des pouvoirs revêtus de deux mille signatures .....

Tel est l'hommage que les citoyens de Brest se plaisent à rendre à la justice et à la vérité.

A Brest, le 17 Frimaire, an troisième de la République française, une et indivisible.

Suivent dix pages de signatures.

Les officiers municipaux de la Commune de Brest, certifient que la présente déclaration a été rédigée et signée dans ladite Commune.

Brest le 22 Frimaire, l'an troisième de la République, une et indivisible. Signé, Berthomp,

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Maire  ; F. M. B. Vesbordes* Mazé, J. B. Montenet, Rostan, Hervé et Paufer, officiers municipaux.

Nous attestons que le choix fait par la Commune de Brest, des citoyens Trouille, Castelnau et Bergevin, pour députés extraordinaires, près la Convention, a été parfaitement libre et ne peut être imputée à un instant d'enthousiasme, puisque l'on avait premièrement désigné des fonctionnaires publics que nous n'avons pas cru devoir autoriser à quitter leur poste.....

Palis a cru sans doute pouvoir mentir aussi impudemment dans le temple de la vertu, aux Représentants du Peuple, qu'il en imposait aux jurés dans le séjour du crime; mais pour le juger plus particulièrement, ainsi que ses dignes collaborateurs, nous renvoyons aux pièces que nous avons adressées au Comité de sûreté générale.

Les Représentants du Peuple près les ports et côtes de Brest et de l'Orient. Signé, Trehouard, Amable, FAURE, et DURVILLE, secrétaire de la commission.

N°. 76

Adresse de la Société populaire de Brest à l'armée navale, (1)

Marins,

Des perfides ont abusé votre bonne foi, ont

(1) C'est la pièce approuvée, imprimée par ordre des

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trompé votre patriotisme. Qui a pu vous dire que Brest était las de la liberté ? Liberté ou la mort !

telle fut toujours notre devise : armés pour la Patrie, nous ne voulons que du fer, et l'or corrupteur est étranger pour nous. Mais, vous ! est-il vrai que vous avez méconnu l'ordre de vos chefs, la voix du Représentant du Peuple ? Pourquoi rentrez-vous, dans nos ports lorsque l'ennemi vous cherche sur les mers ? Que va penser l'Europe entière, et qu'elle sera votre renommée ? Arrêtez, il en est temps encore ! retournez où la Patrie vous appelle, et vengez-nous par votre courage des crimes des Toulonnais. N'oubliez jamais, qu'en vous est notre espoir, qu'à vous seul est réservé la gloire de réparer l'affront que des lâches ont fait à la Patrie. Voyez sous les murs de Dunkerque l'Anglais battu et dispersé ! il fuit et court ensevelir dans son ile sa honte et les débris de sa défaite. Vous aviez des besoins, direz-vous; jetez les yeux sur nos frontières ! voyez nos frères couronnés de lauriers au sein des privations les plus rigoureuses. Ont-ils abandonné leur poste? ont-ils désobéi? Non. Le Français qui défend sa liberté, souffre, se bat et ne se plaint jamais. Vous avez des besoins, eh bien !

Représentants, et présentée au jugement de Belval, comme preuve de la rébellion qu'on l'accusait d'avoir prêché aux marins.

page 88

parlez, les Représentants du Peuple vous écoutent; ce sont nos pères, vous serez satisfaits.

Marins, la société populaire vous délivra souvent des scélérats qui voulurent vous perdre; souvent elle déjoua les coupables projets formés contre vous. Venez, nous sommes toujours vos amis et vos frères, nous ne devons faire qu'un. Des êtres malveillants ont semé parmi vous le désordre et le trouble : nommez-les. — ils ont voulu nous désunir.

— Nommez-les; c'est un devoir sacré pour vous.

— L'heure de la punition des traîtres est sonnée; la mort les attend, et la Nation Française, grande dans ses bienfaits  ; terrible dans ses vengeances, saura bientôt purger l'armée des monstres qui l'ont infectée. Signe, BELLEVAL président  ; D'Hesculay, P. J. Rideau, Gaude, Lefebvre aîné, et GÉNOUIN, membres de la Commission.

Le Représentant GUFFROY, membre du Comité de Sûreté générale, Rapporteur.

De l'Imprimerie de la Veuve d'Ant. Jos. Gorsas, rue Neuve des Petits-Champs, au coin de celle de la Loi, N° 74.

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Archives départementales du Finistère 100 J 1187
Lettre du plaidoyer de François le Cornec François le Cornec fut l'un des 4 acquittés du procès.

note : ce plaidoyer est incomplet, il y manque des pages remplacées par ....

..... nous mirent en place et qui nous y ont maintenus constamment et ils nous ont toujours continué leur confiance, c'est parce qu'ils nous ont toujours vu marcher d'un pied ferme dans le sentier du patriotisme le plus pur. Nous n'avons cessé un instant de rendre à la Convention l'hommage dû à la représentation nationale, d'enregistrer ses décrets, de les exécuter et de les faire exécuter ponctuellement.

À la première lecture de l'acte constitutionnel, le tribunal, le district, toutes les autorités constituées de Carhaix se réunirent, en un instant pour le proclamer, pour l'accepter et le faire accepter dans l'assemblée primaire du canton. Nous étions dans l'erreur quand nous écrivimes cette fatale lettre mais il n'est résulté de notre erreur, il n'est résulté de notre lettre aucun préjudice ni pour l'intérêt public, ni pour l'intérêt particulier.

Une erreur involontaire ne fut jamais un crime, cette idée nous rassure [?] et s'il nous était donné de vous faire lire au fond de nos coeurs vous y verriez citoyens représentant, vous y verriez écrits en caractères ineffaçables que nous sommes de vrais patriotes, de vrais républicains, vous verriez que nous sommes précisement dans le cas de ces fonctionnaires publics de Bar-sur-Ornin [Bar-le-Duc] dénoncés comme fédéralistes, mis en arrestation et traduits au tribunal révolutionnaire et que la Convention à mis en liberté par son décret du 6 messidor. Leurs plaintes, dit le Courrier de l'Égalité n°675, appuyées sur les preuves de leur civisme avaient été renvoyées au Comité de sureté générale, aujourd'hui la Coste membre de ce comité a fait un rapport d'où il résulte que les dénoncés sont de bons et de vrais patriotes auxquels on ne peut reprocher qu'un moment d'erreur, tandis que leurs dénonciateurs reconnus depuis pour de vrais ennemis du peuple ont été eux-mêmes arrêtés, Elie la Coste a proposé de remettre en liberté les patriotes incarcérés de Bar sur Ornin (décreté) dit le journaliste.

C'est après avoir ainsi raisonné  ; c'est dans l'intention d'être utiles que nous primes le parti, non pas de cesser d'enregistrer, nous l'avons toujours fait exactement, mais de consulter les autres tribunaux du département : nous leur écrivimes.

Vous savez comme nous, en quel état est la Convention nationale, devons nous continuer à enregistrer les décrets ? Notre avis serait de n'en rien faire si tel est le votre.

Qui ne voit dans la première phrase, une preuve convaincante de l'erreur qui nous l'avait dictée ?

Vous savez comme nous en quel état est la Convention nationale et dans cette erreur que faisons nous ? Nous demandons l'avis de nos confrères. Devons-nous continuer à enregister ses décrets ? et si nous ouvrons aussi notre avis, voyez avec quelle circonspection nous le proposons, c'est en subordonnant notre opinion à la leur que nous leur disons : notre avis serait de n'en rien faire, si tel est le votre. Nous ne cherchions donc pas à coaliser, nous ne voulions que nous éclairer, et les expressions de la lettre ne laissent aucun doute, sur notre intention, à cet égard.

Nous étions dans l'erreur et notre lettre écrite dans cette erreur, prouve notre patriotisme, notre zèle pour la chose publique, notre attachement à la Convention. Un égoïste n'eut pas écrit du tout, un aristocrate, un fédéraliste eut écrit tout autrement.

Oui, nous sommes patriotes, nous sommes de vrais républicains, nous l'avons toujours été et il n'est pas, dans le district de Carhaix, une commune qui ne nous rende cette justice, et qui ne s'empressa de nous en donner, s'il le faut, le certificat le plus honorable.

Elles nous l'ont donné plus d'une fois ce certificat, nous avons toujours été fonctionnaires publics depuis le commencement de la révolution et ce sont les suffrages de nos concitoyens qui ....

... district et du tribunal et toutes les fois que le canton de Carhaix s'est formé en assemblées primaires, toutes les fois que la commune s'est formé en assemblées générales, j'ai été président, secrétaire ou scrutateur.

J'ai été l'un des fondateurs de la société populaire de Carhaix affiliée à celle des jacobins de Paris. J'en fut élu président le jour de sa création et depuis j'ai été appelé plusieurs fois à la même place. J'ai été souvent ausssi de nombre de ses secrétaires.

Enfin j'étais membre du comité de surveillance lorsque mes ennemis parvinrent à surpendre la religion du représentant Bréard et à me faire mettre en arrestation.

Telles sont les places que j'ai remplies. Comment m'y suis-je comporté ? Ce n'est point à moi, c'est à mes concitoyens de répondre, juges nés de la conduite de leurs administrateurs, c'est aux administrés, c'est aux justiciables qu'il appartient d'en rendre compte de leurs juges à déterminer l'assemblée de la commune à renfermer ces trois prêtres réfractaires.

Ils vous diront que le tribunal de Carhaix s'est empressé de concourir avec les autres corps à proclamer la constitution, à l'accepter et à la faire accepter dans l'assemblée primaire du canton.

Ils vous dirons que la proclamation de la constitution faite à Carhaix par toutes les autorités constitués + faites sous les yeux des habitants des campagnes qui nous environnent, et avec toute la pompe que méritait une pareille cérémonie, ne contribua pas peu à faire accepter la constitution non seulement dans les autres cantons du district mais encore dans ceux du district de Rostrenen et fu Fouet qui fait partie des départements du Morbihan et des Côtes du Nord.

Ils vous diront ce que je ne puis dire en parlant de moi. signé : Le Cornec

Mémoire de César-Marie le Hir

Mémoire de M. le HIR (1764-1849), avocat des 26 administrateurs, texte écrit vers 1835 à la demande de M. Duchatellier - Archives départementales du Finistère 100 J 1187

César-Marie le HIR était avocat et membre du district de Brest

Quanquam animus meminisse horret , Luctuque refugit, incipiam (bien que mon esprit tressaille ...)

Messieurs vous me rappelez des souvenirs bien douloureux qui me pèseront toujours sur le cœur. Pour préciser ces souvenirs j'avais entrepris de rechercher dans d'immenses liasses de vieux papiers les notes que j'avais pu garder de mes malheureuses défenses devant le tribunal de sang  ; et pour de telles investigations il fallait attendre mon retour de la campagne. Mon cabinet est couvert de fatras sans que j'ai rien trouvé de ce que je cherchais  ; et pourtant messieurs je vous dois une réponse que je regrette bien d'avoir retardée puisque j'ai si mal réussi. Je ne puis donc vous entretenir de ces temps désastreux que d'après mes souvenirs.

Le détrônement du Roi  ; sa longue détention et celle de sa famille, le crime de sa mise en jugement, les blasphèmes qui précédèrent cette horrible condamnation, le sang du juste répandu sur un échafaud, consternait toute la France et présageait de nouveaux malheurs.

Bientôt l'attentat s'étendit aux députés du peuple en qui seuls devait résider quelqu'espoirs d'ordre et de salut.

Quand les autorités virent proscrire et mettre hors la loi les Lanjuinais, les Defermon, les Kervelegan... Pour avoir voulu épargner un forfait à la Convention, l'indignation l'emporta sur la terreur, et l'on résolut de marcher au secours des honnêtes députés et de la France.

Les administrateurs du Finistère n'eurent pas d'autres vues, d'autres intentions et nous administrateurs du district de Brest, dans le temps, nous n'eûmes d'autre but que le salut de la France en exécutant leurs arrêtés, en expulsant de nos murs et de notre port des émissaires de la tyrannie.

Que ces victimes généreuses ont expiés cruellement les élans de leur dévouement ! Et nous-même, combien de fois ne nous sommes pas vu au bord du précipice ! Combien de fois avons-nous pas eu en main les éléments de deux procédures assassines qu'on nous préparait et par lesquelles nous eussions passé si le neuf thermidor n'était venu nous sauver. Par deux fois successives et à peu d'intervalles, il a été attenté à la liberté de notre Président, feu Mr le Breton médecin instruit qui a laissé dans notre ville une mémoire vénérée de douceur et de bienfaisance jointes à un bau caractère d'élévation et de fermeté.

Nous cherchions de toutes nos forces à temporiser l'impatience de ces infortunés administrateurs ennuyés de leur fers, traînés des prisons de Quimper à celles de Rennes et de celles de Rennes à celles de Brest. Nous nous efforcions de paralyser ce funeste empressement de se faire juger. Ces innocentes victimes ne consultaient que leurs consciences, l'ardent amour qui les avait dirigé pour le bonheur de leur pays. Ils croyaient à peine à la perversité de leurs ennemis et à la cruauté des tyrans. Malheureuses victimes vous hâtiez votre trépas..!

Nous tentâmes de lier les vœux des sections de Brest à leur sort. Nous obtînmes facilement l'adhésion de la section de la congrégation près St Louis et celle de deux autres sections  ; mais lorsque nous descendîmes à celle du quai dans l'église des Sept-Saints, nous succombâmes : nous courûmes même quelques dangers, parce que nous refusâmes la pétition pour y inscrire un vœu contraire : vous étiez cependant bien digne d'inspirer le respect, vénérable Monsieur Smith, président du tribunal, et vous amène et honnête chevalier de Massac, commissaire de marine : l'humanité ne pouvait emprunter des voix plus persuasives que les vôtres mais puisque nous ne trouvions que des cœurs endurcis, d'indignation je serrai la pétition, et les clameurs et les menaces qui nous accompagnèrent jusqu'aux portes, ne nous l'arrachèrent point.

Le décret du 19 juillet 93 qui les traduisait au tribunal de sang nous avait alarmé sur leur sort  ; mais lorsque vint l'armée révolutionnaire, lorsque des bonnets rouges étrangers pullulaient de tous côtés dans nos murs, lorsque nous pûmes avoir quelques idées du talent perfide du président Ragmey, de la servilité fanatique de l'ex-moine Verteuil ne pouvant rien que par les ruses sanguinaires du substitut Bonnet ex-procureur au Châtelet et secrétaire de Fouquier-Tinville, quand nous vîmes quels juges et quels jurés venaient les seconder, nous pressentîmes que tout était perdu, et que leur mort était jurée.

Leur acte d'accusation du 24 floréal an 2 sur 17 pages de papier Tellière format Tellière : format 34x44 cm définit pour l'administration par Michel le Tellier (1603-1685) (2) en minute et le même jour, le tribunal révolutionnaire rendit une ordonnance de prise de corps et d'écrou contre 33 administrateurs et contre le secrétaire général M Aimez né à Brest.

De de cet acte d'accusation et de l'ordonnance il ne fut délivré que trois copies, non aux accusés mais aux défenseurs le trente floréal vers sept heures du soir. Sans prendre le temps de lire ce tissu de mensonges et de perfidies nous nous rendîmes sur le champ dans les cachots de ces infortunés  ; mais comment recueillir leurs moyens de défense dans une si courte entrevue ? Onze d'entr'eux m'entouraient à la fois et me tendaient leurs bras affaiblis en me présentant leurs notes  ; mais vous agriculteurs illettrés et simples, Messieurs Postic et Derrien, vous qu'un des juges disait m'avoir imposés, je ne pouvais qu'écouter les plaintes de votre droiture et de votre innocence et recommander la rédaction de vos notes à l'illustre Morvan, l'émule de la Harpe, et l'une des plus brillantes lumières du barreau de Quimper. tous vos compagnon de malheur s'écriaient que les notes vous étaient inutiles, que votre simplicité vous absolvait par avance....

Illusion cruelle et trompeuse ! Je les quittais tous à l'heure de la rentrée dans les cachots, en leur donnant quelques avis sur les habitudes et les formes des séances, et en dissimulant tous les noirs pressentiments où m'avait plongé la lecture de l'acte d'accusation satanique, ouvrage de l'horrible Bonnet. À demain matin sept heures" nous dîmes-nous en nous raidissant contre la tyrannie.

Quelle nuit pour moi mais quelle nuit lugubre pour vous, intéressantes victimes ! à 10 heures tous les feux étaient éteints dans la prison. Dès six heures du matin premier prairial, des piquets de l'armée révolutionnaire gardaient tous les carrefours  ; la mort était dans tous les cœurs honnêtes et sensibles. Les accusés furent amenés par un détachement armé à la chapelle de la marine, aux frontispice de laquelle on lisait dans un écusson en cuivre faiblement effacé depuis et perceptible encore à des yeux bien clairvoyants : Justice du peuple. Des gradins étaient disposés en amphithéâtre dans le sanctuaire à la droite des juges assis à une grande table. Chaque accusé était entre deux gendarmes le sabre nu, entremêlés de soldats de l'armée révolutionnaire qui bordaient encore toute l'enceinte ! Ni les défenseurs ni personne ne pouvaient communiquer avec eux.

Les deux premiers jours furent employés à la lecture d'une foule immense de pièces, d'arrêtés, d'adresses, d'extraits de registres, de dont les défenseurs de n'avaient ni connaissance ni idée, et à l'audition des témoins.

Le président Ragmey promenait de tous côtés des yeux étincelants et affichait une hauteur impudente. Il ne prêtait attention qu'aux témoins à charge en traitant avec mépris et dureté les témoins à décharge et ne paraissant vouloir les écouter qu'en masse.

Quand le procureur général syndic monsieur Brichet voulait faire des observations sur les arrêtés dont on leur faisait des crimes, quand il invoquait la lecture des 48 lettres des députés du Finistère qui avaient déterminé toutes leurs résolutions. Lettres qu’ils avaient eu l'imprudence d’adresser à l’accusateur public Verteuil, comme autant de preuves manifestes de leurs sages intentions et de leur amour pour leur pays. Il était repoussé par Ragmey tantôt avec une autre en dérision tantôt avec brutalité  ; et le courage était paralysé par l’audace haineuse. et l’innocence restait confondue ! La lecture de ces lettres justificatives et de diverses autres pièces fut déniée.

Vous jugez d'avance que, puisque aucun acte de la procédure et de l’instruction de nous était communiqué, puisque les débats n'avaient pu être libres , les défenses ne le furent pas davantage. Comme M. Riou-Kersalaun et moi nous étions chargés du plus grand nombre de défenses, nous étions convenus que M Riou commencerait par développer plusieurs des moyens généraux qui s’appliquaient à la cause commune des accusés est-il que je continuerais une nouvelle confirmation de ces moyens généraux  ; mais à son début le président l'interrompit, quoi qu'il ne s'exprima encore qu'hypothétiquement et avec réserve :

"- Mais si ses administrateurs disait-il n’ont eu d'autre but que le salut public s'ils ont été animés que par l'amour de la patrie dans les mesures qu'ils ont prises d'après les lettres de nos députés , s'ils ont pu avoir d'autres intentions ....

Avant que tu t'avances plus loin, Citoyen défenseur" s'écria Ragmey d'un ton menaçant, le tribunal a besoin de connaitre tes opinions personnelles sur les arrêtés de cette administration.

M Riou resta interdit et indigné sans répondre.

Le tribunal reprit, presqu'aussitôt Ragmey, t'interpelle de t'expliquer et te demande si tu ne regardes pas ces arrêtés comme liberticides, parce que d'après ta réponse, il a peut-être des mesures à prendre à ton égard. Ce qui entraina une sorte d'acquiescement tacite de la part de M Riou et le força d'abandonner cette partie essentielle de la défense commune. Ô temps ! Ô tyrannie !

Dès ce moment nous ne jouîmes point de la liberté nécessaire au développement d’une grande cause, et nous nous vîmes presque réduits à n’établir que la moralité des malheureux accusés. Car lorsque l’intéressant monsieur Morvan voulu encore ajouter quelques faits aux faits honorables que j’avais analysés de sa vie publique et privée nous fut interrompue par Ragmey et contraints d'écouter une mercuriale du président sur la manière de défendre les accusés.

Il faut, nous disait-il avec amertume se renfermer dans les faits de l’accusation et non divaguer dans des éloges étrangers.

Ainsi il fallut céder à l’outrage et à la violence : il fallut abréger les faits qui pouvaient faire quelqu'impression sur de vrais jurés. Ainsi brave Cunq de Quimperlé, c'était un crime de signaler vos 11 enfants à ces tigres altérés de votre sang : vos exploits guerriers dans nos armées, votre grade de capitaine d'artillerie , tant de danger affrontés pour la patrie, vos blessures honorables offensaient ces tyrans : ils entendirent cependant malgré leurs menaces !

Que ne pouvais-je longuement malheureux Guillier, honnêtes Le Gac, le Thou et Piclet retracer le tableau de vos vertus civiques.

Pour votre cause , modestes cultivateurs Derrien et Postic, ont sembla m'accorder plus de liberté : je fis valoir combien il était cruel d'envelopper de simples agriculteurs dans des affaires politiques , auxquels étaient condamnés par la nature et leur éducation à être étranger toute leur vie : les membres du comité révolutionnaire de Quimper se réunissait pour rendre justice à vos sentiments et à vos attentions. Les jurés Queneudec et Girard fils votaient pour vous, et cependant ô nouveau crime ! Je ne pus vous arracher à la hache du bourreau !

J’avais rejeté à la fin de la plaidoirie la discussion pour un magistrat distingué, citoyen chéri et fidèle, aimant son pays par-dessus tout : sa cause était dans une exception à part, parce qu’il ne se trouvait point aux délibérations qu'on incriminait le plus. l'état des biens présent à celle qui arrêtait de faire partir les forces départementales mais le tableau d’une guerre civile arrêta son vote dans ces circonstances dernières et décisives : aucune signature de sa part n'existait sur les registres . les tyrans n'objectaient que des relations de copie ou d’imprimés. " mais envoie-t-on à la mort le magistrat le plus vénéré et le plus illustre m’écriai-je sur des méprises de protes ou de copistes, sur des erreurs matérielles prouvées par les registres invoqués contre d'autres malheureux avec le dernier acharnement.

Magistrat zélé, je pu recueillir toutes mes forces pour payer à la plus juste des causes, le prix de l’estime affectueuse que vous m’aviez accordée dans votre carrière, et dont cette dernière confiance était pour moi le plus sensible mais aussi la plus douloureuse récompense. je ne me bornais pas à ces démonstrations orales, est pour vous et pour ses modèles de tant de vertus : je récapitulai mes moyens par écrit  ; et dans autant de notes relatives à chacun, qui ne nous sont plus revenus des mains des jurés, je dus si les révélations postérieures furent vraies, ébranler quelques consciences.

Après des débats si passionnés, si despotiques, si comprimés, quelles pouvaient être nos angoisse dans l’attente du résumé du président ? Il rejeta tous les points de défense pour s’en tenir aux faits matériels, qui, selon lui, ne pouvaient être que criminels  ; et des accusés qui en étaient les auteurs et les complices ne pouvaient être que coupable s'écriai-t-il à chaque conclusion : il descendait ensuite à quelque examen particulier pour terminer par cette même et fatale conclusion. Il supposait toujours part aux actes, dès qu'on y était dénommé (signature apposée ou non apposée) et il les passait en revue à l'égard de chacun.

On aurait pu croire qu’à la suite de ce nouvel acte d’accusation, Ragmey allait poser des questions relatives à chacun puisqu'elles ne peuvent jamais être complexes. D'ailleurs la situation des accusés n’était pas la même : leur intelligence et leur instruction était différente , un alibi était allégué .... Il y avait une nécessité légale d’interroger le jury sur chacun d'eux séparément, si toutefois l’on peut accorder le nom de jury à une agrégation d’hommes affidés à la tyrannie. Pour eux peu importait l'intention, peu importait l'amour du pays, le salut de la France, auxquels s'étaient dévoués ces généreux administrateurs. Ces juges pervers ne voulaient scruter ni les circonstances ni les individus, ni la moralité : c'est au prisme matériel du fait que Ragmey s'attachait pour perdre tous les accusés en masse,

Il abusait des termes de l'article 2 du décret du 12 mars 1793 portant que, les juges appliquaient la loi après la déclaration des jurés sur le fait  ; et supposant toujours une conspiration dans le Finistère, il en concluait qu'en matière de conspiration le fait entraine l'intention. Il s'obstina à se borner à ces deux questions :

1° est-il constant qu'il a existé une conjonction contre la liberté du peuple français tendant à rompre l'unité et l'indivisibilité de la République, à allumer le feu de la guerre civile, en armant les citoyens les uns contre les autres, en les provoquant à la désobéissance et à la révolte contre l'autorité légitime de la représentation nationale ?

2° Kergariou, Brichet, Aimez, Morvan,Guillier, Bergevin, Dubois, Derrien, Postic, Cuny, le Prédour, Daniel-Kervaux, Expilly, le Roux, Herpen, Mérienne, Malmanche, Banéat, le pennec, le Thou, Deniel, Moulin, le Gac, Piclet et le Denmat sont-ils convaincus d'être auteurs ou complices de la dite conspiration ?

MM Brichet, Bergevin, Morvan et Merienne s'élevèrent les premiers contre cette confusion monstrueuse et complexe et nous réclamâmes en conséquence l'application des articles 19, 21, 26, 30 et 33 de la loi de la loi du 16-29 septembre 1791, auxquels le décret du 2 nivôse an 2 sur les jurés n'avait point dérogé, et sans l'observation desquels il ne pouvait jamais émaner aucune déclaration légale d'un jury  ; nous rappelions la loi en forme d'instruction du 21 octobre 91, qui veut que

les jurés examinent la moralité du fait, c'est à dire, les circonstances de volonté, de provocation, d'intention, de préméditation, qu'il est nécessaire de connaître pour savoir à quel point le fait est coupable, et pour le définir par le vrai caractère qui lui appartient.

Nous invoquions comme confirmation de l'application de la question intentionnelle l'article 9 de la loi révolutionnaire du 21 floréal an 2, qui ordonnait que

toutes les fois que les délits de discrédit des assignats, de leur refus en paiement et d'achat de numéraire auraient été commis dans l'intention de favoriser les entreprises des ennemis, la question relative à cette intention, serait posée par le président du tribunal criminel ...

La position de la question intentionnelle était donc d'obligation pour les juges révolutionnaires comme pour tous les juges, insistions-nous, en ajoutant que la loi ne sévissant que contre l'auteur d'un fait défendu agissant avec intention criminelle et les intentions ne se manifestant que par les mœurs, par la conduite privée et politique par les actions habituelles, par les antécédents des faits incriminés, il y avait lieu d'exposer ces faits au jury et par conséquent nécessité de poser la question intentionnelle, qui est de l'essence de l'institution.

Crédules que nous étions ! Une loi révolutionnaire du 26 frimaire an 2, article 24, n'avait-elle pas osé ériger en principe contre des français :

il ne sera point posé de question intentionnelle sur les faits qui auront été articulés dans le débat ?

N'avions-nous pas lu le sauvage rapport de Dubarran dans la séance du 12 pluviôse suivant contre la question intentionnelle qui avait fait acquitter au tribunal criminel du Gers l'ex-constituant Barbotan, qu'il fit renvoyer au tribunal révolutionnaire malgré son acquittement en proclamant que

le crime est dans le fait; et qu'il est si cohérent à l'intention qu'il n'existe que par cela même qu'elle l'a produit.

Malheur aux peuples qui sont gouvernés par des hommes sans foi, sans principes, sans conscience, sans humanité ! Faut-il s'étonner que leurs séides les surpassent encore en forfaits ? pendant que nous discutions pour l'innocence, les instruments du supplice s'apprêtaient : le farouche Ragmey opposait avec dérision sa justice révolutionnaire et se refusait effrontément à toute position de question intentionnelle.

Mais aussi, âmes innocentes et généreuses, vous aviez cru être devant des juges  ; et c'étaient des sicaires qu'on vous avait envoyé avec l'ordre de vous immoler : votre dernier dîner était recommandé dès la veille  ; dès le matin le bourreau Hans avait requis de M Pérard administrateur du district les chevaux et les voitures nécessaires pour l'exécution. Ce monstre dégoutant de sang avait dit que du moment du jugement, vous étiez à lui et qu'il ne vous donnerait pas un quart d'heure pour vous reconnaître. Le jury semblait délibérer encore et les deux charrettes étaient attelées dans la cour du tribunal !

Enfin les sicaires sortent de leur repaire, leurs regards soucieux n'annoncent que des malheurs.

La 1ere question de la conjuration est résolue à l'unanimité.

Qui croira que la seconde le fut aussi en masse sans distinction, sans discernement que les hommes sans instruction furent confondus avec les érudits, les militaires avec les magistrats, les non-signataires avec les signataires, les hommes simples avec les jurisconsultes....

La tradition répéta que les têtes furent disputés par plusieurs, que l'honnête Malmanche de Brest, que Cuny, que Postic et Derrien ne pouvaient être sauvés seuls ...

Et dans cette sorte d'embarras du crime, la mort de tous fut jurée.

Un crêpe funèbre semblait voiler le tribunal : l'heure des ombres s'approchait avec l'heure dernière : toutes les poitrines étaient haletantes  ; et quand on entendit préparer sur l'honneur et la conscience l'égorgement des 26 administrateurs, l'effroi, la désolation fut à son comble.... Courageux Bergevin, intrépide Mérienne, énergique Guillier Dumarnay, brave Moulin, vous nobles victimes qui excitiez notre désespoir, je n'oublierai jamais vos dernières paroles adressées à vos assassins : "scélérats, vous écriâtes-vous, notre sang retombera sur vos têtes"

Mon sang était figé : je ne sais comment je retrouvai ma demande sur le pont de terre : je m'enfermai pour rendre compte de ce terrible évènement à une femme de grand cœur, qui s'intéressait au sort de l'innocence. Je ne pouvais m'exprimer qu'à mots entrecoupés et ses larmes abondantes n'augmentaient pas mon courage. Un bruit sourd dans la rue nous fit accourir à la fenêtre  ; ciel ! C’étaient ces 26 administrateurs infortunés, pressés dans les deux charrettes fatales, en corps de chemise, la tête nue, les cheveux coupés, et les mains liés derrière le dos ...ô surprise ! ô stupeur ! je ne faisais que de les quitter : je ne pouvais penser qu'en si peu d'instants on eut pu les dépouiller avec cette rapidité de rage : la force nous manqua, et l'impression de la douleur m'affecta longtemps et altéra ma santé.

Il fut notoire que le bourreau Hans fit ranger, avec raffinement de cruauté, chaque tête ensanglantée sous les yeux de ceux qui attendaient leur tour dans la 2eme voiture.

Ainsi périrent, le 22 mai 1794 26 administrateurs du département qui avaient cru servir dignement leur pays, et qui n'eurent qu'une faute à se reprocher celle d'avoir demandé et provoqué leur jugement, sans apprécier les désastres du temps, sans voir qu'ils ne seraient pas plus à l'abri des malheurs qui fondaient sur d'autres têtes non moins innocentes.

Ces juges et ces jurés ne s'arrêtèrent plus : un rapport de Couthon, une loi du 22 prairial leur élargit toutes les voies en les dégageant de toute importunité de défenseur : le juge Bronsort fut mis hors la loi, parce qu'il réclamait avec instance l'audition de ses témoins : il périt avec notre ancien collègue Toullec aîné et l'ecclésiastique M Rideau, accusés d'avoir refusé l'acceptation d'un acte constitutionnel mort-né et immolé au gouvernement révolutionnaire. La conduite de Toullec au tribunal, comme sur l'échafaud, fut celle d'un héros : il répondit toujours avec dignité et un sang-froid imperturbable comme il avait été dans le cours de sa vie  ; et pour rassurer ses compagnons d'infortune, il tint le flambeau pendant qu'ils recevaient le coup de la mort. Mr Toullec a laissé dans nos murs la plus digne des filles, toujours inconsolables d'une perte aussi cruelle.

M Duchatellier père partagea avec nous la douleur publique qu'inspira l'égorgement des magistrats Moreau père de Morlaix et Chefdubois sénéchal de St Pol de Léon, des dames de Coatanscour, de Launai, du Trémais Kerdizien, de Modeste-Emilie de Forsan âgée de 20 ans, agée de 27 ans en réalité dont des monstres osèrent souiller le cadavre immédiatement après le supplice ...

Dii, talem avertite pestem ! Dieux, delivrez-nous d'un tel fléau !

Ô providence, éloignez de nous ces malheurs ! que leur souvenir serve à faire exécrer et proscrire de tels monstres !

Après le 9 thermidor, nous avons vu et entendu ces jurés de sang s'accuser mutuellement et accuser leurs juges assassins: convenir que le président refusa de soumettre au jury la question intentionnelle, qui seule pouvait sauver les accusés .... que l'institution des jurés était anéantie  ; qu'il leur fut impossible de tendre une main secourable aux accusés, parce qu'ils ne purent apprécier, ni la moralité de leurs actions, ni la pureté de leurs intentions  ; qu'ils ne furent que des instruments passifs  ; qu'ils délibéraient le fer suspendu sur la tête .....

Et cependant ils eurent la lâcheté ou plutôt l'infamie de proférer publiquement et à haute voix, sur leur honneur et leur conscience, que 26 de leurs administrateurs, 26 citoyens recommandables de leur département étaient coupables pour n'avoir point courbé leurs têtes sous le joug des assassins de la Montagne !

Ô honte ! Ô immoralité !

Voyez Messieurs, si quelques-uns de ces détails peuvent vous être utiles, et veuillez agréer l'expression d'un ancien attachement.

Le HIR

Bonnet, secrétaire de Fouquier Tinville à Paris, fut secrétaire de Donzé-Verteuil à Brest

Bien plus tard certains participants au procès furent jugés. Puis une loi d'amnistie passa ...